De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Les femmes en première ligne. À l'occasion de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes ce 8 mars 2024, l'Unapei, mouvement de représentation des personnes en situation de handicap intellectuel et de leurs proches,les inquiétudes et les obstacles auxquels doivent faire face les aidantes, mais aussi leurs victoires du quotidien pour faire entendre leurs voix. Dans une enquête menée auprès de 4 000 parents à l'automne 2023, 80 % des répondant.es étaient des femmes.
Luc Gateau, président de l'association, regrette le non accompagnement des mères dont l'enfant est en situation de handicap. "En tant qu’association de représentation des familles, nous avons à cœur de porter la voix de toutes les femmes concernées et de les accompagner. C’est notre combat quotidien de dénoncer les injustices, et d’agir pour construire ensemble une réelle société du vivre-ensemble", articule-t-il.
Un diagnostic difficile
L'une d'elles, Christelle, a accepté de témoigner pour Planet. Son fils, Augustin, est porteur d'un trouble du neurodéveloppement et est reconnu handicapé à plus de 80 %. Au quotidien, cette mère de famille doit lutter contre l'isolement social, les péripéties administratives ou encore l'errance médicale.
Christelle et Rafaële sont mariées, et en couple depuis plus de 25 ans. Ensemble, elles ont eu deux enfants en ayant recours à des procréations médicalement assitées (PMA) en Belgique. "Mon deuxième fils, Augustin, est né en mai 2008. C'est moi qui l'ai porté. Au bout de deux mois, mon épouse remarque lors de l'allaitement quelque chose d'anormal dans sa façon de découvrir l'environnement", explique la maman. Quand les deux mères en parlent à leur médecin, elles ne sont pas prises au sérieux. Le pédiatre ne relève rien d'inhabituel et met ça sur le dos du "stress" maternel.
"Nos enfants sont les plus grands athlètes du monde"
Quelques jours plus tard, Augustin est hospitalisé pour une pyélonéphrite. "À cette occasion, nous expliquons nos craintes à une jeune interne qui de suite nous répond que la parole de la maman doit toujours être entendue et prise en compte. Mais là encore les médecins ne voient rien", soupire Christelle. Quelques mois plus tard, le nourrisson passe entre les mains de plusieurs spécialistes : pédiatre, pédopsychiatre, orthophoniste, psychomotricien, kinésithérapeute... Et le diagnostic tombe.
"Augustin a un trouble du neurodéveloppement avec trouble du spectre autistique en lien avec une délétion chromosomique très rare (une quarantaine de cas identifiés dans le monde)", explique la maman. À 12 ans, l'adolescent parle avec difficulté et doit utiliser un fauteuil pour les longs trajets. Malheureusement, l'accompagnement est semé d'embûches.
Entre lourdes démarches administratives et perte de droits pour la retraite
Depuis ses trois ans, Augustin est scolarié à temps partiel. Cette année, il est en ULIS primaire. " Nous ne trouvons pas de clubs de sport 'ordinaire' pour l'accueillir... Je pense que nos enfants sont les plus grands athlètes du monde car ils réalisent chaque jour des prouesses physiques et intellectuelles pour s'adapter à l'organisation des 'gens normaux' !", témoigne Christelle.
La deuxième maman d'Augustin a cessé son activité professionnelle pour prendre en charge son accompagnement. Elle s'occupe de toutes les visites médicales et paramédicales ainsi que des hospitalisations. Elle est également chargée des démarches administratives extrêmement lourdes et continues. La mère de famille est dans l'obligation de prouver et de faire réévaluer, sans cesse, le handicap de son fils.
"Elle perçoit la PCH aidant maisle montant est dérisoire par rapport au temps d'accompagnement et aux frais réels engagés : transports vers les professionnels de santé, matériel partiellement remboursé...", précise Christelle. En arrêtant de travailler, Raphaële perd également "de nombreux avantages pour sa retraite".
"Nous devrions avoir le droit de vivre notre vie de femme"
Pour Christelle, ce statut de proche aidante permet de rendre visible et de valoriser son engagement en tant que femme dans l'accompagnement quotidien de son fils.
Ce temps conséquent pourrait faire l'objet d'un libre choix et nous devrions avoir le droit de vivre notre vie de femme, de travailler, d'avoir une vie sociale plutôt que d'être contrainte à des empêchements parce que les accompagnements sont dérisoires. Ce qui est simple comme inscrire son enfant à l'école devient une montagne pour un enfant handicapé. - Christelle.
Peu à peu, les proches de la petite famille se sont éloignés, et les deux mamans doivent également lutter contre l'isolement social. Pour elles, comme pour leurs enfants.
Une famille dans un "vase clos"
À l'annonce du diagnostic, Christelle et Raphaële se sont senties peu soutenues par leurs proches. "Ils étaient dans le déni, peut-être pour rassurer, en disant 'ça va, ça va s'arranger, ce n'est pas définitif'", raconte la maman. " On s'est senties surtout soutenues par les professionnels de santé du CAMPS et par des associations de parents. La famille, les collègues et les amis, c'est plus difficile, il y a un éloignement progressif. Ils aidaient un peu au début puis après ils viennent moins souvent", poursuit-elle.
On refuse souvent des invitations en raison de la complexité d'organisation que cela demande. L'année dernière, nous sommes sortis une fois chez des amis. Nous sommes seulement partis en vacances en famille plusieurs fois entre nous... C'est déjà bien. - Christelle
Pour lutter contre cet isolement, les parents se tournent davantage vers le cadre associatif. "Actuellement, Augustin et moi préparons un marathon avec un club sportif qui a la gentillesse d'accompagner nos enfants dans des goélettes. C'est très chouette", confie la mère de famille. Avant de conclure : "Nous aurions besoin d'une meilleure prise en charge, de plus de solutions d'accompagnement, plus d'argent pour le médico-social pour ne pas vivre dans un vase clos".