Pendant la période des fêtes de fin d’année, une nouvelle méthode de fraude particulièrement sournoise émerge : des faux conseillers bancaires qui utilisent WhatsApp pour tromper les Français.
Arrêtés par la gendarmerie, deux chauffeurs roumains ont décrit cette arnaque dont le préjudice est de plus de 1 M€ par an, révèle Le Parisien. Le journal s'est procuré une copie de la lettre de Vinci Autoroutes adressée à la société de transports Geodis pour dénoncer les pratiques frauduleuses de ses conducteurs.
Le PDG de Vinci dénonce ainsi les "fraudes massives" aux péages pratiquées depuis 2008 par les conducteurs routiers, la plupart d’origine roumaine, en transit entre l’Espagne et la France.
Et estime le montant du préjudice à plus de 1,25 M€ par an pour sa société, soit 3500 € par jour.
De son côté, Geodis et sa filiale Giraud Iberica (directement visée) se défendent en invoquant les "actes isolés" d’une poignée de chauffeurs indépendants.
Pourtant, les condamnations commencent à se multiplier autour de cette affaire. Quatre employés de Giraud Iberica ont en effet été condamnés récemment, chacun de leur côté, à des peines de prison avec sursis pour "escroquerie". Les deux derniers en date, placés en garde à vue le 25 janvier à Bayonne puis condamné le 5 juin, ont choisi de lever le voile sur leur combine. Verbatim.
Loan-Aurel S. : "J’utilise souvent la pratique du passage en force"
Interpellé après avoir franchi les péages de Biriatou et de Biarritz avec une carte de crédit volée, achetée "10 € pièce" à un revendeur au poste frontière de la Jonquera (Espagne), Ioan-Aurel S., un Roumain de 49 ans résidant en Espagne, affirme travailler comme routier pour Giraud Iberica depuis mai 2010. Sa spécialité? Le passage en force des bornes de péage. "C’est une pratique que j’utilise souvent", avoue-t-il. Outre la fraude au parcours, il détaille une autre technique : sur une aire de repos située entre Perpignan et Narbonne, des complices lui déposent près d’un olivier leurs tickets d’autoroute. "Il suffit alors, raconte-t-il, de prendre le ticket le plus proche de sa gare de sortie pour ne payer qu’une distance très courte."
Les complicités ne s’arrêtent pas là. Car au moins sept autres Roumains se relayaient au volant du camion affrété par Giraud Iberica. "Je reconnais que ces personnes ont elles aussi commis des infractions sur mes instructions", conclut Ioan-Aurel, condamné à rembourser 5615,30 € aux Autoroutes du sud de la France. Pourquoi tricher alors qu’il prétend gagner entre 1600 et 2000 € par mois? "Mon intérêt est de donner à Giraud Iberica le moins possible de tickets de péage, explique-t-il. Ainsi, moins je lui en donne, moins il déduit d’argent de mon salaire."
Ana C. : "A chaque voyage, nous fraudons"
Arrivée en Espagne il y a huit ans, Ana, 37 ans, originaire de Bistrita (Roumanie), a conduit un poids lourd au noir avant d’être "embauchée" par Ioan-Aurel. "Je suis déclarée depuis juillet 2011. Il me paie en liquide environ 1500 € par mois, pas toujours à date fixe", raconte-t-elle. Elle conduit, comme ses sept compatriotes, le camion mis à disposition par Giraud Iberica. "Depuis un an et demi, à chaque voyage, nous fraudons […]. J’en étais consciente mais j’étais obligée de le faire pour garder mon travail.
De plus, je dois subvenir aux besoins de ma fille de 14 ans restée en Roumanie." Elle désigne Ioan-Aurel comme le chef de ce miniréseau. "Il m’indiquait l’itinéraire puis me donnait soit un ticket qui ne correspondait pas au parcours, soit une carte bancaire d’origine frauduleuse." Convoquée au tribunal, elle lâche : "Je reconnais les infractions mais comme je vous l’ai expliqué, j’étais obligée…"