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C’est l’histoire d’une série de crimes aujourd’hui oubliés qui a pourtant hanté la campagne Aveyronnaise pendant de nombreuses années, lui valant le surnom de « Vallée Rouge ».
Tout commence le 28 décembre 1947. Ce jour-là, dans les environs d'Escalion, un paysan qui s’apprête à rentrer du champ s’aperçoit qu’un incendie s’est déclaré dans une ferme voisine. Lorsque le feu est maitrisé, il est déjà trop tard : le fermier Bras et sa servante, Jeanne, sont retrouvés, calcinés, parmi les décombres. Les gendarmes concluent rapidement à un accident, malgré la découverte d’un bidon d’essence vide dans la cave de la ferme.
Deux ans plus tard, pourtant, un incident similaire se produit. En mars 1949, un moulin en périphérie d’Espalion s’embrase. A l’intérieur, Paul Pélégry et sa femme sont morts. Ils ont le crâne fracassé par un objet visiblement très lourd.
Meurtres et incendies en série
En aout 1951, le scénario funeste se répète dans une modeste ferme au milieu des bois, occupée par une veuve de 71 ans. C’est sa fille qui découvrira son corps inerte. Son crâne a également été fracassé violemment.
Pour les enquêteurs, cela ne fait plus de doute : ces massacres sont l’œuvre d’une seule et même personne. Mais qui pourrait vouloir s’en prendre à de modestes paysans ?
Un premier suspect, un certain Edouard Capoulade, est interpellé. Sous la pression des gendarmes, il avoue, puis se rétracte. Mais lors de son procès, il est finalement acquitté, faute de preuves.
Quelques mois plus tard, un nouveau drame est à déplorer dans la région.
Qui est le tueur de la « Vallée Rouge » ?
En février 1952, la ferme de la Bessette est incendiée à son tour. C’est un voisin qui découvre les corps sans vie de ses habitants : le fermier, Abel Maurel, 71 ans, sa femme Léonie, 65 ans, et leur fille Valérie, 40 ans, ont tous une blessure à l’arrière du crâne. Le voisin, fermier lui aussi, croit y reconnaitre la trace d’un bigos, un outil agricole traditionnel à deux dents.
Le meurtrier serait-il, lui aussi, un « simple » paysan ? Les enquêteurs en sont convaincus. Et au fil de leurs investigations, un certain Jean-Auguste Boudou, 63 ans, va attirer leur attention.
C’est un voisin des Maurel, et, au moment de l’incendie de leur ferme, il n’avait pas l’air particulièrement enclin à venir aider, alors qu’il se situait à quelques mètres seulement. Surtout, les gendarmes vont découvrir que Jean-Auguste Boudu est endetté jusqu’au cou. Et que trois jours après le drame, il avait soudainement réussi à régler un crédit de 30 000 francs.
Plus inquiétant encore, les locaux le décrivent comme un homme « dérangé », assurant que la guerre l’aurait rendu fou. Jean-Auguste Boudou était nettoyeur de tranchées pendant le conflit de 1914-1918.
Placé en garde à vue, il finit par craquer au bout de 24 heures, et avoue le triple meurtre de la Bessette. Il s’est rendu ce jour-là chez ses voisins, les a massacrés tous les trois avant de dérober 25 000 francs et de mettre le feu à l’habitation pour effacer les traces de son crime.
Mais Boudou ne dit rien sur les autres crimes perpétrés dans la région. Et les enquêteurs manquent de preuves pour l’inculper dans d’autres affaires.
Les mystères de la « Vallée Rouge »
En juin 1956, il est jugé devant la cour d’assises de l’Aveyron, à Rodez. Mais le procès est renvoyé, pour vice de forme. En 1957, Jean-Auguste Boudou comparait donc à nouveau devant la cour d’assises de l’Hérault, à Montpellier, pour le triple meurtre des Maurel. Il est condamné à la peine capitale.
Il bénéficie toutefois d’une grâce présidentielle, accordée par René Coty, quelques mois plus tard, et sa peine est commuée en travaux forcés à vie. Il décèdera dix ans plus tard, en 1967, à l’âge de 70 ans.
Une nouvelle affaire
Les « meurtres de la Vallée Rouge » ne se sont pourtant pas arrêtés avec son incarcération. Car en 1953, alors que Boudou était déjà mis en cause pour le triple meurtre de la Bessette, un incendie se déclare à nouveau dans une ferme de la région. Trois cadavres sont découverts, frappés à coups de bigos. Mais le coupable n’est autre qu’un adolescent de 16 ans, qui a tué toute sa famille pour un motif « futile ». Se serait-il inspiré des crimes de Boudou ?
Bien qu’il n’ait jamais été condamné pour les 5 autres meurtres de la région d’Espalion, tout permet de penser que Jean-Auguste Boudou était bien le tueur de la « Vallée Rouge ».
Dans la région, cette affaire a marqué les esprits et créée une véritable atmosphère de panique, et de paranoïa, dans une région paysanne déjà très marquée par la guerre. A l’époque des faits, les fermiers des alentours barricadaient leurs habitations, certains organisaient des rondes, et tous gardaient leur fusil près d’eux la nuit.
Aujourd’hui, 70 ans plus tard, l’histoire de la « Vallée Rouge » se transmet encore dans certains villages. Mais tous les contemporains, ou presque, sont décédés.