Destitution d'Emmanuel Macron : une telle procédure est-elle envisageable ?©Pool/ABACAabacapress
Alors que la colère sociale gronde toujours à travers le pays, certains cercles de Français opposés au président de la République réclame la destitution d'Emmanuel Macron en vertu de l'article 68 de la Constitution. Mais une telle procédure pourrait-elle vraiment aboutir dans ces conditions ?
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La crise sociale et politique s’enlise. Le Covid-19, la guerre en Ukraine, l’inflation puis une réforme des retraites qui brille par son impopularité… Tous les éléments étaient réunis. En utilisant l’article 49-3 de la Constitution et en engageant la responsabilité de son gouvernement sur un texte aussi controversé, Elisabeth Borne a comme jeté une allumette sur une botte de foin qui n’en demandait pas plus pour s’embraser.

Depuis cet événement, une partie du peuple ne décolère pas et, du nord au sud, une phrase résonne dans les rues : "Macron démission". Seulement, une telle option ne semble pas se profiler dans les plans du chef de l’Etat. Face à cela, certains français clament le recours à une procédure bien particulière de la Constitution de la Ve République, l’article 68, visant à destituer le président de la République.

Destitution d’Emmanuel Macron : ce que dit l’article 68 de la Constitution

Ces revendications trouvent des échos à l’extrême droite de l’échiquier politique, dans la bouche du député de l’Essonne et ancien candidat Debout la France à l’élection présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan. "La France est trop fragile pour continuer à avoir tant d'inégalités, tant d'injustices, tant de gaspillages financiers, il faut mettre une pause et repartir sur des bases saines, sinon on ne pourra pas tenir quatre ans. Moi, j'engagerais la destitution de cet homme dangereux", a-t-il ainsi déclaré au micro d’Europe 1 le 6 avril 2023.

Mais dans les faits, une telle procédure aurait-elle des chances d’aboutir ? C’est donc l’article 68 de la Constitution qui l’encadrent, il dispose :

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Le président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat.

Certains internautes arguent sur les réseaux sociaux que la réforme des retraites, la hausse du prix de l’énergie ou encore la soi-disant "dépression" d’Emmanuel Macron (comme l’a affirmé le président de l’UPR François Asselineau) sont des manquements suffisants. Mais la réalité est bien plus complexe.

Destitution d’Emmanuel Macron : un scénario plausible ?

Si la formule de l’article 68 de la Constitution reste floue, Didier Maus, membre de la commission Avril, qui a inspiré la révision constitutionnelle de 2007, explique dans les colonnes de Libération  qu’il "n'est pas question ici de juger la politique menée par un Président mais d'apprécier son rôle comme gardien de la Constitution".

"Toute la difficulté de ce genre de catégorie juridique, c’est qu’il n’y a pas de liste préétablie. Il faut, à un moment, considérer qu’on est face à un manquement incompatible avec l’exercice des fonctions", ajoute Jean-Eric Gicquel, professeur de droit constitutionnel et parlementaire à l’université Rennes-1 à 20 Minutes.

Depuis la révision constitutionnelle de 2007, une procédure de destitution a été proposée une seule fois, en 2016, contre François Hollande. A l’époque, les députés LR à l’origine de la destitution reprochaient au chef de l’Etat des confidences qu’il avait faites à des journalistes relevant de la "défense nationale".

Mais la demande avait finalement été rejetée par le bureau de l’Assemblée nationale qui l'estimait irrecevable, "ne justifiant pas des motifs susceptibles de caractériser un manquement".  Une procédure de cette envergure est volontairement complexe et doit passer par plusieurs étapes avant d’être validée.

Procédure de destitution : quel chemin doit-elle suivre ?

Pour qu’une procédure de destitution soit menée à son terme, une proposition de réunion du Parlement en Haute Cour doit tout d’abord être déposée par au moins 58 députés. Elle est ensuite étudiée par le bureau de l’Assemblée nationale qui statue sur sa recevabilité, passer devant la commission des lois et enfin être portée devant le vote des députés puis des sénateurs.

Si elle est adoptée à la majorité des deux tiers, le Parlement est alors réuni en Haute Cour, présidé par le président de l’Assemblée nationale. Le président de la République peut alors être entendu devant la Haute Cour et un vote à bulletins secrets est ensuite organisé. Si les deux tiers des membres sont favorables, le chef de l’Etat est alors destitué.

Un scénario qui semble donc très peu probable dans la situation actuelle.