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Ils ont identifié le nouveau chantier prioritaire du président. Quelques semaines seulement après la réélection d’Emmanuel Macron, les Françaises et les Français ont fait savoir ce qu’ils voulaient : une nette amélioration de leur pouvoir d’achat, malmené par l’inflation observée ces derniers mois. 54% d’entre eux, explique BFMTV sur son site, attendent aussi du chef de l’Etat qu’il change de méthode, sinon d’orientation politique. Seuls 11% estiment qu’il faut conserver le cap politique initié à l’occasion de la première mandature.
Le président de la République, pour sa part, semble avoir identifié plusieurs chantiers importants. Parmi lesquels figure, de fait, la réforme des retraites qu’il n’a pas été en mesure de mener au cours de son premier quinquennat. Il a toutefois prévu de revoir considérablement son projet, ainsi qu’il a eu l’occasion de l’expliquer pendant la campagne. Cette fois-ci, Emmanuel Macron ne prône plus l’avènement d’un régime universel par points mais bien le report progressif de l’âge légal légal de départ à la retraite à 65 ans. Une mesure assez impopulaire, rappelle Les Echos.
Mais peut-être devra-t-il, une fois de plus, passer son tour…
Emmanuel Macron pourra-t-il mener sa réforme des retraites ?
“Je demande aux Français de m’élire Premier ministre. Je leur demande, pour m’élire Premier ministre, d’élire une majorité de députés insoumis", déclarait récemment Jean-Luc Mélenchon devant les caméras de BFMTV, et qui a fini par réussir à rassembler la gauche autour de son programme. Il vise dorénavant les élections législatives, qui se tiendront les dimanche 12 et 19 juin 2022. Si la gauche parvenait à imposer une cohabitation au président de la République, l’ancien sénateur socialiste pourrait-il entraver les plans du chef de l’Etat ? Potentiellement. L’analyse de Raul Magni-Berton, politologue membre du laboratoire PACTE et enseignant-chercheur à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP, Sciences-Po) de Grenoble. Il travaille notamment sur la démocratie, les élections, la citoyenneté ou la redistribution.
Réforme des retraites, du chômage… Que pourrait faire Mélenchon, s’il arrive à Matignon ?
“Rappelons d’abord qu’un Premier ministre ne s’élit pas. Il est nommé par le président de la République et peut ensuite être chassé par l’Assemblée nationale. En situation de cohabitation, c’est toujours la majorité parlementaire qui impose son Premier ministre au président… parce que celui de l’exécutif ne peut simplement pas gouverner contre les députés. Ceux-ci ont le moyen de casser ses projets de loi, par exemple”, souligne d’entrée de jeu le chercheur en sciences-politiques. “Sauf à ce qu’Emmanuel Macron ne se montre particulièrement irresponsable, le Premier ministre sera donc issu(e) des rangs de la majorité à l’Assemblée”, ajoute-t-il.
Or, en situation de cohabitation, la constitution est très claire sur la façon dont s’exerce le pouvoir en France. “C’est au gouvernement qu’il revient de mener la politique de la nation, pas au président. Nous n’y sommes plus habitués en France, mais l’organisme qui commande, c’est le parlement, pas le chef de l’Etat. Dans les faits, le calendrier électoral permet à ce dernier d'influencer l'élection de ses proches à l’Assemblée, ce qui lui assure la mainmise le temps de son mandat et lui permet donc de gouverner. Mais en cas de cohabitation, ce sera la ligne de la majorité qui s’appliquera”, poursuit l’enseignant.
Très concrètement, cela signifie donc que la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) pourrait imposer son agenda politique si elle parvenait à envoyer l’un de ses dirigeants à Matignon.
En termes de retraites, par exemple et sur la base du programme porté par Jean-Luc Mélenchon à la précédente élection présidentielle, cela signifierait notamment le retour aux 60 ans avec 40 annuités. Mais pas que… Le candidat malheureux prône aussi le versement d’une pension à taux plein au moins équivalente au Smic (lui même revalorisé à 1 400 euros net mensuels) pour tout individu ayant cotisé au moins 40 ans et a détaillé trois pistes de financement potentielles. Si, toutefois, c’est Renaissance (ex-LREM) qui parvient à gagner le plus de sièges, il faudra alors s’attendre à la retraite à 64 ou 65 ans et une pension minimum portée à 1 100 euros, comme a d’ores et déjà plus l’écrire Planet. Un programme moins “démago” de l’avis d’Emmanuel Macron, comme le rappelle La Dépêche.
Législatives 2022 : la cohabitation est-elle vraiment possible ?
Deux interrogations demeurent : la cohabitation est-elle vraiment possible… et bloquerait-elle complètement Emmanuel Macron ?
“En cas de cohabitation, poursuit Raul Magni-Berton, c’est le programme de la majorité parlementaire qui a le plus de chances de s’appliquer. Ceci étant dit, il est possible pour le chef de l’Etat d’agir en tant que contre-pouvoir”. Le politologue dresse ensuite la liste des moyens d’actions dont disposerait, dans ce cas de figure hypothétique. Il lui serait donc possible de :
- Imposer une réforme via l’article 11 de la constitution. “Cette solution ne garantit pas la réalisation de la réforme, mais elle permet au président d’organiser un référendum et de soumettre sa ligne politique au peuple français. S’il est validé, il peut alors passer outre le gouvernement et le parlement pour mener sa réforme”, indique le chercheur.
- Il peut aussi dissoudre l’Assemblée nationale et tenter de gagner sa propre majorité. “Emmanuel Macron n’aurait aucun intérêt à le faire trop tôt, en cas de cohabitation : il risquerait de se retrouver face à une nouvelle majorité plus hostile encore que la précédente. Passés deux ou trois ans, en revanche, la question se pose davantage. Surtout si le gouvernement est assez impopulaire”, souligne l’enseignant, pour qui la seule “menace de la dissolution” peut peser sur l’action du gouvernement.
- Il peut aussi refuser de contre-signer les décrets. “Cela complique la tâche du gouvernement, qui ne peut plus faire passer ses mesures par décrets. Il est alors obligé de passer par la loi à chaque fois”, rappelle le politologue.
Pour autant, Raul Magni-Berton ne s’en fait pas trop pour Emmanuel Macron. La NUPES ne remportera pas la majorité parlementaire selon lui. “Cela fait dix ans, maintenant, que les Françaises et les Français déclarent à 70% vouloir une cohabitation. Pourtant, c’est toujours le parti du président qui l’emporte et cela n’a rien d’anodin : l’organisation du calendrier électoral favorise très nettement le gagnant à l’élection présidentiel”, rappelle-t-il, non sans souligner qu’en moyenne, la famille politique du chef de l’Etat part avec un avantage d’environ 7%.
“Il y a toujours une forme de résignation dans l’électorat des partis n’ayant pas pu conquérir l’Elysée quand ceux du vainqueur sont plus galvanisés. Du reste, même en mobilisant son électorat, il n’est pas sûr que Jean-Luc Mélenchon puisse rassembler assez pour rogner l’avantage avec lequel part Emmanuel Macron et même prendre le pas”, souligne le politologue.