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Le jeu est-il déjà joué ? A une petite centaine de jours, à peine, de l’élection présidentielle 2022, de nombreux éléments sont encore susceptibles de venir bouleverser la tenue du scrutin. La liste est longue ! Une forte reprise épidémiologique contraignant l’exécutif à durcir encore sa politique sanitaire pourrait, par exemple, balayer certaines des cartes posées par les candidats. Il en va de même pour une éventuelle succession de sinistres environnementaux, comparables aux inondations de juillet 2021 en Belgique… qui pourraient bien installer de nouvelles thématiques sur le devant de la scène. Pour autant, certains éléments sont de natures beaucoup plus politiques.
La récente déclaration de candidature de Christiane Taubira, ancienne des Gardes des Sceaux ayant exercé sous le mandat de François Hollande, en fait évidemment partie. Certains observateurs estiment même que le mois de janvier pourrait devenir crucial et impacter en profondeur les résultats de l’élection, ainsi que l’explique le Huffington Post. Qu’en est-il en vérité ? Sylvain Boulouque, historien et enseignant-chercheur à l’Université de Nanterre estime lui aussi que les semaines à venir ont de quoi s’avérer décisives. Explications.
Présidentielle 2022 : pourquoi tout peut se jouer dans les jours qui viennent
"Trois évènements importants, au moins, se déroulent en ce moment. D’abord, il y a l’annonce de la candidature de Christiane Taubira, qui a décidé de participer à la primaire populaire. Ensuite, il y a le déroulé de cette dernière, dont le vote aura lieu à la fin du mois. Finalement, il faut aussi savoir que le Parti socialiste et les écologistes essayent actuellement de s’entendre sur le retraite d’Anne Hidalgo au profit de Yannick Jadot", observe d’entrée de jeu l’auteur de l’ouvrage Mensonges en gilet jaune , publié aux éditions Serge Safran.
Un cocktail explosif, à n’en point douter.
Présidentielle 2022 : que peut-il ressortir du mois de janvier ?
"Le mois de janvier sera effectivement décisif. Il pourrait être marqué par une décantation à gauche comme celle que l’on a pu constater à droite après la tenue de la primaire des Républicains. Cependant, il faut rappeler qu’aujourd’hui, il existe une pluralité de candidats assis sur un noyau électoral restreint et que ce dernier est beaucoup plus abstentionniste qu’il n’a pu l’être par le passé", nuance cependant Sylvain Boulouque.
Un défi pour Christiane Taubira, qui justifiait sa candidature par la nécessité de faire l’union ? Pas nécessairement. "L’ancienne ministre de la justice risque de faire le contraire de ce qu’elle espérait réaliser : elle ajoutera probablement de la division à la division. La situation actuelle est pratiquement analogue à celle de 2002… À ceci près que la gauche a moitié moins d'électeurs et ne peut pas se targuer du bilan de Lionel Jospin", poursuit l’historien.
La primaire populaire risque de ne pas suffire non plus. "Ils ne représentent qu’une des sensibilités de la gauche, ne sont pas majoritaires dans les partis où ils cherchent encore à impulser une dynamique et proposent des candidats qui ne reconnaissent même pas la légitimité de leur scrutin. Ils sont en total décalage", tranche l’enseignant-chercheur.
La gauche, cependant, aurait peut-être pu capitaliser sur certains points : ce sont ses sujets politiques qui semblent les plus en phase avec l’intérêt des Françaises et des Français.
Présidentielle 2022 : la gauche peut-elle encore gagner ?
Certains scénarios de politique fiction permettent raisonnablement d’envisager un chemin vers le succès pour la gauche en 2022, juge l’expert.
"Si les forces de gauche parviennent à se rassembler dans les deux mois qui viennent, réussissent à imposer leurs sujets et leur vocabulaire dans le débat public, alors la famille politique pourrait peut-être l’emporter. A condition, évidemment, qu’elle arrive à paraître réaliste aux électeurs. Pour l’heure, nous sommes très loin de ce cas de figure et la majeure partie de l’électorat de gauche n’entend pas se déplacer", tranche d’entrée de jeu Sylvain Boulouque.
Le fait est pourtant que les thématiques sociales et environnementales constituent les principaux points d’inquiétudes des Françaises et des Français aujourd’hui, à en croire le baromètre OpinionWay-Kea&partners réalisé pour Les Echos.
"La gauche ne fait, malheureusement pour elle, pas campagne sur la question sociale et elle demeure inaudible sur la question environnementale. Ses sujets sont devenus inintelligibles, notamment parce qu’elle rame contre son propre camp. C’est une famille qui est historiquement hostile à la Vème République, du fait notamment de sa personnification du personnel politique, et qui fonctionne bien mieux sur le plan collectif. Or, aujourd’hui, elle personnifie aussi ses meneurs de chapelles", juge cependant le chercheur.
Et lui de conclure : "Quoi qu’il arrive, le mois de janvier sera important pour l’élection. Soit la gauche parvient à fédérer son camp, soit elle persiste dans une logique de conquête du pouvoir qui ne lui a jamais réussi jusqu’à présent et elle éclate ; ouvrant de facto un boulevard à la droite".