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Faudra-t-il travailler davantage ? Depuis plusieurs semaines - sinon depuis plusieurs mois, déjà -, la petite musique fait son grand retour : il faut repousser l’âge de départ à la retraite. Il en va, assurent certains, de l’équilibre et de la soutenabilité de notre système de solidarité intergénérationnelle. Après la crise sanitaire, et la crise économique engendrée par la pandémie, notre modèle apparaît bien moins fringant qu’il ne l’était au moment de l’élection d’Emmanuel Macron. En 2017, et avant, le président de la République assurait d’ailleurs que sa réforme ne poserait pas ces questions-là.
Pourtant, quand l’exécutif se lance finalement dans la rénovation du modèle qui a fait la fierté de la France, il introduit certaines mesures susceptibles de pousser les Françaises et les Français à retarder leur départ. L’âge-pivot, contre lequel l’essentiel des organisations syndicales ont mené la lutte, en faisait partie. Plus tard, alors qu’une issue à la crise Covid-19 semblait enfin se dessiner, le chef de l’Etat a décidé de remettre le sujet sur la table. Cette fois, sans s'embarrasser d’une réforme systémique.
Retraite : pourquoi les Français refusent-il le report de l’âge légal ?
Un temps, il n’est plus question que de retarder l’âge légal de départ à la retraite. "Parce que nous vivons plus longtemps, il nous faudra travailler plus longtemps et partir à la retraite plus tard", se justifie Emmanuel Macron. Ce que refusent de toute évidence les électeurs : depuis qu’il a exprimé sa volonté de relancer ce débat, la cote de popularité du chef de l’Etat n’a fait que chuter, informe le journal local Ouest-France sur son site. S’il persiste, il risque bien de voir un certain nombre de pré-retraités anticiper leur cessation d’activité…
"D’une façon générale, les Françaises et les Français sont très attachés au départ précoce à la retraite. A en croire les récentes études sur la question sont nombreux à vouloir un retour de l’âge de départ à 60 ans, ce dont certains partis politiques se sont fait l’expression. D’autres voudraient même qu’il soit abaissé à 58 ans. Parler de report à 64 ans engendre donc, assez logiquement, de réelles crispations…", observe l’économiste Philippe Crevel, pour qui la réforme Macron souffre notamment de cela : "Aujourd’hui, on ne voit plus la réforme des retraites que sous l’angle de l’âge du départ. C’est pour cela que plus personne ne veut en entendre parler", souligne-t-il encore.
Retraite : ceux qui partent avant la réforme ont-ils raison de le faire ?
Souvent, les pré-retraités qui pourraient être concernés par une réforme ont tendance à précipiter la liquidation de leurs droits pour s’éviter le couperet. Cela n’a rien d’étonnant pour le directeur du Cercle de l’Epargne, qui rappelle encore qu’en France, "on a tendance à sacraliser le départ précoce".
Pourtant, assure-t-il encore, il n’est pas toujours pertinent de prendre ses jambes à son cou dans ce genre de cas. Et il ne parle pas seulement du (très discuté) équilibre du système… "D’un point de vue financier, il n’est pas toujours intelligent de préparer sa cessation d’activité et de l’anticiper pour pouvoir partir avant la réforme. D’abord parce qu’on ne parle pas du grand soir : elles ne s’appliquent jamais sans prévenir, du jour au lendemain. Il y a toujours un effet de lissage, une période d’adaptation. C’est très progressif", rappelle l’expert pour commencer. Son propos ne s’arrête pas là.
"Soulignons aussi qu’un départ précoce coûte mécaniquement de l’argent. Cela revient à amputer sa pension de plusieurs années que l’on aurait pu travailler, des points de complémentaire que l’on aurait pu gagner. Forcément, c’est onéreux", pointe l’économiste pour qui cela peut se révéler plus dramatique pour un foyer de retraités qu’une réforme.
Et lui de conclure : "Souvent, c’est l’incertitude qui pousse les futurs retraités à partir en amont quand, parfois, il faudrait attendre…"
Retraite : ne pensez pas profiter pas du statu-quo
"Les Françaises et les Français, dans leur globalité, ne sont pas nécessairement satisfaits par le système de retraite actuel", estime Philippe Crevel, pour qui le modèle contemporain est jugé assez injuste par une majorité d’assurés et de pré-assurés. Pour autant, soutient-il encore, ils le défendent par crainte de ce qui pourrait survenir à sa place.
"C’est une erreur", commente-t-il simplement.
"Certainssont persuadés que si l’on ne change rien à la situation actuelle, ils auront la garantie de toucher leur pension. C’est faux : le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) explique bien que l’inaction mènera mécaniquement à un décrochage des pensions de retraites. La baisse du pouvoir d’achat des retraités s’observe depuis maintenant plusieurs années. Elle a commencé en 2014 et elle illustre combien le statu-quo est un mirage", achève le spécialiste.