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Peut-on être expulsé même si l’on paie mensuellement son loyer ? A priori, lorsque le locataire ne nuit pas aux autres occupants, nombreux seraient tentés de répondre par la négative. Pourtant, cette situation aberrante est arrivée à Carmela Aresu. Cette femme âgée de 82 ans, qui habitait depuis plusieurs décennies dans une maison isolée vers la gare de la Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône, s’est vu chasser de son logement le 13 juillet dernier. "Vers 10 heures du matin, alors que je m’apprêtais à partir de chez moi, un agent des forces de l’ordre s’est interposé devant ma voiture en m’ordonnant très rigoureusement de couper le moteur et de sortir du véhicule. Surprise du ton emprunté, je me suis exécutée", nous confie la retraitée.
"Inquiète et apeurée par cette intervention brutale menée par 8 policiers vêtus de gilets pare-balle, j’ai tout de suite souhaité appeler ma fille, afin de la prévenir. Or, on me l’a formellement empêché", déplore-t-elle.
Expulsion locative : "On m’a traitée telle une criminelle !"
"On m’a arraché rapidement mon téléphone et une agente des forces de l’ordre a pratiqué une fouille au corps sur ma personne. Je n’étais pourtant vêtue que d’un débardeur, d’une jupe et de sandales. L’équipe de policiers m’a alors dirigée devant ma maison et des camions sont entrés dans le jardin, ainsi que des pompiers. Un huissier les a accompagnés afin de procéder au déménagement de toutes mes affaires, meubles, etc", nous raconte-t-elle, encore chamboulée.
"Présente sur les lieux, il m’a catégoriquement été interdit de pénétrer chez moi. Je n’ai donc pu ni récupérer quelques affaires personnelles, ni mes médicaments, ni même mon chat, âgé de 11 ans. On m’a traitée telle une criminelle !"
J’ai dû rester en extérieur sur une chaise par 30° à l’ombre toute la journée, sans pouvoir intervenir. Durant ces périodes de fortes chaleurs, j’ai pour habitude de m’allonger, au frais, à l’intérieur. Cette journée a donc été extrêmement épuisante pour moi, autant physiquement que mentalement. Je ne m’en suis pas encore remise", avoue-t-elle la voix tremblante.
"A ce jour, je n’ai pas encore pu récupérer mes documents administratifs, chéquier et remèdes. Ma fille, sans nouvelles de ma part, est arrivée sur les lieux et s’est rendu compte de la violence des faits. Elle non plus, n’a pas été autorisée à rentrer chez moi. Elle a donc dû, le soir, passer à la pharmacie, pour récupérer tous les médicaments dont j’avais besoin. Je n’ai jamais subi une situation d’une telle violence, et je ne le souhaite à personne. Heureusement, mon chat a été retrouvé en fin de journée par l’huissier. J’ai été relogée en urgence dans un appart hôtel, en attendant de trouver une solution et l’ensemble de mes effets personnels a été placé dans un garde-meuble", indique Mme Aresu.
Quelle peut bien être la raison de cette expulsion, puisqu’elle n’est pas due à des impayés de loyers ? Le début de cette affaire, compliquée, remonte à plus d’une vingtaine d’années. Explications.
Expulsée sans impayés de loyer : une enquête sociale ouverte depuis longtemps
Comme l’indique le médiateur de l’affaire dans un courrier adressé à la préfecture des Bouches-du-Rhône que nous avons pu consulter, tout commence en 1974. Carmela et son défunt mari Gilbert Aresu achètent à cette époque un fonds de commerce, comprenant une usine d’articles de pêche, une habitation, un garage, un cabanon, d’une superficie totale de 2 200 m2. Disposant d’un bail tout commerce, le couple décide en 1982 de créer le restaurant/pizzeria Les Grands Pins, dans lequel Gilbert, chanteur et musicien, organise des petits concerts. Les affaires sont florissantes, jusqu’en 1996.
"Frappé par une rupture d’anévrisme, M. Aresu échappe à la mort, mais restera aphasique. Son état ne lui permet plus d’exploiter le restaurant. M. et Mme Aresu décident donc de le mettre en gérance", note le médiateur dans son courrier.
"Nous l’avons légué à deux jeunes courageux et ambitieux, sans demander la moindre caution, ni garantie, afin de leur donner leur chance. C’est notre plus grande erreur", assure de son côté la retraitée de 82 ans. Car, sans en parler au couple, les deux jeunes gens parviennent à racheter les murs de la pizzeria par le biais d’une tierce personne, fondé de pouvoir du couple propriétaire, alors âgé et richissime. Les jeunes entrepreneurs à qui ils ont voulu tendre la main deviennent ainsi leurs nouveaux bailleurs. Pourtant, l’acquisition des murs aurait dû leur être proposé en premier lieu, offre qu’ils auraient acceptée.
Les restaurateurs nouveaux bailleurs quittent alors la gérance du restaurant, "et enclenche une guerre sans précédent contre M. et Mme Aresu". L’un d’eux souhaite en effet "récupérer le fonds de commerce sans les dédommager et refusera toutes négociations", stipule le médiateur. Il souhaite en réalité réaliser un projet immobilier sur la totalité de la propriété et entend donc faire expulser le couple. Une décision de justice le lui permettra en 2008, pour "violations d’obligations contractuelles". Le Tribunal de Grande Instance de Marseille estime qu’en lui donnant le fonds de commerce en location gérance et en lui sous-louant un des bâtiments, le couple Aresu a, en 1982, commis une faute.
Au regard de l’illogisme du dossier, l’expulsion n’avait jusqu’ici, pas été mise en exécution. Carmela Aresu continue de se battre seule, depuis le décès de son mari survenu en mars 2009. Avec l’aide de sa fille unique, elle a mis tout en œuvre "pour éviter son expulsion, et la perte de son patrimoine. Son nouveau propriétaire a continué son combat, qui est de rendre SDF Mme Aresu, pour satisfaire ses ambitions démesurées de projets immobiliers", détaille le médiateur. Jusqu’à ce 13 juillet dernier,"toutes les parties, CCAS, police, huissiers, travailleurs sociaux, se sont accordés pour louer la bonne foi et le combat que mène Mme Aresu", ajoute-t-il.
De son côté, celui qui souhaitait rendre caduque le bail locatif, a continué à encaisser les loyers, sans remettre une seule quittance à la locataire. Malgré ses faibles revenus à la retraite, elle n’a donc jamais pu effectuer de demande pour bénéficier des aides au logement. Son avocate, Véronique Truong, a déposé une plainte pour "faux en écriture publique, violation de domicile et délit d’atteinte à une liberté publique par personne ayant autorité ou en charge d’une mission de service public, complicité et recel". Voici pourquoi.
Expulsion locative : décision de justice prescrite et documents manquants
Dans un courrier adressé au Procureur de la République que nous avons pu consulter, Me Véronique Truong, avocate aux barreaux de Paris, affirme que :
- "Pour procéder à cette pseudo mesure", le bailleur "fait état d’une décision rendue le 25 novembre 2008", soit vieille de plus de dix ans. "Elle est donc prescrite."
- Le bailleur a accepté le règlement de tous les loyers, "en dépit de la résiliation judiciaire du bail, intervenue il y a plus de dix ans."
- Le procès verbal n’a été signé par aucuns des intervenants : le nom de l’huissier n’apparaît pas, ni l’identité du commissaire de police supposé être intervenu, "ce qui rend l’ensemble plus que douteux et ne permet pas d’authentifier la présence de ce fonctionnaire (…). Tout indique que Mme Aresu a été maltraitée par des nervis décidés à ne pas répondre de leurs actes", note le conseil.
- "La fouille au corps intervenue en dehors de tout contexte pénal, la confiscation du téléphone, et le refus de laisser à Madame Carmela Aresu ses médicaments et ses effets personnels, outrepassent toutes les limites admises dans une société démocratique", déplore l’avocate. Selon elle, la retraitée de 82 ans a "été victime d’un détournement des voies légales en actes attentatoires à sa liberté individuelle pour la seule préservation des intérêts économiques d’une personne privée qui a réussi à dévoyer la procédure d’expulsion en pur simulacre".
Pis, "l’huissier m’a confirmé durant la journée d’expulsion que le bailleur prenait en charge ce déménagement ainsi que les frais de garde-meuble pour une durée de trois mois. Or, ma fille m’a confié que l’huissier l’a appelé en "appel masqué" sur son portable le 5 août dernier en lui demandant de régler la somme de 9 800 €, car ses clients, pour lesquels il exécutait l’expulsion, ne souhaitaient pas régler. C’est un comble ! Il l'a menacé de faire une procédure à mon encontre, mais également à l’encontre de ma fille. C’est de l’ordre de l’acharnement, voire du harcèlement !", s’insurge Mme Aresu, en état de choc. Elle n’entend pas abdiquer, et affirme qu’elle se battra pour faire appliquer ses droits.