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Elle a déferlé sur les réseaux sociaux. L’expression "Ok boomer" est devenue un véritable phénomène et est utilisée à toutes les sauces depuis plusieurs semaines, mais pas par n’importe qui.
Devenue la nouvelle phrase fétiche de la génération Y, ces "millenials" nés entre 1980 et 1999, elle vise une génération tout aussi spécifique : celle des baby boomers, qui sont nés entre 1946 et 1964. Venue tout droit des États-Unis, l’expression peut se traduire en français par "cause toujours, baby boomer", ce que nous confirme Marinette Matthey, professeur de sciences du langage à l'Université Grenoble Alpes. "Ce n’est pas nouveau que tout ce qui vient des États-Unis finit par arriver en France, mais la vitesse s’accélère, explique-t-elle. Les échanges sont plus fréquents, la vitesse de diffusion s’accroît, avec des thématiques qui sont devenues mondiales, comme le réchauffement climatique".
L’objectif de cette expression ? Critiquer, se moquer de la génération des baby boomers qui, pour certains "millenials", ne comprend pas les enjeux autours du réchauffement climatique. Selon eux, elle en serait en partie responsable.
Une situation conflictuelle "entre jeunes et vieux"
Pour bien comprendre cette expression, Marinette Matthey explique qu’"il faut imaginer l’échange qu’il peut y avoir derrière". "On est obligé d’imaginer un vieux, et un jeune qui lui répond, on est obligé d’imaginer une situation d’interaction", précise-t-elle, ajoutant qu’il s’agit d’ "une situation conflictuelle entre un groupe de jeunes qui s’oppose au groupe de vieux".
Pour elle, cette expression montre que les deux groupes ne sont pas dans une position de débat, mais "dans une engueulade", qui a pour but "de montrer à l’autre qu’on le déconsidère". Pour preuve, elle a été popularisée dans le monde entier par le biais d’une vidéo tournée le 5 novembre au parlement de Wellington (Nouvelle-Zélande). Une députée de 25 ans, qui prend la parole sur le réchauffement climatique, est interpellée par un de ses collègues plus âgé. "Ok boomer", lui répond-elle alors sans sourciller et sans interrompre son discours.
Comme nous le confirme Marinette Matthey, l’expression peut avoir comme origine le comportement de certains baby-boomers envers Greta Thunberg, adulée par de nombreux jeunes dans le monde entier. Selon elle, "Ok boomer est une réponse à la condescendance" dont certains ont fait preuve envers la jeune militante.
La fin d’une relation amicale entre deux générations ?
Selon le New York Times, "l’expression OK boomer marque la fin des relations amicales entre générations". S’il est vrai que la génération née entre 1946 et 1964 s’oppose à celle des "millenials", Marinette Matthey estime que cette cassure existe depuis longtemps. "Les générations ne se sont jamais entendues. Le rapport intergénérationnel n’a jamais été pacifique", explique-t-elle, ajoutant que ce dernier "a été exacerbé par les conditions actuelles, qu’elles soient climatiques, économiques".
Le respect des plus jeunes envers leurs aînés a-t-il disparu avec cette expression ? "Depuis longtemps, il n’y a plus cette notion du respect des gens qui sont statutairement plus haut, aujourd’hui on les critique", explique Marinette Matthey. "Il n’y a plus aucune raison de les respecter, on est sur un mode de relation paritaire", précise-t-elle. Elle tient tout de même à rappeler que ce phénomène est "très contemporain de la diffusion de l’information par Internet" car, "avant on avait besoin des figures d’autorité, maintenant ce n’est plus le cas, on s’informe soi-même".
Le moyen de mettre fin à une conversation
Si le dialogue semble être rompu depuis longtemps entre les générations, l’utilisation de cette expression ne risque pas de le renouer. "Ok boomer peut être vu comme le moment où on met fin à la discussion, quand on ne veut plus discuter", explique Marinette Matthey, ajoutant que "c’est une manière violente de clore le débat, car la personne ne peut plus rien répondre à cela". Selon elle, l’expression "sert à clore l’échange en disqualifiant la parole de l’autre".
Ces deux générations ne peuvent pas s’entendre, car elles n’ont pas le même vécu : alors que les baby boomers sont nés pendant les 30 Glorieuses, les "millenials" ont comme principales inquiétudes le taux de chômage et l’impossibilité de s’insérer professionnellement. Pourtant, selon Marinette Matthey, le camp des "millenials" n'est pas non plus irréprochable. Ceux qui donnent des leçons aux plus âgés et qui en même temps consomment à grande échelle, "ne sont pas toujours cohérents", conclut-elle.