De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
- 1 - Emmanuelle Wargon : de Danone à l’Ecologie
- 2 - Edouard Philippe : du nucléaire à Matignon
- 3 - Brune Poirson : de Veolia à l’Ecologie
- 4 - Muriel Pénicaud : de Dassault au Travail
- 5 - Elisabeth Borne : de Eiffage aux Transports
- 6 - Agnès Pannier-Runacher : des casquettes très multiples
- 7 - Benjamin Griveaux : conseiller puis communicant
- 8 - Pantouflage et rétro-pantouflage : c'est quoi le problème ?
Emmanuelle Wargon : de Danone à l’Ecologie
Porte tambour, portes tournantes ou en anglais revolving doors. Ces trois termes désignent le fait pour une personne d’occuper tour à tour de hautes responsabilités dans le public, puis de rejoindre le privé, avant de retourner de nouveau dans le public.
Ce processus également appelé rétro-pantouflage - et qui illustre par ailleurs les limites du recours à la société civile - n’est pas nouveau; mais à l’aune du récent remaniement il a beaucoup fait parler. En cause, l’entrée d’Emmanuelle Wargon dans un secrétariat d’Etat rattaché au ministère de l’Ecologie.
Enarque de 47 ans, Emmanuelle Wargon a effectué la plupart de sa carrière entre le public et le privé. A commencer par la Cour des comptes qu'elle intègre peu après sa sortie de l’école. S’en suivront des passages auprès de Bernard Kouchner et au cabinet de Martin Hirsch nommé alors dans le gouvernement de François Fillon en tant que Haut-commissaire aux Solidarités actives.En 2015, elle quitte la fonction publique et devient directrice de la communication et des affaires publiques de Danone. Poste qu’elle occupe jusqu’à sa nomination récente.
Danone et Danone produits frais ont dépensé respectivement entre 200 000 et 300 000, et 100 000 et 200 000 euros en lobbying en 2017. L’entreprise est considérée comme une des entreprises les plus polluantes.
Emmanuelle Wargon s’est de son côté défendue de ce rôle ‘"lobbyiste en chef" : "C'est un terme que je n'emploie pas. Cela ne correspond pas à la réalité de mes fonctions, qui était de travailler en interne pour développer des positions d'entreprise, et en externe pour participer au débat public". Elle a promis de se déporter en cas de conflit d’intérêt.
Edouard Philippe : du nucléaire à Matignon
Edouard Philippe est comme Emmanuelle Wargon, régulièrement qualifié d'"ancien lobbyiste". Une référence à son passage chez Areva.
Sorti de l’ENA, l’ancien poulain d’Alain Juppé entame une carrière au Conseil d’Etat. Sept ans plus tard, il rejoint un cabinet d’avocat dont le siège est basé à New York. Son bureau à lui se spécialise notamment dans les litiges commerciaux. Il rejoint finalement Areva en tant que directeur des affaires publiques de 2007 à 2010, avant de redevenir finalement avocat jusqu’en 2012, année où il se fait omettre du Barreau pour ne "donner prise à aucune polémique sur d’éventuels conflits d’intérêts".
En parallèle de ces responsabilités dans le privé, Edouard Philippe est conseiller régional (2004-2008), conseiller général de Seine-Maritime (2008-2012), Maire du Havre (2010-2017).En tant que Premier ministre, c’est lui qui a un temps été en charge de la régulation de l’édition. L’ancienne ministre de la Culture, Françoise Nyssen, se trouvant alors dans une situation de conflits d’intérêts.
Brune Poirson : de Veolia à l’Ecologie
Brune Poirson est entrée au gouvernement en même temps que l’ancien ministre de l’Ecologie, Nicolas Hulot. La secrétaire d’Etat a échappé au remaniement d’octobre 2018 mais rarement à son passé chez Veolia.
Passée par Science-Po, la London School of Economics et même Harvard, elle commence sa carrière dans le cabinet d’un ministre indien. Elle rejointe ensuite l’Agence française de développement avant de travailler pour Veolia Water India, une filiale de Veolia, en tant que directrice du développement durable.
Elle rejoint finalement les Etats-Unis où elle poursuit sa carrière dans les technologies vertes.
En 2017, elle est contactée pour entrer au gouvernement.
Muriel Pénicaud : de Dassault au Travail
Porteuse de la réforme du travail, Muriel Pénicaud a exercé dans plusieurs entreprises privées avant de rejoindre finalement le gouvernement en 2017. D’abord administratrice territoriale, elle entre ensuite dans l’administration du ministère du Travail et collabore même dès 1991 avec Martine Aubry.
C’est ensuite qu’elle s’embarque dans le privé, à commencer par Danone, dont elle sera la DRH, puis Dassault Systèmes (2002-2008). Première controverse en 2006 quand on la nomme présidente d’un organisme chargé de la formation des inspecteurs du travail et qu’elle conserve sa double casquette.
Elle retrouve Danone en 2008. Par la suite, Muriel Pénicaud officie en tant qu’administratrice du groupe Orange (2011-2014) ou d’Aéroport de Paris (2014-2017), membre du conseil d’administration de la SNCF, et d’autres organismes. Elle devient finalement directrice de Business France, qui prête désormais son nom à une affaire portant sur des soupçons de favoritisme.
Muriel Pénicaud est nommée ministre du Travail le 17 mai 2017.
Elisabeth Borne : de Eiffage aux Transports
La ministre des Transports, Elisabeth Borne a occupé de nombreuses fonctions publiques ou en lien avec des entreprises publiques. Conseillère de Jack Lang, préfète de la région Poitou-Charentes, présidente de la RATP, directrice de la stratégie de la SNCF, ou encore directrice de cabinet de Ségolène Royale alors ministre de l’Ecologie...
Mais en 2007, la polytechnicienne rejoint le groupe Eiffage, comme directrice des concessions. Un poste qu’elle n’occupera pas plus d’un an avant de retrouver des fonctions liées à l’urbanisme, à la mairie de Paris.
Ce passage dans la grande entreprise de BTP lui vaut aujourd’hui des soupçons de conflits d’intérêts dans le réaménagement d’une portion d’autoroute pour lequel Eiffage est favori. Elisabeth Borne s’est défendue rappelant qu’elle avait quitté l’entreprise il y a plus de 10 ans, alors que le projet n’existait pas encore.
Agnès Pannier-Runacher : des casquettes très multiples
Arrivée en même temps qu’Emmanuelle Wargon, Agnès Pannier-Runacher commence à faire parler d’elle. La secrétaire d’Etat à l’Economie aurait engrangé pas moins de 500 000 euros par an dans le privé avant d’être nommée.
Le parcours professionnel de cette énarque commence à l’Inspection des Finances, et s’enchaîne au sein du cabinet du directeur de l’AP-HP. Elle devient finalement directrice adjointe de la Caisse des Dépôts et des Consignations en 2006, puis trois ans plus tard directrice exécutive du Fonds stratégique d’investissement.
Place ensuite au privé. Agnès Pannier-Runacher occupe tour à tour des fonctions de direction au sein de Faurecia Interior Systems puis La Compagnie des Alpes. Elle siège également dans plusieurs conseils d’administration et officie comme administratrice, dont des filiales d'Eiffage.
Elle quitte ces mandats en entrant au gouvernement. U ne liste des entreprises pour lesquelles elle devra se déporter doit par ailleurs être établie avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Benjamin Griveaux : conseiller puis communicant
Conseiller municipal de Chalon-sur-Saône et conseiller général de Saône-et-Loire de 2008 à 2015, Benjamin Griveaux abandonne ses responsabilités pour rejoindre Unibail-Rodamco. "Depuis plusieurs mois, je suis directeur de communication et des affaires publiques, et directeur de cabinet du président d’un groupe du Cac 40, numéro deux mondial dans son secteur (l’immobilier commercial principalement). Nous opérons dans douze pays et sommes côtés à Paris et Amsterdam. Cela demande beaucoup de déplacements à l’étranger. Je pensais pouvoir tout mener de front, mais je me rends compte, un an après, que je n’y arrive pas", explique-t-il à l’époque.
Il quitte ses fonctions en octobre 2016, selon son profil Linkedin. En parallèle, explique le JDD, Benjamin Griveaux a aussi été au conseil d’administration du cabinet de recrutement Mediane Conseil, entre 2006 et 2015. Il est fondateur associé d'Audiens Conseil, spécialisé également dans le recrutement.
Il est aujourd’hui porte-parole du gouvernement. A noter d'ailleurs que le président Emmanuel Macron a lui même rétro-pantouflé !
Pantouflage et rétro-pantouflage : c'est quoi le problème ?
Le pantouflage et rétro-pantouflage ont tendance à augmenter les risques de conflits d’intérêt, et pas seulement. "Ces pratiques de plus en plus répandues du pantouflage et du rétro-pantouflage créent une forte porosité entre les secteurs publics et privé de la finance, et entraînent deux sérieux problèmes graves : les conflits d’intérêt et la capture des régulateurs qui démontrent que le décideur politique se soumet au contrôle de la finance", écrivait ainsi Dominique Plihon, du CNRS, dans En quête d’alternatives, l’état du monde en 2018, sous la direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal.
Quelques éléments de contrôle ont été instaurés. A commencer par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique qui s’assure notamment, dans le cadre du pantouflage, que les nouvelles activités sont compatibles avec les anciennes. Le délit de pantouflage est par ailleurs puni de trois ans d'emprisonnement et d'une amende de 200 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction. Paru en janvier 2018, un rapport parlementaire préconisait tout de même un renforcement des contrôles : moins d’une quinzaine de sanctions ont été prononcées.
Et quid du rétro-pantouflage ? Il n’est pas mentionné sur le site de la HATVP, mais la présidence peut demander oralement son avis à l’autorité, qui dira si elle voit ou non de possible conflits d’intérêts.
Au-delà de son encadrement, cette pratique public-privé-public illustre une des limites du "nouveau monde"' et du choix de ministres issus de la société civile, dont l’expertise ou le savoir-faire peut devenir source de soupçons.