Disparition de Cécile Vallin : le combat sans fin de son pèreAFP
Le 8 juin 1997, Cécile Vallin, 17 ans, disparait à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) peu après avoir quitté le domicile familial, à pied. Elle est vue pour la dernière fois le long de la départementale, en train de marcher en direction de Chambéry. Depuis, plus rien. Pendant 25 ans, son père, Jonathan Oliver, va se battre pour la retrouver. Mais dès le départ, il se heurte aux difficultés de l'enquête. Pourtant, cet homme n'a jamais lâché l'affaire. Le dossier vient de connaître un rebondissement inespéré. Entretien exclusif avec un père courage.
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C’était il y a près de 25 ans. Le 8 juin 1997, Cécile Vallin, une jeune lycéenne de 17 ans, décide d’aller prendre l’air entre deux révisions du bac. Elle ne rentrera jamais. Elle est vue pour la dernière fois le long d’une route départementale à Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), à quelques kilomètres de son domicile.

Très vite, ses proches se mobilisent pour la retrouver : on placarde des affiches, on lance des appels à témoins, on cherche et on refait l’emploi du temps de la jeune fille, minute par minute. Mais rien. Pendant 25 ans, l’enquête reste en suspens, et aucune piste sérieuse n’émerge vraiment. Cécile s’est tout simplement volatilisée sans laisser de traces.

Disparition de Cécile Vallin : « et puis, plus rien »

Si le dossier est resté ouvert pendant tout ce temps, c’est en partie grâce au combat des proches de Cécile, qui n’ont jamais abandonné leur quête de vérité. Son père, Jonathan Oliver, garde espoir, encore aujourd’hui, d’apprendre un jour ce qui est arrivé à sa fille.

Il y a quelques mois, l’OCRVP (Office Central pour la Répression des Violence aux Personnes), spécialiste des affaires non élucidées, s’est emparé de l’affaire. Une nouvelle inespérée qui relance l’affaire, pour Jonathan Oliver, qui, plus que jamais, veut savoir. Il nous a accordé un entretien exclusif.

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Qui était Cécile ?

Jonathan Oliver : c’était une jeune-fille très aimante, très aimée. Elle était chaleureuse, ça marchait bien à l’école, sportive, elle faisait partie d’un groupe d’escalade, et elle savait skier dès son plus jeune âge. Elle était épanouie.

J’étais séparé de sa mère depuis qu’elle avait 6/7 ans, mais ça n’a jamais été une difficulté pour nous. Et je la voyais très souvent. Mais quand elle avait 14 ans, sa mère et son beau-père ont déménage depuis Rouen à Saint-Jean-de-Maurienne. Pour moi qui habite en Suisse normande, c’était loin. Mais on arrivait tout de même à se voir très souvent. On gardait un contact régulier et bien sûr y’avait le téléphone. C’était très important de garder ce contact.

Dans les quelques jours avant sa disparition, on avait déjà pris la décision qu’on se verrait une fois par mois au minimum, en dehors des vacances. Juste avant sa disparition, elle préparait son bac donc on avait fait une exception. Elle était très heureuse que l’on se retrouve après pour les vacances.

Que se passe-t-il le jour de sa disparition ?

Jonathan Oliver : le jour de sa disparition, je l’ai au téléphone l’après-midi, elle était un peu soucieuse, car elle avait fait une fête la veille dans la maison de son beau-père, proviseur, alors qu’il lui avait demandé de ne pas accueillir des jeunes du lycée chez lui. Elle se sentait un peu en infraction par rapport à ça. Mais je lui ai dit que tant qu’il n’y avait de dégâts, il ne fallait pas qu’elle s’en fasse.

Je lui ai dit de rester tranquille, de réviser son bac qui était la semaine d’après. Elle me dit « justement, je vais m’y mettre ». Elle ne s’y est pas mis. Elle est partie se promener. Elle a été vue par différentes personnes dans Saint-Jean-de-Maurienne, c’était la belle fille du proviseur, on savait qui elle était. Les témoignages concordaient sur son itinéraire.

A partir de, je crois 18h, plus rien. Elle est partie les mains vides, sans argent, elle n’avait pas prévu de faire un déplacement particulier à mon sens. Elle a été vue pour la dernière fois à l’extérieur de Saint-Jean. Et depuis 25 ans, rien.

Disparition de Cécile Vallin : « Tout de suite, j’ai compris qu’il s’était passé quelque chose de grave »

Lorsque vous apprenez sa disparition, vous pensez à quoi ? A une fugue, un suicide, une mauvaise rencontre ?

Jonathan Oliver : Ça ne pouvait pas être une fugue connaissant Cécile, c’était une fille extrêmement heureuse, elle aimait la vie, donc l’idée d’une fugue ou d’un suicide était complètement impossible.

Même si, tout de suite après sa disparition, ça aurait pu être une bonne chose, mais ça n’était pas du tout dans sa personnalité. Tout de suite, pour moi, il s’était passé quelque chose de grave. Ma première pensée, quand j’ai appris ça après un coup de fil de sa mère, j’ai pensé tout de suite qu’il y avait au moins une personne et une voiture. Je ne pouvais pas imaginer aucun autre scénario. Mais je ne spécule pas sur ce qui s’est passé, tout aurait pu arriver. On peut imaginer le pire, et il faut avant tout être actif quand il le faut, être disponible pour faire avancer l’enquête.

Ma fille aînée, la grande sœur de Cécile, a aussi beaucoup souffert de la disparition. Car Cécile avait essayé de la joindre le jour de sa disparition, et elle n’avait pas pu répondre. Chloé elle a appris sa disparition peu de temps après. Etant un peu la sœur ainée, la confidente, elle se dit qu’elle aurait pu peut-être changer le cours de l’histoire. Mais moi, je lui répète bien sûr qu’elle n’a rien à voir dans la disparition de Cécile.

Comment se passe l’enquête dans les premiers temps ?

Jonathan Oliver : Le dossier est devenu, au fil des 25 années, un énorme truc. Mais au tout début de l’enquête, Cécile a été vue, et après, plus rien.

Bien sûr, les gendarmes sont alertés et ils ont très vite rencontré les personnes qui ont participé à la fête de samedi, ainsi que des personnes qu’elle avait aussi vus le dimanche matin. Ces gendarmes n’étaient pas des spécialistes dans les crimes. Le motif du dossier c’était d’ailleurs : « disparition inquiétante avec présomption d’enlèvement ». A l’époque, la disparition d’enfant n’était pas prise en charge comme aujourd’hui. Il fallait attendre 3 jours, une carence de 3 jours, au cas où elle reviendrait, avant d’enclencher une procédure plus lourde.

Mais on voyait bien que les personnes interrogées n’étaient pas poussées à donner des détails, dans leurs retranchements, ils ne cherchaient pas les incohérences ou contradictions. C’était une simple prise de notes.

Ils ont interrogé des gens sur la route, pour savoir s’ils avaient vu Cécile, mais cela a été fait deux semaines plus tard, alors qu’on le sait, ce sont les premières heures qui sont capitales.

Les enquêteurs ont travaillé, mais ils n’ont pas été dans l’urgence.

Pendant très longtemps, comme il n’y avait pas de nouveaux éléments, il y avait le risque de fermeture du dossier. Ça a été évité, heureusement, notamment grâce à notre avocate, Me Caty Richard. Pour éviter la fermeture du dossier, l’avocat peut donner des pistes que le juge estime crédibles, qui peuvent être étudiées. J’ai donc regardé et fouillé dans le dossier pour trouver des éléments, des informations utiles...

Mais je trouve que franchement l’idée même de fermer le dossier d’un enfant mineur disparu c’est l’horreur. Ça ne coûte pas plus cher de garder un dossier ouvert, alors que si le dossier est fermé, même s’il y a une petite piste, on ne peut rien faire.

Disparition de Cécile Vallin : la piste Fourniret

Quels sont les éléments, les pistes dont disposent les enquêteurs ?

Jonathan Oliver : Il y a eu beaucoup de pistes. Y’avait des témoignages de gens qui ont vu Cécile, surtout à Saint-Jean-de-Maurienne. Et puis y’avait aussi les gens qui disaient qu’ils pensaient l’avoir vu, ce qui n’est pas pareil. Et puis bien sûr, y’a les pistes des serial killers...

Vous avez évoqué un possible lien avec Michel Fourniret… C’est une piste étudiée ?

Jonathan Oliver :ll n’y aucune preuve de quoi que ce soit par rapport à ce sujet.

Mais tant qu’on ne sait pas, il pourrait être responsable, bien qu’il soit mort et éventuellement, que ce soit parce que son ex-femme Monique Olivier parlerait, ou plus probablement par rapport à l’ADN, qui serait une preuve irréfutable.

On sait qu’il a été actif dans la France entière, il a détruit des dizaines de vies et de familles. On sait qu'il était actif avant et après la disparition de Cécile. C’était une « période blanche », mais pour autant cela ne veut pas dire qu’il a été vraiment inactif.

Pour moi, il aurait pu être responsable de la disparition de Cécile. Le mode opératoire de Fourniret correspond aux circonstances de sa disparition de Cécile : elle était seule en train de marcher au milieu de la campagne, il aurait pu l’enlever au bord de la route, selon un prétexte fallacieux comme il en avait l’habitude.

C'est un scénario qui me terrifie.

Quels éléments dans le dossier mériteraient d’être approfondis selon vous ?

Jonathan Oliver : Je ne sais pas trop car je suis sûrement trop proche du dossier. Mon avocate m’a dit un jour « si ça se trouve, la vraie piste est déjà dans le dossier ». Mais en tout cas, il n'y a pas pour l'heure une piste évidente.

La plupart des disparitions dans ces cas là sont du fait des proches des disparus, donc je me pose des questions sur la fête qui s’est déroulée la veille de sa disparition… J’ai fait beaucoup de recherches, on a dédoublé les recherches des policiers avec quelques proches, et il y avait deux trois choses qui interpellent…

Pendant cette période-là, il y a eu d’autres disparitions non élucidées de personnes. Donc on pourrait peut-être avoir un tueur en série ou quelque chose comme ça.

J’imagine seulement qu’il y a eu un homme et une voiture, mais c’est purement spéculatif.

Disparition de Cécile Vallin : un nouvel espoir

En 2020, après 23 ans de recherches, l’ORCVP (Office de Répression Centrale des Violences aux Personnes, spécialisé dans l’étude d’affaires complexes et non élucidées) a été saisi de l’affaire et a lancé un appel à témoins. Et puis, plus récemment, le ministère de la Justice a annoncé l'ouverture d’un pôle spécial dédié aux cold cases en 2022. Ces nouvelles vous redonnent-t-elles de l’espoir ?

Jonathan Oliver : En 2020, l’ORCVP, qui est un peu le précurseur de ce pôle cold cases, avait en effet choisi deux dossiers. Celui de Cécile et celui du petit Mathis Jouanneau. J’ai déjà rencontré l’équipe, et je vais les revoir. Je sais qu’ils travaillent sur le dossier.

Quant au pôle cold cases, ils seront dans la même enceinte, au sein de la préfecture de Nanterre. Les équipes se connaissent mais je ne sais pas exactement quelle sera la relation entre ces deux entités là, et comment ils vont travailler. Mais compte tenu de l’extrême importance du dossier de Cécile, je ne peux imaginer que ça ne soit pas repris en main par le pôle.

Mais j’ai bon espoir qu’avec ces deux entités là que le dossier Cécile ne sombre pas dans l’inconnu. Ça semble être des moyens qu’un juge tout seul de province dans son coin n’a pas forcément, donc c’est un avantage de ces pôles, même s’ils vont avoir beaucoup de dossiers à travailler.

C’est plutôt bien, ça me donne de l’espoir. On a failli fermer le dosser à trois reprises, et 25 ans plus tard ça a été évité. On ne devrait pas avoir à affronter cette angoisse-là. Même 25 ans après, la cicatrice est toujours là et on a toujours envie de savoir. Ça serait encore pire si le dossier n'était plus actif.

MISE A JOUR : En septembre 2022, justement, le pôle dédié aux cold cases de Nanterre s'est saisi du dossier. Un nouvel espoir pour le père de Cécile Vallin, 25 ans après sa disparition.

Disparition de Cécile Vallin : « Je parle avec ma fille tous les jours »

Depuis toutes ses années, vous n’avez pas lâché l’affaire… Comment avez-vous surmonté la douleur, l’absence, l’ignorance ?

Jonathan Oliver : Qu’est-ce qui a de pire pour un parent, que de perdre son enfant… ? Le deuil n’est pas possible. Ça serait une insulte à sa mémoire. Mais j’ai appris à vivre avec cette situation et notamment en étant disponible, en agissant quand il faut, avec mon avocate, auprès de la presse...

Si le dossier est resté ouvert pendant si longtemps, c’est grâce à notre avocate Me Caty Richard, et aussi aux journalistes qui prennent au sérieux ce dossier. Ce qui est formidable, c’est que ça a été remis régulièrement sur le tapis, le dossier est resté vivant grâce à tout ça. Et puis, j’ai un autre espoir, avec l’amélioration des techniques de la police scientifique, qu'on puisse trouver de nouvelles preuves, comme ça a été le cas avec l’affaire Fourniret.

Mon but c’est moins de punir le salaud qui a fait ça, mais de simplement savoir ce qu’il s’est passé.

Je ne peux pas dire que j’attends un coup de fil un retour de Cécile, mais j’espère que je serai prêt à tout entendre. Je vis avec cette cicatrice-là, mais je parle avec Cécile tous les jours. Ce sont des mots d’amour que j’ai pour elle. Je vis sans elle mais avec la mémoire très vive de Cécile.

J’ai trouvé la façon quelque part de vivre avec. Je sais que peut-être je ne saurai jamais. Mais en même temps, accepter ça, ça ne veut pas dire être résigné. Je me bats. Mais j’ai d’autres enfants, j’avais un travail, je m’occupe de ma maison, je ne suis pas dans la colère. C’est destructeur. Mais simplement, je suis prêt à tout moment à retourner sur la brèche.

Vous avez bon espoir pour la suite ? Vous pensez connaître bientôt, ou du moins un jour, ce qui est arrivé à votre fille ?

Jonathan Oliver : Le plus important c’est que cette équipe de spécialistes s’en occupent. J e me sens moins abandonné de savoir que le dossier est pris en main par des gens qui ont des moyens pour chercher, et j’espère qu’ils ne mettent pas une échéance sur le dossier, qu’il reste ouvert quoi qu’il arrive.

Vous avez des nouvelles de l’enquête dernièrement ? Quelle est la suite ?

Jonathan Oliver : La seule chose que je sais c’est que les gens de l'OCRVP travaillent sur le dossier, et je dois reprendre contact très prochainement avec eux. Y’a plusieurs nouvelles personnes dans cette entité, je vais faire leur connaissance pour savoir un peu plus. Toutes ces choses là sont très rassurantes par rapport à la suite, car le dossier ne risque plus d’être au gré de la disponibilité d’un énième juge. Mon espoir c’est que ça ne dure pas trop longtemps, car c’est déjà un peu trop long, si ça dure encore 25 ans, je ne serai plus là.

Jonathan Oliver est l’auteur de Cécile, ma fille, ma disparue, aux éditions l’Archipel