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Elire un détenu à la présidence de la République : un scénario de fiction ?
Détenu pour corruption et blanchiment d'argent, Luiz Inacio Lula da Silva purge une peine de 12 ans de prison. Et pourtant, après avoir été deux fois élu à la tête du Brésil, il vient de se déclarer candidat à l'élection présidentielle qui aura lieu en octobre. Son initiative a même été soutenue par le Comité des droits de l'Homme de l'ONU, rapporte Europe 1.
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En France, une telle situation ne serait pas possible, explique Gérald Pandelon, avocat à la cour d'appel de Paris, docteur en droit et en science politique. "Sur un plan strictement juridique, cette hypothèse n'est effectivement pas envisageable", commence l'avocat. Cependant, en théorie, tous les détenus ne rencontreraient pas les mêmes obstacles. "La question pourrait se poser s'agissant d'une personne incarcérée à titre provisoire dans une maison d'arrêt, par conséquent en attente de son jugement, c'est à dire pleinement innocente jusqu'à ce qu'une juridiction pénale en ait décidé différemment par une déclaration définitive de culpabilité", souligne-t-il, non sans rappeler que "en l'espèce, l'ex-président Lula a le statut de détenu et non de prévenu : il n'est donc pas en détention provisoire ou présumé innocent".
Sur le papier, un prisonnier temporaire pourrait donc être candidat à la présidence de la République. D'autant plus que "dans un contentieux suspensif comme celui de la matière pénale il faudrait que le prévenu ou accusé ait exercé toutes les voies de recours pour que sa condamnation devienne irrévocable", insiste l'avocat. Concrètement, il devrait donc être passé en chambre criminelle de la Cour de cassation et avoir perdu. "Et encore... L'intéressé pourrait alléguer d'une violation de ses droits devant la Cour européenne des droits de l'homme", poursuit Gerald Pandelon.
Pourtant, le docteur en droit et en science politique est formel : si, techniquement, il ne serait pas contraire au droit de se présenter à une élection en tant que détenu à titre provisoire, "la situation pénale de M. Lula apparaîtrait totalement impensable en France, surtout en ces temps modernes et actuels de transparence absolue". Et c'est sans compter tous les problèmes non juridiques induits par une incarcération. "Qui oserait financer la campagne électorale d'un candidat détenu, se mettre sur sa liste ou figurer comme un de ses soutiens inconditionnels ? Je crains par conséquent que cette hypothèse d'école relève davantage de la fiction que de la réalité", indique-t-il, non sans rappeler l'impossibilité de mener campagne derrière les barreaux.
Elire un détenu à la présidence de la République : quel est l'impact des affaires sur nos politiques ?
En pratique, plusieurs situations peuvent priver un citoyen de ses droits civiques... Et donc de celui de se présenter à une élection, ou même de voter. "Certaines infractions pénales, en raison de leur gravité, sont sanctionnées non seulement par des peines lourdes (emprisonnement, amendes...), mais aussi par la privation de ces droits essentiels liés à la citoyenneté", précise maître Pandelon. Une condamnation pour corruption est également susceptible d'entraîner automatiquement la perte d'une partie des droits civiques, qui seront récupérés une fois la peine purgée.
Toutefois, rappelle l'avocat, "les affaires ne nuisent que rarement à la carrière de nos politiques". Pourtant la liste est longue de ceux qui ont fait l'objet de poursuites pénales, insiste-t-il... Difficile de ne pas penser à Patrick Balkany, réélu maire de Levallois-Perret dès le 1er tour le 22 septembre 2002, à Pierre Bédier réélu président du Conseil général des Yvelines en 2008, Alain Juppé, Xavier Dugoin ou à Harlem Désir, par exemple. Aux yeux de Gérald Pandelon, l'explication est à chercher auprès des Français plutôt que des tribunaux. En effet, selon lui, la probité des candidats ne constitue pas l'attente principale des électeurs.