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Des épisodes de violence qui se multiplient. Ces dernières semaines, plusieurs règlements de compte entre adolescents – à Bondy, dans l’Essonne ou encore à Nanterre - ont fait la une des médias. Il y a une dizaine de jours, c’est la mort d’Alisha, frappée et jetée dans la Seine par deux de ses camarades de classe, qui a profondément choqué l’opinion publique. Comment expliquer que de jeunes adultes, parfois même des garçons et des filles à peine sortis de l’enfance, soient aussi violents ? Les adolescents d’aujourd’hui sont-ils plus cruels que ceux d’il y a dix, vingt, trente ou quarante ans ?
Michel Fize est sociologue, spécialiste des sujets touchant à l’adolescence et à la jeunesse. Il s’apprête à publier son nouveau livre aux Éditions Mimésis, intitulé De l’abîme à l’espoir, les années folles du mondialisme et revient, pour Planet, sur ces violences, comme ce qui pourrait les expliquer.
Violence : "Elle est de plus en plus imprévisible"
On parle toujours "des adolescents", est-ce que ça n’est pas trop réducteur ?
Michel Fize. Ces incidents touchent une catégorie jeune de la population et beaucoup d’autres jeunes ne sont évidemment pas concernés par ce type d’événement. Par contre, je crois que ce qu’on peut noter, c’est que la violence qu’on voit aujourd’hui est en fait une violence de plus en plus imprévisible. On a le sentiment qu’elle peut sortir d’un coup, de n’importe où, pour des motifs généralement futiles. Prenons par exemple les événements de Blois : personne ne s’y attendait dans une ville réputée tranquille. Cela veut dire que si, évidemment, tous les jeunes ne sont pas concernés, il ne faut pas grand-chose pour qu’il y ait un débordement.
Violence : "Il y a une déconnexion des individus aux règles"
Y a-t-il plus d’incidents de ce type aujourd’hui qu’hier ?
Michel Fize. Ce n’est pas la question la plus essentielle. Il y en a beaucoup parce que je pense que la société est devenue une société hyper violente. En plus de la crise sanitaire, il y a toutes celles qui se cachent derrière – crise économique, crise sociale – et tout ceci créé une espèce de poudrière. Sans oublier qu’il y a comme fond négatif un abîme moral, c’est-à-dire qu’il y a une déconnexion des individus aux règles et ce n’est pas uniquement les jeunes. On a le sentiment, aujourd’hui, que c’est le rapport de force qui domine, qui va se mettre en place dès qu’il va y a voir une insatisfaction et qui ne sera plus supportable. Si on regarde le phénomène dit "des bandes", il est évident qu’il y beaucoup de rixes dont on ne parle pas, parce que ce sont des incidents qui ne donnent pas lieu à des drames.
De l’autre côté il y a aussi le harcèlement…
Michel Fize. L’autre grand problème qui caractérise un peu notre société c’est le harcèlement. Lorsqu’on l’observe chez les jeunes il est évidemment scolaire. Là, encore une fois, on voit que n’importe qui peut être touché et que ça peut conduire au drame que l’on a vu avec ces deux jeunes de 15 ans qui jettent à la Seine une autre jeune fille. Je pense que les individus, nos contemporains, ont perdu leurs nerfs et le dérapage est plus fréquent, beaucoup plus facile. Ce n’est pas qu’un effet de loupe.
Violence : "Elle paraît asobulement sans limite"
La violence peut sembler étonnante chez des personnes aussi jeunes. Est-ce que l’âge entre vraiment en jeu ?
Michel Fize. Je pense que ce qui est important c’est l’éducation et l’information. Il est évident que s’il n’y a aucun discours éducatif très tôt, on va voir chez des enfants se produire des tas de violences. On se bat aussi dans les écoles maternelles, les écoles primaires et ce sont des choses qu’on n’aurait pas vues il y a 50 ans. Si la violence démarre très tôt, ceux qui la commettent s’habituent à elle et un petit violent peut devenir un adulte violent.
Les adolescents sont-ils plus cruels aujourd’hui ?
Michel Fize. Il y a une chose que j’ai observée, par rapport à une dizaine d’années en arrière, c’est une violence qui est devenue extrême, qui paraît absolument sans limite, au moyen d’armes qui sont devenues également d’un usage assez banal. Aujourd’hui, se battre avec des couteaux, avec des barres de fer, des battes de baseball, des marteaux… Ca fait partie des choses devenues banales et ça, c’est quand même nouveau.