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Peut-on être expulsé par ses beaux enfants ?Istock
Les querelles après le décès d'un membre de la famille sont souvent fréquentes. Suite au départ de votre moitié, vos beaux enfants peuvent-ils vous expulser du domicile que vous occupiez autrefois à deux ?

La perte d’un conjoint est une douleur immense, souvent décuplée sous le poids de la charge de travail liée à son départ : entre l’organisation de l’enterrement, la paperasse à mettre à jour… mais aussi, si ce n’est surtout, la question de la succession. Votre quotidien à deux se conjugue désormais au singulier, et vous voilà seul dans la maison que vous partagiez autrefois. Une question vient alors :  vos beaux-enfants peuvent-ils vous contraindre, en tant que conjoint survivant, à quitter le logement familial ? La réponse dépend de plusieurs facteurs, notamment le statut matrimonial, la nature de la propriété du logement et les dispositions testamentaires éventuelles.​

Expulsion par les beaux-enfants : tout dépend de la situation maritale

Tout d’abord, il faut savoir à qui appartient initialement le bien. Si le domicile vous appartient complètement, il n’y a pas de raison de s’inquiéter d’une potentielle expulsion : vous êtes chez vous ! En revanche, si vous avez acheté avec votre défunt partenaire ou que celui-ci a acheté complètement ce bien, la question se corse un peu. Le notaire Maître Augustin Solanet nous informe que la situation maritale du parent et de son conjoint a un rôle essentiel. Il distingue trois situations : 

  • Le concubinage, ou union libre : dans ce cas, vous n’avez aucun droit dans la succession de votre conjoint. Si les enfants héritent de l’intégralité du bien, ils peuvent légalement vous demander de quitter les lieux. En revanche, si vous détenez le logement en indivision avec votre conjoint défunt, les enfants peuvent vous proposer une vente du bien afin d’en partager la somme. Si vous refusez la vente d’un bien détenu en indivision, les autres co-indivisaires (vos beaux-enfants, par exemple) peuvent saisir le tribunal pour demander le partage judiciaire, qui peut mener à une vente forcée.
  • Le pacs : D’un point de vue légal, vous n’êtes pas héritier de votre conjoint si vous êtes pacsés. Maître Augustin Solanet nous précise toutefois que vous pouvez bénéficier du droit de rester un an dans le logement, au frais de la succession. Passé ce délai, il faudra quitter le domicile.
  • Le mariage : Cette situation maritale vous fait bénéficier du droit d’usage et d'habitation sur la résidence principale, droit que vous pouvez utiliser à condition de déclarer vouloir s’en prévaloir dans l’année qui suit ce décès. Attention par ailleurs : ce droit ne porte que sur la résidence principale. 

Impact des dispositions testamentaires

Le défunt peut, par testament, modifier les droits du conjoint survivant sur le logement. Mais, malgré tout, les droits transmis au conjoint ou partenaire survivant varient selon le type d’union. En concubinage (union libre), il est possible de rédiger un testament, mais attention : les droits de succession s’élèvent à 60 %, ce qui rend cette solution peu avantageuse sur le plan fiscal. En revanche, pour les partenaires liés par un Pacs, la situation est plus favorable : le partenaire survivant est exonéré de droits de succession. Toutefois, il n’est possible de léguer un droit d’usage ou d’usufruit que dans la limite de la part qui n'est pas réservée aux enfants, sans quoi le testament pourrait être contesté. Enfin, dans le cadre du mariage, le conjoint peut bénéficier d’une donation entre époux ou d’un testament lui léguant un droit d’usage (occupation du logement, sans pouvoir le louer) ou un droit d’usufruit (occupation et possibilité de mise en location). Ces dispositions permettent une meilleure protection du conjoint survivant, tout en respectant les droits des enfants héritiers.

En cas de conflit : quelles démarches pour faire valoir ses droits ?

En cas de désaccord entre héritiers, tout dépend d’abord de la situation et du rôle du notaire chargé de la succession. Ce dernier est souvent le premier interlocuteur pour tenter de trouver un terrain d’entente. Si le dialogue reste bloqué, il est possible d’engager une médiation, par exemple en passant par un centre de médiation notariale.

Lorsque ni le notaire ni la médiation ne parviennent à résoudre le conflit, le recours à un avocat devient nécessaire. Toutefois, ce dernier ne pourra agir que s’il dispose d’éléments concrets à défendre : il ne s’agit pas d’un simple appui moral, mais bien d’une action juridique encadrée par la loi. Il faut qu'il ait un peu de substance pour vous défendre, il ne pourra pas faire de miracle.

Vous l’aurez compris, pour se protéger aux yeux de la loi, il faut se marier”, conclut Maître Augustin Solanet.