Marseille : deux dentistes « fous » jugés pour avoir mutilé des centaines de patientsIstock
Le dentiste, cauchemar de nombreux Français… Surtout lorsque la consultation se transforme en véritable boucherie. A Marseille, un père et son fils ont ainsi exercé sans scrupules pendant des années, mutilant près de 400 personnes. Ils sont jugés à partir du 28 février pour violences volontaires et escroqueries.

C’est un procès hors-norme qui s'est ouvert lundi 28 février 2022 devant le tribunal correctionnel de Marseille. Lionel et Carnot Guedj, fils et père, les « dentistes de l’horreur », ont été jugés pour « violences volontaires ayant entrainé une infirmité ou mutilation permanente » et « escroqueries ». Pendant plus de six ans, ils se seraient enrichis consciencieusement sur le dos de centaines de patients issus des quartiers populaires de la Cité Phocéenne, en pratiquant des actes de chirurgie qui n’étaient pourtant pas nécessaires… et qui ont entraîné des conséquences dévastatrices.

Au total, ce sont 330 parties civiles qui ont témoigné lors des audiences qui ont duré plusieurs semaines, et qui se sont déroulés exceptionnellement dans une ancienne caserne, pour accueillir tout ce monde.

A l'issue de ce procès, huit ans de prison avec mandat de dépôt immédiat ont été requis contre Lionel Guedj. Son père, de son côté, a été condamné à cinq ans de réclusion criminelle, également assortis d'un mandat de dépôt. Enfin, les deux dentistes ont été interdits d'exercer à vie. Une décision qui aurait été applaudie par l'assemblée, avant que la présidente du tribunal correctionnel, Céline Ballerini, n'intervienne pour rappeler que l'on ne devrait jamais "se réjouir d'une peine d'emprisonnement".

Le dentiste « le plus riche de France »

Lionel Guedj était installé dans le quartier de Saint-Antoine, dans le XVème arrondissement de Marseille. En 2011, lors d’une enquête, la Caisse primaire d’assurance maladie remarque des incohérences dans ce cabinet, qui enregistre un chiffre d’affaires faramineux. Une instruction judiciaire est alors ordonnée.

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Entre 2006 et 2012, Lionel Guedj, aidé de son père, aurait multiplié les actes médicaux non nécessaires auprès de ses patients dans le seul but de s’enrichir, au détriment de la sécurité sociale et de 28 mutuelles. En 2010, le Dr. Gudej avait ainsi empoché 3 millions d’euros d’honoraires, un record en France, alors qu’il exerce dans un quartier très populaire. Le cabinet pratiquait alors quatre fois plus d’actes que la moyenne des dentistes de la région, pour des journées estimées à 52 heures de travail.

La CPAM estime son préjudice à 1,6 million d’euros. Plusieurs mutuelles se sont également portées parties civiles, ainsi que l’Ordre des chirurgiens dentistes, qui s’estime floué.

Mais ceux à qui cette vaste escroquerie coute le plus, ce sont bien les patients du docteur « fou » et de son père.

Victime d’interventions « à la chaîne » n’ayant aucune utilité véritable, certains se retrouvent, dix ans après leur passage au cabinet des Dr. Guedj, véritablement handicapés de la bouche.

Ils dénoncent aujourd’hui des interventions de remise en état de leur dentition, qu’ils n’ont pourtant jamais demandés, avec des devis grimpant jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros et qu’ils sont incapable de payer.

Dents arrachées, taillées en pièces, douleurs permanentes… : le calvaire des victimes

« Il a fait de ma sœur et moi des édentées, des handicapées de la bouche. Je suis allée dans son cabinet pour une carie et aujourd’hui il ne me reste que deux dents, ma sœur n’en a plus aucune. Je n’ai plus de gencives, des douleurs permanentes sans compter l’odeur horrible. On n’ose plus parler devant les gens, on ne mange que des aliments écrasés… Je serai au procès et j’espère qu’il sera condamné à nous payer la remise en l’état qu’il n’a pas faite », confie Messaouda, une éducatrice à la retraire, au journal Le Parisien.

Saleha, elle, souffre depuis 12 ans. Cette mère de famille des quartiers nord s’était d’abord rendue au cabinet des Dr. Guedj pour une dent fêlée. Mais sa prise en charge va virer au drame. « Il m'a charcuté, il a gâché ma vie. Il a abusé de ma confiance, car je m'occupais à l'époque de mon mari en fin de vie. Il a commencé à me tailler toutes les dents. Ensuite, ça a été des abcès à répétition. J'ai dû subir trois interventions à cause de lui. J'aurais dû me méfier quand il me faisait la bise et gardait dans son tiroir ma carte vitale », raconte-t-elle à Europe 1.

Fakir, réfugié kurde de 44 ans, a lui aussi vécu l’horreur au sein du cabinet dentaire marseillais. Il y a douze ans, le Dr. Guedj lui arrache quatre dents, sans raison valable. Sa mâchoire s’infecte sans cesse, il perd au total 17 dents. Aujourd’hui, il peine encore à manger, et souffre tous les jours.  

Des dommages et intérêts à plusieurs millions d’euros

Comme Fakir, Saleha et Messaouda, près de 322 victimes ont porté plainte depuis 2011 contre le dentiste véreux. Ils veulent aujourd’hui être indemnisés pour financer la reconstruction de leurs dents, et oser sourire à nouveau. Mais ils souhaitent également que ces dentistes ripoux soient condamnés, et qu’ils paient pour leurs escroqueries aux conséquences dramatiques.

Me Lionel Febraro, l’avocat de plusieurs victimes, redoute cependant que le Dr. Guedj verse le moindre centime aux plaignants. « Il pris la précaution, avant même ces faits, de mettre tout son patrimoine à l'abri. Tout est dispatché dans des sociétés qui ne lui appartiennent pas. Elles sont dirigées par son épouse avec qui il est marié en séparation de biens. Lionel Guedj est aujourd'hui salarié d'un luxueux bureau de tabac géré par son épouse », explique-t-il à Europe 1.

Les dentistes, depuis radiés de l'Ordre, encourent 10 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, sans compter des dommages et intérêts, qui pourraient se compter en millions d’euros.