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A première vue, le sujet semble très “technique”. Entre point “GIR”, prix “ASH” et autres “prestations minimales”, les terminologies liées à la tarification des chambres d’Ehpad compliquent la compréhension de ce prix aux yeux des profanes. Or ce dernier n’a rien d’anodin. Sa fixation affecte non seulement les résidents eux-mêmes, mais aussi leurs proches qui gèrent parfois leurs comptes. En outre, certains de ces éléments pourraient être impactés, même de façon indirecte, par les restrictions budgétaires prévues par le gouvernement.
Cela tomberait particulièrement mal. En effet, un rapport sénatorial enregistré le 25 septembre 2024 contient une liste de préconisations pour tenter de résoudre les graves difficultés financières que rencontrent un grand nombre d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Parmi elles, certaines concernent justement la tarification des chambres. L’occasion de se pencher sur la formation de ces fameux prix.
De 63 à 95 euros par jour
Premier constat : le prix moyen d’une chambre d’Ehpad en France recouvre en réalité de fortes disparités d’une localisation à l’autre, d’un établissement à l’autre et même, d’un couloir à l’autre dans certaines résidences. Comme le prévoit un décret de 2015, les Ehpad doivent transmettre leurs prix TTC au plus tard le 30 juin de chaque année à la Caisse nationale pour l’autonomie et la solidarité (CNSA). D’après les dernières données compilées disponibles provenant de de la cet organisme, qui datent de janvier 2024, (Repères statistiques n° 19), “le prix journalier moyen de l’hébergement permanent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) s’établit à 63,50 euros pour une chambre seule habilitée à l’aide sociale à l’hébergement (ASH) et à 95,60 euros pour une chambre seule non habilitée”.
Les tarifs varient en outre en fonction des départements : ainsi en 2023, pour les seules chambres directement subventionnées (celles qui sont “habilitées à l’ASH”), le prix moyen était de 55,10 euros par jour dans la Meuse et de 89,50 euros à Paris. Mais pourquoi de tels écarts ? Cela tient aux différents éléments qui entrent en jeu dans la formation de ces prix.
Plusieurs composantes pour un prix
Ces tarifs journaliers par chambres comprennent d’une part le prix de l’hébergement et d’une autre, d’une autre le tarif dit “dépendance” lié au degré de perte d’autonomie du résident concerné. Il faut également ajouter le prix des soins financé par la sécurité sociale via les agences régionales de santé.
Le premier de ces deux éléments, le prix de l’hébergement, renvoie lui-même à diverses composantes. Il existe un socle de prestations minimales obligatoires légalement définies.
Toutes les chambres d’Ehpad doivent ainsi permettre un accès à une salle de bain avec lavabo, douche, et toilettes; elles doivent être correctement chauffées, éclairées, nettoyées et permettre l’installation d’un téléviseur. Parmi les prestations minimales figurent également la restauration (t rois repas par jour plus un goûter et une “collation nocturne”), les frais d’entretien de l’ensemble de l’établissement, la blanchisserie du linge de lit et de toilette, mais aussi les animations et les sorties.
A cela s’ajoutent parfois des prestations facultatives tel que le fait de bénéficier ou non d’une chambre et/ou de sanitaires individuels, les services divers (paramédicaux comme l’ostéopathie par exemple mais aussi l’entretien du linge personnel, coiffure, etc.)
Comme le note le rapport du Sénat (page 42), ce sont essentiellement ces coûts d’hébergement, qu’ils soient obligatoires ou non, que finance le “reste à charge” payé de la poche des résidents ou de leurs proches.
Des fluctuations immobilières
Parce qu’il s’agit aussi de logements, le prix des chambres dépend par ailleurs du marché immobilier. Il s’agirait même des “principaux déterminants des écarts de tarifs” d’un Ehpad à l’autre, selon le rapport sénatorial (page 11). A cet égard, les sénateurs précisent que “Toutefois, le principal déterminant des écarts de tarifs d’hébergement est le prix de l’immobilier.”
Les auteurs du rapport sénatorial notent à cet égard une “surreprésentation des Ehpad privés à but lucratif dans les régions où le prix de l’immobilier est le plus élevé (70 % des places installées en Guadeloupe, 47 % en Corse, 45 % en Île-de-France, 53 % en Provence Alpes-Côte-d’Azur)”.
Le rôle majeur des départements
Pour payer cet hébergement, les personnes concernées dont les revenus sont les plus faiblespeuvent bénéficier d’aides financières. L’une d’elle, l’aide sociale à l’hébergement (la fameuse ASH), est financée par les départements.
Les départements interviennent également à un autre niveau : le prix “dépendance”, cité plus haut. Ce sont en effet eux qui fixent un tarif au “point GIR” (groupe iso-ressources), un classement allant de 1 à 6 en fonction du niveau d’autonomie des personnes concernées. Ce point varie de “6,60 euros à 9,50 euros en 2023”, d’après la commission sénatoriale.
Des collectivités locales sous pression
Il est à noter que, quel que soit le statut de l’établissement (Ehpad public, privé à but lucratif ou à but non lucratif c’est-à-dire géré par des associations), des ressources publiques participent au financement des chambres d’Ehpad. Toutefois, les places habilitées à l’aide sociale sont beaucoup plus fréquentes dans les établissements publics (96% selon le rapport du Sénat) que dans les Ehpad privés détenus par des entreprises (13,6%).
En cas de coupe budgétaire affectant les collectivités locales, ce sont des sources de financement qui risquent d’être supprimées, donc, potentiellement des aides en moins.
Des enjeux économiques majeurs
On le voit, compte tenu de ces différents facteurs qui entrent en compte dans la détermination des prix des chambres, les enjeux actuels sont nombreux.
Sur le plan économique, les prix ont augmenté entre 2022 et 2023, mais, en moyenne, ils ont progressé moins vite que l’inflation. Ainsi la CNSA fait les observations suivantes : “les prix des chambres seules habilitées à l’ASH ont enregistré une hausse comprise entre 0,6 % et 8,5 % selon les départements. La hausse a été de 3,9 % en moyenne nationale, soit un taux inférieur à l’inflation annuelle. Selon les données collectées par la FHF, la hausse moyenne des tarifs hébergement serait de 3,2 % en 2024, avec des taux d’évolution s’échelonnant entre 0 % et 10 %”
La fixation de ces tarifs se révèle d’autant plus épineuse que les finances d’une grande partie des établissements sont dans le rouge. “Entre 2020 et 2023, la part des Ehpad déficitaires est ainsi passée de 27 % à 66 %”, note le rapport sénatorial, d’après un rapport de l’IGAS. Qu’ils soient privés ou publics, tous les établissements seraient concernés.
Tous subissent un “effet de ciseau” entre une inflation qui pèse sur les coûts de l’hébergement tandis que leurs recettes ne progressent pas aussi vite. Pourquoi une telle stagnation des recettes ? Parmi les causes citées figure la baisse des taux d’occupation qui est liée à la crise du Covid-19, à une image dégradée qui a “entraîné une crise de confiance”. Or l’enveloppe du fonds d’urgence débloqué pour les établissements et services médico-sociaux dont 80 millions d’euros ont été alloués aux Ehpad s’est “révélée insuffisante au regard de la généralisation des difficultés et de l’ampleur des besoins”, notent les sénateurs.
Les préconisations du Sénat
Face à ces difficultés, les sénateurs ont formulé 19 recommandations qui concernent non seulement les questions financières mais plus généralement la qualité de l’hébergement, des soins, etc. Ils souhaitent notamment l’établissement d’un prix plancher pour les tarifs d’hébergement : “depuis 2020, tout mode d’habilitation confondu, les revalorisations des tarifs hébergement ont été inférieures à l’inflation. S’il est légitime que les départements conservent une marge d’appréciation pour fixer les tarifs hébergement pour les places habilitées à l’aide sociale, un plancher de revalorisation annuelle, indexé sur l’inflation, permettrait de sécuriser les ressources des Ehpad.”
Pour agir sur le facteur immobilier, ils suggèrent par ailleurs d’adapter un dispositif, le “bail réel solidaire”, qui permettrait aux résidents qui le souhaitent et qui le peuvent d’accéder à une forme de propriété. Enfin, ils proposent en outre de réviser, au point ponctuellement, le fameux point GIR ou bien de créer une nouvelle journée de solidarité. Autant de suggestions qui pourraient ou non figurer dans le Projet de loi de Finances pour la Sécurité Sociale qui doit être débattu au Parlement dans les prochaines semaines.
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