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Le 4 février dernier, Marine Le Pen présentait son programme présidentiel. Un programme économique, comme en 2012, proche de celui de Jean-Luc Mélenchon : protectionnisme, renégociations des traités européens, retraite à 60 ans, refus des privatisations d’entreprises publiques… Mais surtout, une mesure symbolique du programme de Marine Le Pen était absente : la peine de mort.
Que reste-t-il alors pour que les journalistes et politologues continuent à classer le FN à l’extrême droite ? D’autant que le parti, régulièrement, expulse ce qu’il appelle "les brebis galeuses" au comportement extrémiste, à commencer par le fondateur même du mouvement, Jean-Marie Le Pen. Le FN, lui-même, n’entend pas qu’on le place à l’extrême droite, et Marine Le Pen a déclaré en 2013 à l’Express qu’elle contesterait, y compris en justice, l’étiquette d’extrême droite.
Une appellation qui pose plusieurs problèmes
Il est vrai que la définition de ce positionnement politique pose problèmes. A Slate, le politologue Gaël Brustier déclarait : "Il n’est pas évident de faire tenir dans le même groupe le FN français, le Vlaams Belang flamand, le British National Party anglais et la Ligue du Nord italienne. Certains sont nationalistes, d’autres régionalistes, les racines des uns remontent à la Deuxième Guerre mondiale, celles des autres n’ont rien à voir... Il y a plutôt des droites extrêmes qu’une extrême droite."
C’est ce que nous confirme Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS et spécialiste de l’extrême droite. "Dans les sciences comparatives, on préfère aujourd’hui parler de droite radicale plutôt que d’extrême droite, qui est un courant de pensée connoté historiquement." De plus, il devient difficile de marquer une frontière nette entre une droite extrême et l’extrême droite depuis quelques temps, nous indique le politologue Jean-Yves Camus. Pour Marine Le Pen, l’extrême droite est d’ailleurs à la périphérie de son parti : ce sont les ultras de l’Œuvre française ou du Parti de la France, voire des journaux Rivarol ou Minute, avec lesquels elle est en conflit.
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"Le FN est un parti en tension"
Alors, qu’y a-t-il d’extrême droite dans le FN ? Pour Jean-Yves Camus, spécialiste de ce courant de pensée, le programme économique social du FN ne dédouane pas le parti. "Dans l’histoire, les partis d’extrême droite on bien souvent développé des thèmes avec une composante sociale forte", nous explique-t-il, prenant pour exemple le Parti populaire français (PFF) de Jacques Doriot.
Pour le politologue, des invariants de l’ADN du FN font que le parti est bel et bien d’extrême droite : la préférence nationale, le rejet du droit du sol, le discours sur l’immigration, sur les institutions, ou encore son rejet d’une société multiculturelle. A cela, le spécialiste de l’extrême droite Pascal Perrineau ajoute auprès de Slate : un constat de décadence du pays, la recherche d’un bouc émissaire, l’utopie du passé et enfin le culte du chef.
Pour Libération, organiser un référendum pour la sortie de l’UE ou remettre le service militaire s’apparente à des mesures d’extrême droite. Pour le Monde, la dénonciation du "système" et des élites, la préférence nationale, la stigmatisation de l’immigration et de l’islam, la condamnation de l’Union européenne et du "mondialisme" en font un parti d’extrême droite.
Mais pourquoi le parti et les militants, quand on les interroge, ne s’estiment pas être d’extrême droite ? Selon Gilles Ivaldi, c’est parce que le FN est un parti en tension entre deux pôles, l’un radical et l’autre de "normalisation". "Marine Le Pen est au centre de cette tension qui agite le parti, dont la dédiabolisation n’as toujours pas effacé les anciennes radicalités", explique le politologue. "Certes, le FN n’est plus le même parti que sous Jean-Marie Le Pen, il n’est pas un parti anti-démocratique, et Marine Le Pen a gommé les traces d’antisémitisme, reconnaît Gilles Ivaldi. Mais la dédiabolisation est un processus toujours en cours, et à côté de cela, il reste encore dans le parti des militants et des marqueurs qui viennent de l’extrême droite." Et celui-ci de citer : le chauvinisme, la préférence nationale, le populisme, la critique de l’Europe, ou encore la critique des syndicats.
Le terme de "national-populisme" davantage pertinent ?
Pourtant, chaque point ou presque soulevé ci-dessus pourrait être accolé à un autre candidat à l’élection présidentielle : Jean-Luc Mélenchon est-il d’extrême droite quand il dénonce aussi les élites, l’UE et le mondialisme ? Nicolas Dupont-Aignan est-il d’extrême droite quand - en plus des critiques précédentes - il s’attaque à l’immigration et à la société multiculturelle ? François Fillon est-il d’extrême droite quand il dénonce un complot judiciaire contre lui ? Pour Gilles Ivaldi, c’est plutôt la simultanéité et la concentration de toutes ces dénonciations au sein d’un seul parti qui fait que celui-ci peut être qualifié d’extrême droite.
Reste que le terme est malgré tout problématique, car éminemment stigmatisant. D’ailleurs, dans les résultats d’élections nationales, le ministère de l’Intérieur ne met pas le FN dans la case des résultats de l’extrême droite. Plutôt que ce terme, le politologue Pierre-André Taguieff a parlé de "national-populisme", une appellation qui permettrait de donner une définition plus fine des mouvements populistes et xénophobes qui ont le vent en poupe un peu partout dans le monde depuis une dizaine d’années.
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