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Les signaux sont au vert pour l'ouverture de la PMA après l'avis positif du CCNE. Pourtant la mesure n'est pas dénuée d'enjeux politiques. 
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Emmanuel Macron face aux enjeux politiques de la PMA

Emmanuel Macron saura-t-il éviter les écueils de François Hollande en 2013 ? Cinq ans après le vote du mariage pour tous, c’est l’élargissement de l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples lesbiens et aux femmes célibataires qui revient sur le devant de la scène. Le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) a rendu ce mardi un avis favorable à l’élargissement de ce droit et un projet de loi sera étudié dès le début de l’année 2019 au parlement.

Les signaux sont-ils tous au vert pour appliquer la promesse de campagne d’Emmanuel Macron, alors que les Français y sont favorables comme le démontrent la grande majorité des sondages (BVA et Ifop) ? Dans l’ensemble, oui, mais sur le plan politique, l’adoption du projet de loi sur la PMA pourrait ne pas être aussi simple. A commencer par la majorité.

Des frileux en petit nombre à l’Assemblée nationale et au gouvernement

Au sein des parlementaires La République en marche subsiste une petite hétérogénéité sur la question. A rebours du courant majoritaire par exemple, Agnès Thill. Cette députée de l’Oise a récemment fait parler d’elle avec des propos dérangeants, mêlant PMA et ‘’hermaphrodisme’’. Sur Twitter, elle "like" des messages provenant de comptes très hostiles au projet de loi ou liés à La Manif pour tous. Une petite dizaine de parlementaires au total seraient en questionnement sur le projet de loi.

Au gouvernement, plusieurs ministres n’ont pas caché, dans le passé, leur hostilité à un tel élargissement de ce droit. A commencer par le premier d’entre eux. Edouard Philippe avait même cosigné une tribune contre. Gérald Darmanin et Bruno Le Maire également se sont montrés hostiles à cette ouverture.

Peuvent-ils être une épine dans le pied du projet de loi ? En ces temps de disette de popularité et après la séquence Gérard Collomb, il est probable que les écarts individuels soient particulièrement mal perçus. Quant à Edouard Philippe, sa déclaration sur le plateau de l’Emission politique jeudi soir est plutôt claire : "J’y suis, à titre personnel, plutôt favorable et je pense qu’on peut y aller". Prière de suivre le mouvement.

Dans la rue : 2018 comme en 2013 ?

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C’est dans la douleur que le quinquennat de François Hollande a accouché du mariage pour tous en 2013. En raison notamment de la mobilisation de La Manif pour tous. Et il ne faut pas s’y tromper, en 2018 le mouvement reste mobilisé. Dès mardi, des membres de l’organisation sont allés manifester devant le CCNE, avec en tête la présidente du mouvement, Ludovine de La Rochère.

Une réaction rapide. Mais nombreuse ? "En 2013, La Manif pour tous a su mobiliser dans un contexte très spécifique. Est-ce qu’ils ont aujourd’hui les moyens d’un mouvement de grande ampleur, difficile à dire. Il reste un noyau, c’est certain, mais il faudrait certains paramètres pour déclencher ce qu’il s’est passé en 2013", juge Sylvain Brouard, directeur de recherche au Cevipof Science-Po.

L’auteur d’une note remarquée en 2017 sur les liens entre intentions de votes (Cevipof) et orientation sexuelle estime par ailleurs que du côté des pros, il y a également une mobilisation plus forte. "Dans les soutiens de cette mesure, il y a des effets de relais et de mobilisation au sein de La République en marche", ajoute Sylvain Brouard.

Des enjeux électoraux ?

Lors de sa campagne, Emmanuel Macron s’était dit personnellement pour l’élargissement de l’accès à la PMA à toutes les femmes mais avait joué la carte du "en même temps". Souhaitant un débat "apaisé", le candidat d’alors avait notamment conditionné sa décision politique aux Etats généraux de la bioéthique et à l’avis du CCNE. A ces consultation, s’ajoute le fait que le projet devrait être porté par Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, et non par la ministre de la Justice comme ce fut le cas en 2013 avec le mariage pour tous. 

Des éléments "d’apaisement" qui n’écartent cependant pas les enjeux électoraux à court et long terme résume Sylvain Broaurd : "Sur le long terme, quand il fera son bilan après cinq ans, Emmanuel Macron aura besoin de marqueurs de gauche. La PMA en est un. Surtout, elle s’inscrit parfaitement dans le projet de transformation d’inspiration libéral d’Emmanuel Macron. A court terme, il risque de perdre certains électeurs de droite catholique, ou des personnes âgées".

Un risque dès lors pour les Européennes de 2019 ? Il sera difficile d’évaluer l’impact du débat sur la PMA dans le scrutin. "Les Européennes sont toujours une élection où le pouvoir en place fait des mauvais scores et la PMA ne poussera pas les gens à voter Les Républicains non plus. Si effet il doit y avoir, en revanche il ne sera pas positif", analyse Sylvain Brouard.