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Michel Villemin n’a, semble-t-il, jamais été très bien dans sa peau. Enfant, il grandit aux côtés de son aîné, Jacky, et de son cadet, Jean-Marie, mais aussi de leur cousin, Bernard Laroche, élevé par leurs grands-parents, Adeline et Léon Jacob. Ils habitent tous dans le même village, au cœur des Vosges : Aumontzey.
Sa scolarité est difficile. A l’âge de 15 ans, Michel ne sait toujours pas vraiment lire, ni écrire. Lorsqu’il est exclu du collège, son père, Albert, le somme d’aller travailler à l’usine, “comme tout le monde”.
On dit qu’il a été bercé trop près du mur. On dit aussi que Michel a hérité de la “maladie des nerfs” de son père. Le jeune-homme est sanguin, caractériel, et en proie à des épisodes dépressifs. Il complexe, dans l’ombre de ses frères : Jacky, l’aîné, celui qui passe avant tout le monde, et Jean-Marie, plus brillant, et plus sûr de lui. Les empoignades, parfois violentes, entre les frangins, sont usuelles.
Mais en 1978, Michel flaire l’heure de la revanche : il apprend que Jacky n’est pas le fils d’Albert : c’est un “bâtard”, et il ne va pas se priver de lui attribuer, dès lors, ce surnom réprobateur que le corbeau reprendra à son compte quelques années plus tard.
“C’est moi l'aîné de la famille”, dira un jour Michel à Jean-Marie, comme le rapporte Thibaut Solano dans son livre, La Voix Rauque (éd. Les Arènes).
La rivalité terrible entre Michel et ses frères
Les relations entre Jacky et Michel deviennent de plus en plus conflictuelles. Ils en viennent même aux mains, un jour, à la sortie de l’usine.
Le jour où Michel épouse Ginette Leconte, une amie de sa sœur Jacqueline, Jacky ne sera pas invité.
Le couple s’installe très vite dans la maison voisine des parents Villemin, Albert et Monique Villemin. A peine quinze mètres séparent les deux pavillons. Ensemble, ils ont deux enfants : Christelle, née en 1976, et Daniel, né la même année que Grégory - mais avec 40 grammes de moins.
Lorsque les appels du corbeau s’immiscent dans le quotidien des Villemin, dès 1981, Michel et Ginette ne sont pas épargnés. La jeune mère est traitée de tous les noms, Michel est sommé de ne plus fréquenter Jean-Marie.
Mais eux aussi traînent une sacrée rancœur depuis des années : il se sentent “mis à l’écart” par leur couvée, alors même qu’ils habitent à quelques pas de chez leurs parents, le centre névralgique de leurs liens.
Derrière les murs du pavillon, les nerfs sont à vif : Michel devient de plus en plus violent, Ginette subit.
“Le problème, c’est que Michel habitait à côté de ses parents. Donc, c’est vrai que le dimanche, c’était plutôt les enfants qui venaient de loin qui étaient invités au déjeuner dominical. Et du coup, avec Ginette, ils venaient seulement pour le café, car ils habitaient à côté. Et le corbeau jouait là-dessus”, nous explique Patricia Tourancheau, journaliste et auteure de Grégory, la machination familiale (éd. Seuil).
Par exemple, le corbeau disait “Le dimanche, Monique, hein salope, t’invites le chef, ah ça t’invites le chef, et t’invites pas Michel”. - Patricia Tourancheau
Michel Villemin, suspect par complicité ou naïveté ?
Pour autant, à l’époque, on ne soupçonne pas vraiment Michel d’être à l'origine des appels malveillants. D’ailleurs, comment cela pourrait-il être possible, puisque lui même et sa femme en reçoivent ?
Thibaut Solano ajoute : “Clairement, on sait qu'il y avait une certaine tension avec Michel. Lui était un peu l’inverse de Jean-Marie, il a eu des difficultés à l’école, il habitait juste à côté de ses parents, il était très colérique, nerveux, et du coup il pouvait y avoir des tensions avec son frère Jean-Marie. Mais il n’était pas le suspect principal aux yeux de Jean-Marie, peut être était-il seulement suspect par complicité ou naïveté”.
C’est plutôt Jacky qui concentre, avant 1984, les soupçons du couple Villemin.
Mais une question, toutefois, demeure centrale : Michel était-il proche du corbeau ?
Dans la famille, il est en tout cas l’un des seuls à être resté cul-et-chemise avec Bernard Laroche après l’adolescence.
Dans un entretien exclusif accordé à l’Est Républicain en 2010, il le décrit comme “Un ami mais surtout un cousin. Nous avions le même âge. On se connaît depuis notre enfance. J'allais souvent chez ma grand-mère, qui a élevé Bernard.”
C’est aussi Michel qui s’étonne, le 14 octobre 1984, deux jours avant le meurtre de Grégory, du nouveau canapé en cuir que vient de s’offrir son frère Jean-Marie. “Il faut être un chef pour se payer ça !”, lui aurait-il lancé alors qu’il venait prendre l’apéritif sur place.
Un interlocuteur privilégié pour le corbeau de la Vologne ?
Le 16 octobre 1984, en début d'après-midi, Bernard Laroche passe prendre un café chez Michel. Son cousin lui aurait-il raconté ce qu’il avait vu l’avant-veille chez Jean-Marie ?
Quelques heures plus tard, l’enfant est retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne.
Et comme si le frère “à part” était l’interlocuteur privilégié du corbeau, c’est lui qui reçoit, quelques minutes après le crime, l’appel glaçant revendiquant le geste terrible.
Dans son audition du 16 octobre 1984, Michel raconte :
Je décroche. J'entends : « Allo, comme il y a personne à côté, tu feras la commission. J'ai kidnappé le gosse du chef, ma vengeance est faite. Je l'ai foutu à la Vologne. Sa mère doit le chercher partout, elle ne le retrouvera pas ».
Depuis 38 ans, Michel Villemin n’a jamais été dans le viseur des enquêteurs. Tout comme il a toujours été convaincu de l'innoncence de son cousin, Bernard Laroche. Mais les suspicions au sein de sa propre famille ont définitivement entériné son isolement.
Michel et Jean-Marie ne sont pas revus depuis l’année du procès de ce dernier, en 1993.
“De toute façon, je ne pourrai jamais reparler à un frère qui m'a fait autant de mal. C'est dur, ce qui lui est arrivé, mais nous accuser nous, cela fait mal aussi. On dit toujours qu'il faut pardonner mais, là, non. C'est fini à jamais”, s’épanchait le Vosgien dans l’Est Républicain. Avant d’ajouter : “J'ai deux cancers, je ne sais pas si je ne vais pas mourir, et je pense que cette maladie a un lien avec l'affaire. C'est une affaire qui a bouffé ma vie…”
Michel Villemin s’est éteint le dimanche 21 mars 2010 à l’âge de 54 ans.
Ginette Villemin entendue en 2017
Quant à Ginette, elle a été placée en garde à vue en juin 2017, avant d’être relâchée assez rapidement. Quelques heures plus tard, Marcel et Jacqueline Jacob étaient mis en examen pour “séquestration” et “enlèvement suivi de mort”.
La femme de Michel, défendue par l’avocat de Bernard Laroche, s’était alors exprimée dans Vosges-Matin, prenant leur défense :
Ce n’est pas possible que ces gens-là aient quelque chose à voir. Je les connais, je sais comment ils sont… et en plus, je ne sais même pas s’ils connaissaient Grégory… J’ai l’impression de me retrouver 30 ans en arrière ! Vous cherchez toujours du même côté de la famille
Ostracisés, soupçonnés, et incompris… Le couple Michel-Ginette Villemin, la bande à part, détient-il une part du secret insondable de cette affaire maudite ?