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Durant la crise du coronavirus, Édouard Philippe a fait la différence, même si c’était pour des raisons en trompe l’oeil. Le sondage le plus récent sur sa popularité montre que 65% des Français perçoivent négativement Emmanuel Macron, alors qu’ils sont seulement 53% à émettre cet avis sur le Premier Ministre. Au sortir d’une crise où la plupart des chefs d’État ont bénéficié d’un regain de popularité en Europe, cette évolution a de quoi inquiéter, et surtout embarrasser le Président de la République.
Macron paie le prix du coronavirus
Sans grande surprise, les Français reprochent massivement à Emmanuel Macron d’avoir menti sur les stocks de masques en France. Le Président paie ici le prix du manque d’humilité qui caractérise son style personnel.
Les Français ont en effet assez vite compris que la doctrine contre-intuitive défendue par l’exécutif sur le port du masque s’expliquait uniquement par l’absence de stocks. Au lieu de reconnaître en faisant amende honorable, Emmanuel Macron a couvert une doctrine très contestable et très contestée appelant les Français à rester chez eux pour éviter la contamination, mais affirmant qu’une fois dehors, ils n’avaient pas besoin de se masquer.
Assez curieusement, Édouard Philippe ne semble pas subir le contre-coup de ce mensonge généralisé. Il peut s’en féliciter, car il n’est pas loin d’avoir lui-même professé les mêmes mensonges. Mais il a su le faire oublier…
Philippe rassure là où Macron inquiète
Dans la pratique, la différence entre les deux hommes se fait donc essentiellement sur des questions de style personnel. Macron apparaît de plus en plus comme un enfant turbulent qui a besoin d’attirer l’attention sur lui. Philippe, au contraire, a su changer de ton durant le confinement, prendre des allures plus humbles, mieux à l’écoute, et rassurer son auditoire.
Savoir rassurer… voilà une capacité d’Édouard Philippe qui fit cruellement défaut au Président. Macron fonctionne dans une logique de clivage, de provocation et de confrontation. Philippe sait arrondir les angles et manifester une forme d’empathie qui lui donne incontestablement plus d’autorité.
La différence entre les deux hommes se fait probablement sur ce critère. Il n’est pas sûr que, avec un adversaire plus "costaud" qu’Emmanuel Macron, Philippe ferait autant illusion. Mais la comparaison entre les deux hommes est si peu flatteuse pour Emmanuel Macron que les qualités du Premier Ministre en sont automatiquement augmentées.
Les risques de "virer" Philippe pour Macron
Face à ce différentiel de popularité qui se creuse, Emmanuel Macron, dit-on, a la tentation de répudier son Premier Ministre et de mettre en place un gouvernement d’union nationale (entendez par là avec une présence renforcée d’hommes ou de femmes de droite). On parle de François Bayrou, de Jean-Yves Le Drian ou de Gérald Darmanin pour conduire cette fine équipe.
Dans cette hypothèse, Édouard Philippe entamerait une nouvelle étape de son parcours politique, sur les contours duquel il a eu le bon goût et l’intelligence de rester discret jusqu’ici. Ce mystère est un élément perturbant pour Emmanuel Macron, qui ne peut ignorer qu’un départ en l’état de Matignon ne ferait que renforcer la popularité d’un rival potentiel. Et livré à lui-même, Édouard Philippe serait sans doute assez crédible pour rassembler plus largement à droite qu’Emmanuel Macron ne peut espérer le faire.
D’une certaine façon, le passage de Philippe à Matignon a fait de lui un candidat plausible pour la droite en 2022, ce qui ne manquerait pas de gêner une candidature de Macron… sauf à ce que le Président opère un puissant virage sur sa gauche.
L’impossible maintien à Matignon
Dans le même temps, il paraît compliqué de maintenir Édouard Philippe à Matignon jusqu’à la fin du quinquennat. En l’état, son bilan est impopulaire et les choix que le Premier Ministre impose systématiquement en politique intérieure risquent de mettre le Président en porte-à-faux.
On se souvient notamment de la stratégie du Premier Ministre dans l’affaire des retraites, qui est allée ouvertement à l’encontre des demandes de la CFDT et a ainsi créé un front syndical qui a épuisé les Français. Si l’opinion semble avoir oublié cet épisode, on comprend que, sur le plan intérieur, le projet gouvernemental est usé et qu’il faut désormais passer à autre chose. D’où l’annonce d’un grand discours de 14 juillet d’Emmanuel Macron, qui pourrait comporter le virage politique vers la gauche que beaucoup attendent, et pour lequel Édouard Philippe ne sera pas qualifié.
Mais si ce virage est trop timoré… Édouard Philippe continuera à coller aux basques de la nouvelle équipe, qui plus est avec des défections au Parlement qui risquent de retarder le travail gouvernemental.
Un dilemme compliqué pour une fin de mandat chahutée
Pour Emmanuel Macron, la situation est donc compliquée, et le choix auquel il doit procéder relève désormais du pari. Pile, il garde Édouard Philippe, mais l’absence de projet politique répondant aux aspirations des Français le mènera inévitablement à la déroute en 2022. Face, il remplace Édouard Philippe et lance un nouveau projet, mais il crée un opposant redoutable à qui il aura ouvert la voie pour 2022.
Macron appliquera sans doute le dicton : de deux maux, choisissons le moindre. Mais il y a là un pari très incertain…