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Un homme nouveau ? Le chef de l’Etat, rapporte Le Figaro, s’apprête à ouvrir une nouvelle étape de son quinquennat. Une troisième phase, pour être exact, affirment nos confrères. Un "dernier round", expliquent-ils, qui fera suite à la transition de l’ancien vers "le nouveau monde" et l’acte II ouvert après la crise sociale des Gilets Jaunes. Avec tout le récit politique que ce type de bouleversement implique. Cadre de mise en scène ? Un second tour de France, dont le coup d’envoi a été marqué ce mercredi 19 mai 2021 et qui devrait durer deux mois au moins, à raison d’un déplacement au moins par semaine.
"Le président veut prendre le pouls du pays au moment où il faut reprendre le fil du quinquennat et des transformations engagées", déclare en effet l’entourage du président dans Le Figaro, une fois encore.
Mais sait-on à quoi pourrait ressembler le troisième élan de la mandature Emmanuel Macron ? Et le président lui-même ? A quel point pourra-t-il évoluer, se réinventer ? Car, résume le politologue Christophe Bouillaud, c’est là tout l’enjeu auquel est confronté le chef de l’Etat. Pour le chercheur en sciences politiques, qui enseigne à l’IEP (Institut d’Etudes Politiques) de Grenoble, il pourrait s’avérer très difficile de faire peau neuve. C’est précisément pour cela qu’il est possible d’anticiper, peut-être, ce qui attend les Françaises et les Français dans les mois à venir. Brossons-en ensemble le portrait potentiel.
A quoi pourrait ressembler la phase III que vous réserve Emmanuel Macron ?
"A mon sens, il serait naïf d’attendre une quelconque transformation en profondeur de la ligne politique du président. Cette troisième phase constituera très certainement l’occasion de ré-ancrer son image de réformateur, puisqu’il s’agit de montrer qu’il est toujours l’homme prêt à transformer le pays qui a été élu en 2017", juge Christophe Bouillaud, pour qui la réforme des retraites risque fort de faire son grand retour. "Emmanuel Macron va chercher à équilibrer les comptes publics sur le long terme et à le montrer. Puisque la réforme de l’assurance-chômage est d’ores et déjà dans les tuyaux, il ne reste guère que la réforme des retraites. Il pourrait aussi faire un peu d’ingénierie institutionnelle ou mettre en place le référendum déjà promis sur les questions écologiques", poursuit le professeur, qui identifie plusieurs chantiers… qui ne devraient pas renverser la table.
"Emmanuel Macron va avoir beaucoup de mal à se réinventer. Il s’est beaucoup collé à la droite et a refusé toute mesure centriste, ce qui bloque toute son aile gauche. Dès lors, il lui sera très difficile d’amorcer un virage ou une inflexion de sa ligne. Il s’est coincé et va devoir poursuivre sur cette voie", croit savoir le spécialiste qui estime que le président de la République a fini par accepter l’idée qu’il avait perdu les libéraux dit "sociétaux" et cherche dorénavant à garder les libéraux économiques. En comptant notamment sur la mauvaise mémoire supposée des électeurs…
Troisième phase : Emmanuel Macron vous prend-il pour des poissons rouges ?
Plus qu’aucun autre chef de l’Etat avant lui, peut-être, Emmanuel Macron aime narrer l’exercice de son pouvoir ; raconter comment il gouverne ainsi que pourrait le faire un romancier laissent entendre nos confrères. Ce découpage n’a rien d’anodin, estime pour sa part Christophe Bouillaud. Et traduit une certaine conception de la politique.
"Parler d’acte I, puis d’acte II et d’acte III revient à parier sur la mauvaise mémoire des électeurs. Emmanuel Macron pense visiblement - et à certains égards, il a raison - que les Françaises et les Français sont des poissons rouges. Il s’assure donc qu’il pourra continuer à jouer à l’homme neuf. Et poursuivre ses grands discours sur le renouveau, promettre qu’il fera mieux", analyse l’enseignant-chercheur.
"Il est assez logiquement renforcé dans cette attitude par son caractère inébranlable dans les sondages ; en dépit de l’acrimonie qu’il engendre au quotidien. Et qu’il continuera à engendrer tant qu’il n’aura pas admis que le conditions de son élection n’étaient pas très démocratique, qu’il n’a jamais eu de mandat de la part de 50% de la population au moins pour mener les réformes qu’il conduit aujourd’hui. Il n’a pas réellement de légitimité démocratique et c’est précisément pour cela qu’il est aussi impopulaire auprès de certaines catégories de la population", rappelle le politologue qui n’est pas sans rappeler que tant que ce mécontentement continuera à épargner la côte de popularité du président, il aurait électoralement raison de continuer…
Troisième phase : l’opposition française, le meilleur ennemi d’Emmanuel Macron ?
Pour autant, note encore Christophe Bouillaud, ce n’est pas l’opération "storytelling" du président de la République qui pourrait le sauver d’une potentielle défaite en 2022. Selon lui, sa possible réélection tient bien davantage de… l’absence d’opposant réel, dès à présent. "A bien des égards, ce qu’Emmanuel Macron fait est moins important que ce que les autres ne font pas", croit-il savoir.
"Aujourd’hui, Emmanuel Macron représente mécaniquement la stabilité et l’ordre, en plus de bénéficier de la légitimité qui va avec la fonction. Face à lui, il existe deux oppositions dites extrêmes, que sont Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, mais pas d’opposition de centre droit ou de centre gauche. La situation serait bien plus complexe pour le chef de l’Etat s’il avait dû faire face à un leader politique issu des Républicains, avec du coffre et de l’aplomb. La division de ces forces politiques traditionnelles constitue sa grande chance", estime encore l’enseignant-chercheur à l’Institut d’Etudes Politique de Grenoble.