Le projet de loi de finances pour 2025 du gouvernement demande un effort de cinq milliards d'euros aux collectivités locales les plus aisées. Et cela ne sera pas sans conséquences sur votre quotidien.
En tête dans les sondages, désormais ralliés par Eric Ciotti (LR), et probablement rejoints par Reconquête… le RN se trouve en position de remporter la majorité des sièges à l’Assemblée nationale. La France entrerait alors dans la quatrième période de cohabitation de son histoire. Une telle situation n’a, par le passé, pas empêché la promulgation de lois majeures toujours en vigueur aujourd’hu i. Toutefois, l’opposition entre Emmanuel Macron et le candidat désigné à Matignon, Jordan Bardella, pourrait changer la donne. Faut-il s’attendre à une sclérose des institutions ? Quelle serait la place de la France dans le monde ? Christophe Boutin, politologue, agrégé en droit public et professeur à l’université de Caen apporte son éclairage.
Planet - Dans le cas des précédentes cohabitations, les présidents de la République avaient choisi des “domaines réservés”. Quels pourraient être ceux privilégiés par Emmanuel Macron s’il était amené à partager le pouvoir avec Jordan Bardella ?
Christophe Boutin - Bien qu’elle soit impropre - il n’existe pas de domaine réservé dans la constitution - cette formule est en effet régulièrement utilisée. Elle désigne des pouvoirs régaliens tels que la Défense et les Relations internationales.
Par le passé, en matière de politique internationale, les points de vue des mouvements qui se sont partagé le pouvoir lors des cohabitations différaient peu, ce qui n'empêchait pas de parler d’une seule voix. Cette situation s’annonce bien différente, notamment sur l’Ukraine…
Lors des cohabitations qui ont pu avoir lieu, on voyait arriver et le président et le Premier ministre ensemble lors des sommets internationaux notamment. Effectivement, bien qu’il y ait pu y avoir des avis différents sur l’évolution de l’Union européenne, il n’y avait pas de profondes divergences d’implication entre Jacques Chirac et François Mitterrand ou plus tard Lionel Jospin et Jacques Chirac. Là, il y a des désaccords sur un certain nombre de sujets. Le Conseil européen, un élément essentiel qui définit les orientations de l’UE, doit être nommé. Les chefs d’Etat et de gouvernement doivent trouver une position commune, ce qui n’est pas évident.
Les choses sont moins sensibles que l’on pense sur la question ukrainienne. Le RN considère que la Russie a mené une agression. Ce qui démarque les deux camps c’est la possibilité ou non d’utiliser les ressources militaires françaises.
Qu’en est-il des rapprochements entre le RN et la Russie de Poutine ?
Il y a un côté légende noire. Marine Le Pen a accepté un prêt que les banques lui refusaient et même François Bayrou a proposé de trouver une autre solution. En réalité, Marine Le Pen semble plutôt vouloir amener les belligérants à la table des négociations dans la situation telle qu’elle est actuellement, alors qu’Emmanuel Macron pose plutôt comme préalable que la Russie renonce aux territoires autrefois ukrainiens et désormais sous contrôle russe, non seulement le Donbass, mais aussi la Crimée.
“Sur la scène internationale, on se doit de parler d’une seule voix.”
Ces points d’achoppement sur le plan international risque-t-elle d’affaiblir la voix de la France à l’étranger?
Absolument. Sur la scène internationale, on se doit de parler d’une seule voix.
Qu’en est-il sur le plan intérieur ? Emmanuel Macron pourrait-il faire blocage aux réformes initiées par la majorité ? Pourrait-il refuser de signer des ordonnances prises par le Premier ministre, comme François Mitterrand en son temps ?
Effectivement. A l’époque où Jacques Chirac est devenu Premier ministre de François Mitterrand, l'interprétation de la constitution s’est posée. Le président signe les ordonnances : s’agit-il d’un présent ou d’un impératif ? François Mitterrand a refusé de signer, Jacques Chirac a choisi de pas entamer l'épreuve de force et il a donc cédé. De la même manière, si on soumet à Emmanuel Macron des ordonnances qui lui déplaisent, il refusera de les signer. Mais les ordonnances sont seulement destinées à gagner du temps. Le pouvoir politique a toujours la possibilité de préparer un projet de loi. Pour qu’elle soit votée, encore faut-il que le RN dispose d’une majorité et l’on se sait pas si celle-ci sera absolue.
Un président aux pouvoirs limités
Il lui faudra alors former une coalition…
Tout dépendra des résultats des législatives bien entendu. Il n’est d’ailleurs pas certain que le président choisisse un Premier ministre au sein du RN si ce dernier n’a pas la majorité absolue. Dans le cas d’une majorité relative, il faudra trouver des accords texte par texte.
Quels sont les sujets qui risquent d’aboutir à un blocage ?
Ils ne proviendront pas nécessairement du président contrairement à ce que l’on pourrait penser mais plutôt des juges. Cela pourrait venir du juge constitutionnel par exemple… On a vu la manière dont il a disséqué le texte de la loi “immigration” votée par la majorité macroniste et républicaine.
Dans le cas d’autres textes, cela pourrait provenir du juge administratif, de la jurisprudence de l’UE ou de la Convention des Droits de l’Homme…
Les pouvoirs du Conseil constitutionnel
Plus qu’à des blocages politiques, il faudrait donc s’attendre à des blocages juridiques ?
Absolument. Le président peut bloquer des ordonnances, il peut demander une seconde lecture d’un projet de loi mais quand la loi est votée, il doit la promulguer dans les 15 jours. Il ne peut pas le refuser. Cela ne s’est posé qu’à une seule reprise dans l’histoire. Jacques Chirac a promulgué un texte en assurant qu’il ne serait pas appliqué (il s’agissait de l’abandon du projet de Contrat première embauche en 2006 qui avait suscité une forte colère de la rue, NDLR).
Finalement en cas de cohabitation entre Jordan Bardella et Emmanuel Macron, c’est donc vers les mains de… Laurent Fabius (l’actuel président du Conseil constitutionnel) ?!
En quelque sorte! Le “gouvernement des juges” se renforce depuis déjà quelques années. Il s’agit de juges nationaux, de ceux de la Cour de cassation mais aussi de juges internationaux avec la Cour de justice de l’union européenne, de la Cour européenne des Droits de l’Homme. En l’espèce, celui qui pourra juger le plus rapidement des lois, ce sera le Conseil constitutionnel dont trois des membres verront leur mandat s’achever l’an prochain (dont Laurent Fabius NDLR).