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Florence Legros est économiste et directrice générale de l'ICN Business School. Elle enseigne les sciences économiques et sociales à l'université Paris Dauphine. Elle a signé plusieurs ouvrages relatifs au modèle de retraites français et au vieillissement de la population, dont : Les Retraites (2003, ed. Le Cavalier Bleu)
Retraites : quelles réformes après la crise sanitaire ?
La crise sanitaire ne sera pas sans laisser d'empreintes sur notre régime de retraite. Des empreintes qui ne font qu'accroître les déséquilibres structurels de ce système de telle sorte qu'après le "quoi qu'il en coûte" il faudra adopter des mesures de rééquilibrage qui impacteront probablement le pouvoir d'achat relatif des retraités, ceux qui par ailleurs ont été les moins impactés financièrement par la crise.
A ce stade, quelques rappels s'imposent.
Les retraités coûtent-ils trop cher ?
Le poids des retraites par répartition en France est l'un des plus importants des pays développés : il atteint 15% du produit intérieur brut.
Le système repose majoritairement sur la répartition, un dispositif tel que les cotisations des actifs de la période financent les retraites de la même période, si l'on omet le fonds de réserve des retraites dont le poids est faible en France. L'équilibre repose donc sur l'égalité entre cotisations (soit le produit du taux de cotisation moyen et de la masse salariale du moment) et les pensions (soit le produit de la pension moyenne et du nombre de retraités).
Les réformes passées ont joué – ou tenté de le faire pour ce qui est de la réforme avortée de 2019/2020 – sur l'ensemble des paramètres. On notera par exemple l'impact massif des réformes ayant conduit à la désindexation des pensions et salaires portés au compte (le salaire de référence servant au calcul des droits) par rapport aux salaires (1993) puis au gel des pensions ou sous indexation par rapport aux prix (gel des pensions de janvier 2019, entre autres).
Juguler la part du PIB destiné au financement des pensions, un choix politique inéluctable ?
Retraites : qu'en est-il de la situation actuelle ?
Le rapport entre cotisants et retraités est marqué par le vieillissement de la population, de sorte que le ratio cotisants / retraités doit passer de 1.7 en 2019 à 1.3 en 2070 avec un impact Covid nul sur 50 ans. Le système français doit se réformer s'il veut affronter ce vieillissement démographique tout en jugulant la part du PIB destiné au financement des pensions. Choix politique, certes mais choix économique aussi puisque les prélèvements soit accroissent le coût du travail et – partant – pèse sur la compétitivité du pays, soit pèsent sur les salaires nets et ipso facto sur le pouvoir d'achat des actifs, sur la consommation, sur l'épargne, sur le dynamisme de l'économie.
La situation sanitaire a aggravé la situation dans le sens qu'elle a accéléré la mortalité sans infléchir la tendance historique tout en s'accompagnant d'une crise économique majeure qui va anticiper le creusement du déficit.
Faut-il faire payer les retraités d'aujourd'hui ou ceux de demain ?
Retraites : quelles réformes à venir ?
Il va falloir distinguer les retraités actuels des retraités futurs (ie actifs actuels) ; les retraités actuels se sortant financièrement bien de la crise. Non seulement, leurs pensions n'ont pas été touchées par la crise en terme nominal mais leur pouvoir d'achat se trouve mécaniquement revalorisé par la baisse de celui des actifs due à la baisse de la productivité du travail, situation inédite en cas d'indexation des pensions sur le prix et non sur les salaires, une situation qui risque de perdurer durant quelques années alors que le niveau de vie des retraités est de 104% de celui des actifs.
Indéniablement, cette situation plaide pour une désindexation des pensions par rapport aux prix durant encore quelques années.
Quant aux retraités futurs, ils devraient vivre une réforme probablement relevant d'un mécanisme proche de celle qui a été avortée en mars 2020 c'est-à-dire un régime par points, plus transparent, plus respectueux des carrières complexes, plus incitatif au travail sachant que nombre de modalités tel son caractère universel (qui avait du reste du plomb dans l'aile dans les dernières moutures) resteront a voir. Sachant également que le sens de l'histoire est celui de la baisse des taux de remplacement, il faudra bien que la loi Pacte trouve toute sa place dans cette réforme faute de quoi le pouvoir d'achat des retraités pourrait fortement se détériorer à moyen long terme*.
*"Épargne retraite : stratégies d’allocation et dynamique des marchés financiers", S. Hamayon, F. Legros et Y. Pradat, Revue de l’OFCE, n° 170, décembre 2020.