Le projet de loi de finances pour 2025 du gouvernement demande un effort de cinq milliards d'euros aux collectivités locales les plus aisées. Et cela ne sera pas sans conséquences sur votre quotidien.
Dans votre film documentaire intitulé L'autre voix, vous voyagez cette fois-ci sans Mouts, votre compère habituel dans Nus et culottés. Cependant, vous partez avec un autre partenaire prénommé Nabil. Pouvez-vous nous en dire plus sur lui ?
Nans : C'est une drôle de rencontre. Un jour, je reçois un message d'un réalisateur marocain qui me dit "j'aimerais partager avec toi l'un de mes films, dis-moi ce que tu en penses". Et en fait, je regarde le film et là, tout d'un coup, je suis hyper touché. Je découvre un autre réalisateur/voyageur qui voyage sans argent et qui est parti du Maroc pour aller jusqu'en Islande pendant un mois avec sa caméra. J'adore son style de réalisation et je suis impressionné par la qualité de son film alors qu'il est tout seul. Je sais la difficulté de réaliser ce genre de film de voyage, même en étant à deux avec Mouts. Et là, je le vois faire ses films tout seul avec du matériel professionnel et je dis "whaou". Je suis touché par le voyageur et le réalisateur.
Je lui ai alors proposé de se rencontrer. A ce moment-là, j'étais en train de lancer le tournage de mon film Et je choisis de vivre. A cette époque, je cherchais un chef opérateur. Au culot, je lui demande si ce job l'intéresse. Alors qu'il venait à peine d'arriver en France, il a accepté ma proposition. Il me dit : "Il faut que je vienne quand ?". Je lui réponds : "Bah, ce soir !". Je lui dit alors de prendre un billet pour Die dans la Drôme. Il me dit : "Je ne sais pas où c'est". Je lui répond : "Va juste à la gare et prends un billet". Le soir même, il prend un billet et il arrive le lendemain avec le train de nuit. Il débarque chez moi et il ne sait pas du tout où il se trouve. On s'est alors embarqué dans une aventure qui a duré deux semaines. Avec lui, le feeling s'est super bien passé, j'ai découvert à ce moment-là un frère. Depuis, on a gardé contact. On s'est beaucoup accompagné dans nos chemins d'homme, de voyageur et de réalisateur. Et quand un jour je lui ai fait part de mon envie de voyager, d'aller plus loin dans mon "dépouillement", il me dit :"On essaye cette fois-ci sans parler ?"
C'est donc Nabil qui a suggéré ce challenge de voyager sans parler ?
Nans: Avec Nabil, on se dit "qu'est-ce qui nous reste quand on est à poil et sans argent ?" Bah, il reste la parole. C'est quand même une sacré sécurité. On s'est alors regardé et on s'est dit "ok, on essaye pour voir ce que ça donne".
A la manière de Nus et culottés, vous êtes donc partis sans argent et sans vêtement au début de votre aventure ?
Nans : Sans argent, oui. Sans vêtement, non ! Ça c'est dans Nus et culottés. Dans L'autre voix, on est allé explorer une autre partie de la nudité. Cette fois-ci, c'est une nudité verbale. On a fait voeu de silence : on a communiqué qu'avec du non verbal.
Etiez-vous optimistes avant de vous lancer dans un tel défi ?
Nans : On était fou surtout ! A chaque fois que je me projetais, je me disais que ce n'était pas possible. Quand j'en parlais autour de moi, les gens me disaient que ça allait trop loin. "Sans parler, sans argent, comment allez-vous faire ?", disaient-ils. Ils ne comprenaient pas et estimaient que c'était du suicide. Parfois, je me sens habité par une espèce d'intuition. C'est irrationnel mais je me disais qu'il fallait le vivre.
Avec Nabil, on est parti de Paris le 18 décembre de l'année dernière pour arriver à Die, dans la Drôme, afin de fêter Noël avec mes parents et ma famille. On avait cinq jours pour relier la grande ville à cette petite campagne dans laquelle je vis, soit à peu près 650 km. Pour nous, c'était symbolique car on partait du bruit de la ville pour aller dans le silence dans la campagne. On faisait ce voyage en hiver, une saison symbolique du silence. Et on faisait ça pendant les fêtes de Noël. On s'attendait à trouver de la générosité au-delà de notre manière de s'exprimer.
Avec Nus et culottés, j'ai fait pas mal de conférences depuis 10 ans. Les gens nous disent souvent que nos voyages sont magnifiques en humanité mais ça fonctionne parce qu'on est blanc et qu'on a une bonne éducation. Alors, qu'est-ce qui se passe quand on n'est pas d'origine française et qu'on n'utilise pas les mots ? Est-ce qu'il existe une hospitalité au-delà des apparences et de la manière de parler ? C'est cette hospitalité qu'on est allé rencontrer avec Nabil.
Avez-vous l'impression d'avoir franchi un pas dans l'expérience sur votre foi en l'être humain ?
Nans : Clairement ! Quand je suis arrivé à Die, j'avais le sentiment qu'on sous-estime vraiment la profondeur de la générosité et de l'hospitalité de l'humain. On est bombardé en permance d'informations de médias qui mettent l'accent sur les comportements violents, individualistes et fermés de l'être humain. Mais il y a aussi toute cette beauté, cette profondeur en nous. En tant que réalisateurs, nous avons la responsabilité d'en parler.
Avez-vous rencontré des personnages marquants sur votre chemin ?
Nans : Ce qu'on n'avait pas anticipé avant de partir, c'est que les gens nous ont accueillis chez eux. Mais nous, on les a accueillis dans notre silence. Ils se sont mis à se dévoiler et à nous parler de choses qu'ils n'ont jamais confié à personne d'autre. On ne parlait pas donc on avait plus d'espace pour les écouter. On a donc des personnages qui se sont révélés, des histoires de vie assez poignantes. On ne s'y attendait pas du tout.
Vous avez d'ailleurs suivi une formation sur la communication non violente (CNV). Pouvez-vous nous en dire plus ?
Nans : Quand je voyage avec Mouts, notre plus grande sécurité, c'était notre langage qui nous permet d'exprimer nos besoins. On s'est vite rendu compte que c'était important de développer un langage clair et efficace. Non seulement avec les gens, mais aussi entre nous parce qu'on part sans argent, sans vêtement... Il y a mille occasions par jour de se prendre la tête et de créer du conflit entre nous. Si on voulait mener à bien nos voyages, il fallait vraiment qu'on développe une hygiène de communication entre nous. On a appris ça sur le terrain un peu comme un couple. Et parfois, on bloquait sur des situations et on a eu besoin d'apprendre avec des grands frères et des grandes soeurs qui ont fait un chemin dans l'art de communiquer.
Ces grands frères et grandes soeurs qu'on a trouvé dans l'art de la communication, c'étaient dans la lignée des enseignements de Marshall Rosenberg avec la communication non violente. On a trouvé énormément de clés, d'inspirations dans cet enseignement. On a étudié assez intensément pendant cinq ans. Ce qui nous permet d'avoir une expérience de terrain et de nécessité. Et aussi un savoir un peu structuré de part ces formations et ces enseignements. On a désormais beaucoup de plaisir à transmettre ça dans nos conférences et nos ateliers.
Avec Nabil, on a envie de partager ça lorsqu'on fera des projections de film dans les écoles et dans les prisons. On se rend compte que voyager sans parler, c'est retrouver un langage très simple, des émotions et des besoins. Quand on voyage sans argent et sans parler, il faut qu'on arrive à dire "j'ai froid" ou "j'ai faim". Cette simplicité du langage, c'est le langage du coeur. C'est ce qu'on apprend dans la communication non violente.
Le silence était censé être une contrainte pour votre voyage. Au final, ça ne semble pas être le cas.
Nans : On se considère souvent comme des réalisateurs/poètes/artistes. Pour un artiste, la contrainte est souvent une énorme source de créativité. Les gens nous disent souvent pourquoi vous vous faites mal comme ça ? Pourquoi vous partez sans argent ? Pourquoi vous partez sans vêtement ? Vous n'êtes pas un peu sado ? En fait, notre confort, on le trouve dans le mouvement, la créativité et l'inconnu. Quelle meilleure manière de créer de l'inconnu en se créant des contraintes ? Mon rêve inavoué est de trouver un langage qui nous permet de rentrer en lien avec n'importe quel être humain sur Terre. En réalité, c'est plus complexe que ça. Ce langage-là, on ne l'a pas vraiment découvert. En face de nous, on avait quand même des gens qui parlaient notre langue. Ça facilitait grandement la tâche. Par exemple, si les gens nous demandaient si on avait envie de manger, on pouvait dire "oui" avec la tête. Il n'est pas exclu qu'on fasse le même voyage dans un pays où cette fois-ci on ne parle pas du tout la langue.
Vous avez donc prévu de faire un autre film avec Nabil ?
Nans : Ce n'est pas exclu ! Ça va dépendre du financement participatif [ndlr: une campagne de financement participatif est actuellement en cours sur la plateforme Helloasso pour produire le film]. Si on dépasse le 100% du financement, on aura peut-être une somme pour faire un deuxième film.
Cette expérience pourrait-elle vous encourager à apprendre la langue des signes ?
Nans : Carrément. Mais plus dans la perspective d'avoir des enfants. Si un jour j'ai des enfants, les études et l'expérience montrent qu'ils développent plus rapidement les muscles de ses mains et de ses bras que ceux de ses cordes vocales. Du coup, ils aprennent plus vite à communiquer avec ses gestes. Pour déceler leurs besoins, ça peut être intéressant de leur apprendre des signes simples. Je sais qu'il y a tout une partie de la langue des signes qui peut être adaptée à la communication entre parent et enfant.
La cagnotte se termine d'ailleurs mercredi prochain...
Nans : J'ai eu une bonne nouvelle : les deux plus grands youtubeurs de France, McFly et Carlito, sont tombés amoureux du projet. Ils nous ont proposé de promouvoir le film. Comme ils comptent le faire dimanche, on va décaler la date de quelques jours pour bénéficier de leur impact.
Vous n'hésitez pas à mettre de votre personne pour récompenser vos donateurs. Parmi les cadeaux, on retrouve notamment une soirée de projection privée ou encore un week-end à la montagne.
Nans : Je travaille beaucoup avec la télé qui est un média assez froid en terme de relation avec le public. Du coup, on n'a pas l'habitude de rencontrer les gens. J'avais aussi envie de créer de la rencontre avec les gens en petit comité, aller se faire des week-ends à la montagne. C'est des moments que j'aime beaucoup.
Quand souhaitez-vous que le film sorte ?
Nans : Pour Noël ! Pour moi, ce film est beaucoup plus intime et expérimental. J'avais envie de le développer avec un autre canal que la télé. Avec une communauté un peu plus réduite et plus investie. L'idée, c'est que les gens qui participent au financement vont recevoir le film pour Noël à regarder en famille ou simplement pour eux afin de trouver de l'inspiration et de les inviter à croire en nos rêves et nos inspirations profondes.
A travers votre road movie, quel message souhaitez-vous transmettre ?
Nans : Pour continuer de déprimer, il faut vraiment rester chez soi et arrêter de faire confiance aux autres !
Et qu'en est-il de Nus et culottés ? Y aura-t-il une huitième saison ?
Nans : Oui ! On commence le tournage dans pas longtemps et elle sera diffusée l'année prochaine !
L'autre voix, réalisé par Nans Thomassey et Nabil Qerjij. Sortie du film attendue pour Noël.