Christophe Castaner passe pour un habitué des bourdes. D'ailleurs, il semble avoir commencé assez tôt.
Sommaire

C'est un souvenir malheureux que le ministre de l'Intérieur aurait probablement préféré oublier. Depuis son entrée au gouvernement d'Edouard Philippe, Christophe Castaner semble multiplier les gaffes et les faux pas en tout genre. Porte-parole du gouvernement, il enchaîne les lapsus. A peine nommé ministre de l'Intérieur, il attire l'attention du public par ses nombreuses bévues, qui se suivent et se ressemblent.

Propos maladroits sur le "voile chrétien", révélation de ses liens passés avec le milieu marseillais, violences policières contre les "gilets jaunes", virée en boîte de nuit remarquée, gestion douteuse de l'affaire Steve Maia Caniço, le ministre n'en loupe pas une, cristallise les critiques et doit faire face à de nombreuses accusations d'incompétence.

BD porno et coups bas : Christophe Castaner, un ministre gaffeur ?

Pourtant, un article de Marianne nous apprend que Christophe Castaner n'en est pas à son premier écard, et semble même avoir commencé tôt. Le 9 juin 1995, plus précisément. Ce jour là, la campagne municipale d'Avignon a pris une tournure un peu particulière.

Au matin, les habitants de la ville se sont réveillés avec un présent délicat déposé dans leur boîte aux lettres. Une bande dessinée intitulée "La dinde enchaînée" et "Érections municipales". Dans cette BD, la candidate RPR locale Marie-Josée Roig, représentée sous les traits d'une dinde, et le sénateur Alain Dufaut, grimé en vautour, sont l'objet de dessins pornographiques.

Vidéo du jour

La BD reproche au sénateur son alliance avec le représentant du "F-Haine" local, caricaturé en skinehead à brassard noir. Marie-Josée Roig est croquée en automobiliste déambulant dans une voiture noire ornée d'une bouche aux lèvres proéminentes type caricature coloniale. Un personnage noir la décrit alors comme arrivant dans sa "twingo noi’e" Drôle de moyen pour dénoncer le FN, la "haine" et le racisme.

"J'ai été très interloquée en découvrant ce tract, mais ayant une bonne connaissance de la population avignonnaise, j'étais aussi persuadée que cela ne prendrait pas, et ce fut largement le cas", confie Marie-Josée Roig à Marianne. De fait, l'élection municipale sera remportée par la candidate de droite, qui sera constamment réélue durant dix-huit ans.

BD pornographique : 35 000 tracts distribués par Christophe Castaner

Aux manettes de ce coup de génie politique, un certain Christophe Castaner. La bande dessinée est en effet une manœuvre du Parti Socialiste local pour décrédibiliser son adversaire et faire gagner Guy Ravier, le maire PS sortant. 35 000 tracts doivent être distribués à la population d'Avignon. Il ne manque plus qu'un exécutant pour ces basses œuvres.

Des cadres du PS d'Avignon portent donc leur dévolu sur Christophe Castaner, alors âgé de 29 ans et adjoint au directeur général des services de la mairie. C'est son premier poste de responsable politique d'envergure. Le jeune homme, intime d'une figure du grand banditisme marseillais, comme le rappelle Libération, sera donc chargé de diffuser les tracts.

L'affaire sera finalement portée devant la Justice, raconte Marianne. Christophe Castaner plaide alors une "faute d'inattention de 20 minutes" et livre sa version des faits : "Un militant m'appelle vers minuit. Il me réveille et me dit : 'Casta, je crois qu'on a fait une connerie.' Je n'avais pas vu la BD. Je me rhabille, je débarque et je dis stop !"

Une défense qui ne convainc pas le TGI d'Avignon, chargé du dossier. Dans un jugement rendu le 10 octobre 1996, celui-ci établit que "Christophe Castaner a été chargé de la distribution des brochures tirées à 35 000 exemplaires pour le prix de plus de 50 000 francs; il est aussi peu pensable qu’après avoir permis cette diffusion, il en eut arrêté celle-ci seulement vingt minutes après, en raison du nombre d’exemplaires répandus dans la ville d’Avignon".

Condamné pour "diffamations et injures publiques envers particulier, fonctionnaire ou citoyen chargé d’un service public par parole, écrit, image ou moyen audiovisuel" à payer 50 000 francs d’amende et 51 000 francs de dommages et intérêts, Christophe Castaner confirmera sa version des faits en 2018, dans un portrait dressé par le JDD  où il évoque une "erreur de jeunesse". "Christophe Castaner réfutait des réalités avec un aplomb hors du commun" se souvient cependant un habitant d'Avignon dans les pages de Marianne, qui qualifie d'ailleurs l'article du Journal du Dimanche de "conciliant".

Depuis la BD pornographique, une ascension politique fulgurante pour Christophe Castaner ?

L'année même de sa condamnation, Christophe Castaner est nommé directeur de cabinet de Tony Dreyfus, maire du 10e arrondissement de Paris, et conseiller technique de Catherine Trautmann, dont il deviendra chef de cabinet par la suite. Il deviendra ensuite, en 2000, le chef de cabinet de Michel Sapin, lorsque celui-ci était ministre de la Fonction publique de Lionel Jospin.

"A l'époque, j’ai été ennuyée par cette histoire pour mes enfants et pour ma mère encore vivante ", se confie aujourd'hui Marie-Josée Roig dans Marianne.