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Ancien rapporteur général du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, François Ecalle est économiste, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes. Il est aussi ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, ancien membre de l’Autorité de la statistique publique et est désormais chargé d’un cours de politique économique à l’université Paris I. Il est aussi président de l’association Fipeco.
Planet : Emmanuel Macron l'a dit : il entend conditionner l'accès au RSA à de nombreuses heures de travaux de réinsertion et pourrait exiger davantage de contrôle sur les populations en quête d'emploi. La réforme qu'il prévoit est-elle juste socialement et politiquement parlant ?
François Ecalle : Rappelons d’abord que depuis la création du RMI - Revenu minimum d’insertion - par Michel Rocard, de telles prestations ont théoriquement toujours été conditionnées à l’engagement d’efforts d'insertion. Le mot est même compris dans le titre de l’allocation en question, qui est aujourd’hui devenu le RSA, pour Revenu de solidarité active. Ces efforts d’insertion peuvent d’ailleurs prendre une forme variée : dans certains cas, il s’agit de formations, dans d’autres de travaux d’intérêt général, par exemple. En pratique, cela fait bien trente ans que nous avons arrêté de demander des gages aux bénéficiaires de ces allocations. Emmanuel Macron ne fait donc que rappeler l’existence de ces dispositifs, à mon sens.
Du reste, pour répondre à la question de la justice sociale, oui, il me semble légitime de conditionner l’obtention de certaines prestations à des travaux d’intérêts généraux. D’abord, c’est quelque chose de possible à mettre en œuvre. Ensuite, c’est même utile aux Françaises et aux Français qui en bénéficient déjà. Il ne faut pas perdre de vue que de tels dispositifs existent d’ores et déjà sous des appellations variées. Dans tous les cas, c’est un vrai bonus pour l’employabilité des travailleurs.
Chômage : “Les contrôles ne mènent nulle part”
Ceci étant dit, il ne m’apparaît pas pertinent d’aller beaucoup loin et de conditionner l’accès aux allocations chômage à l’exercice de telles missions. L’allocation chômage, par définition, est composée de deux parties. L’une est temporaire et versée par l’Unedic. Elle correspond aux droits acquis par les travailleurs à force de cotisations. Quand ces derniers sont intégralement liquidés, c’est l'allocation de solidarité spécifique qui prend le relais, que l’on pourrait elle conditionner comme le RSA.
Les versements de l’Unedic font aujourd’hui l’objet de nombreux contrôles qui ne mènent nulle part. Il serait plus efficace, me semble-t-il, de créer des incitations au travail à l’aide d’un mécanisme de dégressivité progressive de ces versements.
“Inciter les gens, conditionner l’accès au RSA, c’est efficace”
Planet : Que dire, enfin, de l'efficience de mesure de conditionnements ou de dégressivité, sur le plan économique ? De telles réformes pourraient-elles s'avérer efficaces pour réduire le taux de chômage ?
François Ecalle : Inciter les gens à travers la dégressivité de leurs allocations chômage, c’est mécaniquement les contraindre à chercher et retrouver un emploi. En outre, le fait de conditionner l’accès au RSA à des gages de réinsertion - ou, à tout le moins, d’effort en ce sens - ne peut qu’améliorer la situation des travailleurs. C’est une façon de leur mettre ou de leur remettre le pied à l’étrier.
Ceci étant dit, nous disposons de peu d’études empiriques sur la question. Ces dernières portent souvent sur l’évaluation des emplois jeunes, ou des emplois aidés par exemple. Régulièrement, elles mettent en lumière le fait que de tels dispositifs sont plus efficaces quand les emplois en question sont exercés dans le privé. Le public fait l’objet d’une stigmatisation plus forte et emploie peut-être moins bien…
Chômage : “Nous sommes passés dans un régime de l’offre”
Planet : Une politique de l’offre, en matière de chômage, est-elle pertinente dans le contexte actuel ? A qui Emmanuel Macron s’adresse-t-il, selon vous ?
François Ecalle : Influencer le taux de chômage peut se faire de deux façons différentes. Il y a effectivement une part qui relève de la demande. Quand le taux de chômage est élevé et que les demandeurs d’emploi peinent à retrouver un travail, il y a souvent un déficit de demande. Auquel cas, il est pertinent de s’engager dans une politique budgétaire expansive. En revanche, quand le chômage baisse et que ce sont les employeurs qui peinent à recruter comme c’est le cas aujourd’hui, cela signifie que nous sommes passés dans un régime d’offre. Il faut alors inciter les gens à retourner travailler. Depuis la fin de l’année 2021, c’est notre cas. Une telle politique s’avèrerait donc utile.
Du reste, il est difficile de dire à qui Emmanuel Macron cherche à parler : ce type de discours est traditionnellement entendu à la droite de l’Assemblée nationale… mais il ne faut pas oublier qu’il y a un peu de la gauche dans l’idée de l’insertion. Après tout, c’est elle qui a créé le RMI.