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Au cœur de l'actualité ces derniers jours, avec ses déclarations sur les arrêts maladies "irresponsables", Laurent Wauquiez a répondu à toutes nos questions : crise, travail, sécurité sociale, élection présidentielle, vie politique, bilans et projets… Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche s'est livré sur tous ces thèmes à Planet.fr.
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Planet.fr : Revenons d’abord un peu sur votre parcours : quel bilan tirez-vous de votre passage aux Affaires européennes (de novembre 2010 à juin 2011) ?

Laurent Wauquiez : Je me suis notamment battu pour que l’Europe cesse de faire preuve de naïveté  vis-à-vis du libre-échange et de la mondialisation. Ma conviction, c’est que nous devons donner la priorité à l’industrie européenne et la défendre face aux attaques déloyales. J’ai essayé de convaincre nos partenaires et les choses ont commencé à bouger : en juin dernier, pour la première fois, la Commission a imposé des droits de douane à des produits chinois subventionnés illégalement. Nous avons besoin d’une Europe forte, d’une Europe plus simple aussi, c’était une autre de mes priorités, que de rendre l’Europe au plus proche des citoyens, plus claire et lisible.
Par ailleurs, j’ai essayé de réconcilier l’Union européenne avec son identité et ses racines. C’était le sens de ma réaction lorsque la Commission a publié un calendrier des fêtes religieuses, oubliant les fêtes chrétiennes. On ne construira pas d’Europe forte sans assumer son histoire.

Vous avez également été, durant deux ans,  Secrétaire d'État chargé de l'Emploi (de mars 2008 à novembre 2010). On a l’impression aujourd’hui que les grosses entreprises licencient encore à tour de bras et que la crise perdure plus que jamais. Quel est votre sentiment sur cette situation ?
Nous traversons la crise mondiale la plus grave depuis la crise de 1929. Il est très difficile de créer de l’emploi quand la croissance n’est pas au rendez-vous. Le point essentiel est de tout faire pour ne pas casser les perspectives de croissance. C’est le choix qu’a fait le gouvernement en réduisant les dépenses publiques et en préservant le pouvoir d’achat et la consommation. C’est à l’opposé de ce qui se passe chez certains de nos voisins où les salaires ont été baissés, ce qui entraîne mécaniquement moins de pouvoir d'achat, moins de consommation, et donc moins d'emploi.
 
 
En tant que ministre de l’Enseignement supérieur (depuis juin 2011), comment s’est passée votre première rentrée universitaire ?
Cette rentrée a été celle de la concrétisation du changement en cours dans l’enseignement supérieur depuis 2007. Des réformes extrêmement ambitieuses comme l’autonomie ou l’arrêté licence ont été lancées, et sont aujourd’hui sur la bonne voie. Ainsi, au 1er janvier 2012, l’ensemble des universités françaises auront accédées à l’autonomie. Parallèlement, cette rentrée a été pour moi l’occasion de m’attaquer à un autre chantier, l’amélioration des conditions de vie étudiantes, élément essentiel de la réussite des étudiants. Par exemple, nous avons mis en place le versement d’un dixième mois de bourse dès le mois de septembre, j’ai également lancé le passeport étudiant pour faciliter l’accession au logement des étudiants. Enfin, dernière opération à laquelle je tenais beaucoup, l’offre de tablettes étudiantes à moins de un euro par jour pour les étudiants. De véritables progrès ont été réalisés pour améliorer les conditions d’études de nos étudiants, et je veillerai à ce que cela continue.
 
Quelles sont aujourd’hui vos grandes priorités pour la recherche ?
C’est une des priorités du gouvernement qui a décidé de consacrer 22 milliards d’euros à l’enseignement supérieur et à la recherche, avec le formidable levier des investissements d’avenir. C’est aujourd’hui notre meilleure arme anticrise. Au plus fort de la crise, le choix politique qui a été fait a été d’accompagner et de favoriser la recherche et l’innovation. C’est un signe politique fort. Grâce à nos programmes IDEX, LABEX, Equipex (appels à projets pour les programmes d’équipement, recherche et formation des universités ndlr), nous redonnons du dynamisme à la recherche française.

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"nous avons la volonté de secouer la poussière"


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Vous avez récemment déclaré qu’être payé quand on est malade "n’est pas très responsabilisant ". Beaucoup de Français pourraient vous rétorquer que ce n’est pas très responsable de parler ainsi pour un politique. Vous vous rendez compte que cela puisse choquer ? Est-ce une manière de vous positionner en nouveau porte-flingues de l’UMP ?
Sur ce point, ce que j’ai voulu dire est que quand on est malade, il est normal d’avoir un arrêt maladie, quand on n’est pas malade, c’est anormal, et c’est tout le système qui en pâtit. Il en va de la responsabilité de tous. Je reconnais que les propositions de la Droite sociale (son club de réflexion ndlr)  sont peu consensuelles car nous avons la volonté de secouer la poussière et de participer au débat d’idées dans l’optique de l’élection présidentielle. Ces propos ont vocation à favoriser la prise de conscience que la solidarité nationale n’est pas un chèque en blanc. Bien sûr, elle doit aider les personnes en difficulté, et nous y sommes très attachés. Mais ce n’est pas un droit sans contrepartie, et en abuser la détruit à petit feu. La Droite sociale souhaite porter des propositions nouvelles, et je remarque que non seulement nos sympathisants, mais également de nombreux sympathisants de gauche, comme l’ont montré les enquêtes d’opinions y sont sensibles.
 
Vous avez été le premier à lancer l’idée d’un travail minimum pour les bénéficiaires du RSA, ce qui avait vivement fait réagir à l’époque. Or l’idée vient d’être officiellement reprise par Nicolas Sarkozy...
Lorsque nous avons proposé d’introduire des contreparties au RSA, et que tout le village parisien m’est tombé dessus, bien peu pensaient alors que la grande majorité de nos concitoyens approuverait cette proposition.
La question n’était pas de stigmatiser une partie de la population, mais de revenir sur la politique qui a laissé s’instaurer ces dérives de l’assistanat et de mener une réflexion sur les notions de droits et devoir au sein de la société. Je pense aussi qu’il faut rendre au travail sa valeur : exiger de ceux qui bénéficient de la société qu’ils lui en rendent un peu n’est pas exagéré. Si tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail. Je ne peux que me réjouir que cette idée vienne d’être reprise officiellement.
 
Parlons des présidentielles : Nicolas Sarkozy est-il encore aujourd’hui, selon vous, le mieux placé pour remporter la prochaine présidentielle ?
Nicolas Sarkozy a fait preuve tout au long de son mandat de courage et de volontarisme politique. Dans un contexte difficile, et à la veille d’un scrutin important pour les Français, il démontre qu’il est l’homme de la situation. On le voit notamment à l’international, que ce soit pendant la présidence de l’Union Européenne en 2008 et la présidence du G20 cette année. Nicolas Sarkozy a également toujours su garder un lien particulier avec les Français, et reste très à l’écoute  de leur demande de protection et de justice. Malgré la crise, le cap des réformes –dont l’actualité montre tous les jours la nécessité- a toujours été tenu et je pense que les Français sauront le reconnaître au moment de mettre leur bulletin dans les urnes.

"François Hollande nous ressort de vieilles recettes déjà éprouvées"

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Son premier adversaire, François Hollande, est-il selon vous un bon candidat pour le PS ?
La primaire du PS a été sur la forme un bel exercice de démocratie. Mais sur le fond des propositions, je ne vois aucune idée neuve, et François Hollande nous ressort de vieilles recettes du PS déjà éprouvées par François Mitterrand ou Lionel Jospin. Le programmes du PS, c’est toujours plus de dépenses publiques, plus d’impôts, ce qui a amené le pays dans le mur. Je ne vois aucune proposition à la hauteur des défis que nous allons devoir relever. Pour n’en retenir qu’une, celle de créer 60.000 postes de fonctionnaires sur 5 ans cela représente 100 milliards de dépenses supplémentaires. Cela me paraît complètement irresponsable compte-tenu du contexte actuel.
 
Cela n’aurait-il pas mieux valu d’organiser aussi des Primaires pour la droite ?
Pourquoi pas en 2017 car cela nous permet d’avoir des débats d’idées, et c’est cela qui m’intéresse. Mais pour nous en 2012, le sujet ne se pose pas. On a un Président qui est un Président en exercice, il a la légitimité de se représenter, et c’est celui qu’on soutient. Et évidemment, je souhaite tout faire pour permettre à Nicolas Sarkozy, s’il est candidat, d’être réélu car ce sera une élection clé pour notre pays.
 
Beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que la campagne de 2012 sera plus "sanglante" que jamais entre les candidats. La politique d’aujourd’hui évolue-t-elle dans ce sens selon vous ? Les coups bas sont-ils de plus en plus présents ?
Les élections présidentielles sont traditionnellement un moment où se cristallisent les tensions politiques. Lorsque de surcroît elle intervient dans un contexte de crise internationale historique s’y ajoute une angoisse qui alimente les tensions et qui est susceptible d’être instrumentalisée de façon démagogique par les partis, notamment les plus extrêmes. Notre parti pris avec la Droite sociale sera de nous positionner sur le fond, en participant à la campagne en proposant des idées nouvelles qui répondent aux attentes des Français, et non pas en tombant dans les anathèmes et attaques personnelles que l’on constate malheureusement trop souvent.
 
Parlez-nous justement un peu plus de votre club de réflexion, la Droite sociale…
Notre groupe qui rassemble des parlementaires de divers horizons (gaullistes, démocrates-chrétiens, centristes) a pour priorité de remettre les classes moyennes, les grandes perdantes des 20 dernières années, au centre de nos politiques publiques. Nous pensons que pour que notre système continue à fonctionner, les efforts consentis par chaque individu doivent être proportionnellement et équitablement répartis, c’est une question de justice sociale. Je suis très attaché à notre modèle, mais je pense aussi que si on souhaite le voir perdurer, il faut le reformer. Nos propositions mettent en exergue la place centrale qu’elles doivent retrouver dans le débat et l’action publique. Cette réflexion a naturellement vocation à irriguer le projet de l’UMP pour les présidentielles.

"Le prochain quinquennat devra être celui des classes moyennes"

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Qui sont exactement ces fameuses "classes moyennes" que vous souhaitez défendre, et pourquoi ? N’est-ce pas là plutôt un enjeu électoral ?
Les classes moyennes ? Ce sont des gens qui vivent de leur travail, qui espèrent devenir propriétaire, et qui ont envie que leurs enfants puissent progresser par rapport à eux. Ce sont les foyers qui ont un revenu compris entre 1500 et 5000 euros par mois, et représentent 70% de la population. Et depuis 20 ans, ces mêmes classes moyennes sont les grandes oubliées de la croissance et sont la seule catégorie sociale qui a reculé dans le partage des richesses nationales, alors que les plus riches se sont enrichis avec la mondialisation, et les plus pauvres ont bénéficié d’un renforcement considérable des transferts sociaux, avec la CMU ou le RSA.
Il s’agit d’une conviction profonde. Je suis persuadé que les classes moyennes sont la clé de voûte de notre contrat social républicain. C’est pour cela que je soutiens que le prochain quinquennat devra être celui des classes moyennes.
 

A 36 ans, vous menez depuis longtemps déjà une brillante carrière, après avoir fait l’ENA, normale Sup... Vous ne vous sentez pas un pur produit de l’oligarchie française, assez éloigné de ces classes moyennes justement ?
Vous oubliez que je suis passé par la fac de droit et d’histoire ! J’ai eu la chance d’avoir un double parcours, à l‘université et au sein des grandes écoles, et de rencontrer des enseignants  exceptionnels qui m’ont transmis leur engagement républicain et la conviction que l’enseignement supérieur doit rester le premier moteur de l’ascenseur social. Votre question est révélatrice de l’importance démesurée que l’on accorde en France au parcours scolaire. Ma vie ne se résume pas à ces quelques années. Je suis depuis plusieurs années élu local de Haute-Loire, je suis sur le terrain à l’écoute des difficultés rencontrées par les Français, notamment les classes moyennes. Je décris d’ailleurs dans mon livre les situations concrètes de nombre d’entre elles pour que l’on puisse entendre ce qu’elles ont à dire.

Arnaud Montebourg souhaite rajeunir la classe politique. En tant que  jeune élu, qu’en pensez-vous ?
Arnaud Montebourg a mis le doigt sur un vrai sujet, mais comme d’habitude de façon assez démagogique. Je pense en effet que la classe politique souffre d’un vrai manque de renouvellement. Ce sont quasiment les mêmes depuis vingt ans ! Or toute une partie des jeunes générations aspire à une rupture avec les pratiques anciennes afin de renouer le fil de la confiance entre la politique et les citoyens. Cela peut passer par un discours plus simple et pragmatique, par un exercice de l’Etat plus modeste sur le modèle des pays nordiques… Mais depuis quelques années nous avançons progressivement dans cette direction et les pratiques sont en train de changer.
 
Vous vous voyez finir à L’Elysée ou Matignon vers quel âge ?
Sincèrement, je vous assure qu’on peut faire de la politique sans être obsédé par l’étape suivante.

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