De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU de Strasbourg. Infectiologue, hygiéniste, il travaille notamment sur les risques associés aux soins dans l'Unité d'éthique clinique.
Planet : De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer un second confinement (parfois local, parfois national) dans les semaines qui viennent. Serait-il pertinent de reconfiner la population française ? Comment évolue l'épidémie ?
Stéphane Gayet : Je commencerai par répondre à la deuxième question.
Il est exagéré de parler de deuxième vague. La courbe ci-dessus représente l'évolution de deux indicateurs de morbidité (cas de maladie) et d'un indicateur de mortalité.
Les deux indicateurs de morbidité les plus pertinents de mon point de vue sont le nombre quotidien de personnes nouvellement hospitalisées pour CoVid-19 (courbe en violet, la plus haute) et le nombre quotidien de personnes nouvellement admises en réanimation (courbe en bleu, en position intermédiaire). Sur ce graphique, les valeurs de cette deuxième courbe ont été multipliées par un facteur de 3,5, afin que cette deuxième courbe soit bien visible. Les vraies valeurs sont donc obtenues en divisant par un facteur de 3,5 les valeurs lues.La courbe de mortalité représente le nombre quotidien de personnes nouvellement décédées de la CoVid-19.
Ces trois courbes reflètent assez bien l'évolution de l'épidémie en France depuis le 19 mars, date à laquelle on a commencé à relever et enregistrer ces données de façon régulière et standardisée.
On voit que le premier indicateur se situe présentement entre le 7e et le 6e du niveau qu'il avait au maximum de l'épidémie (fin mars, début avril) et que le deuxième indicateur se situe entre le 6e et le 5e du niveau qu'il avait au maximum de l'épidémie. Quant à l'indicateur de mortalité, il se situe environ au 12e du niveau qu'il avait au maximum de l'épidémie.
Alors que les indicateurs dont les valeurs nous sont données chaque jour dans les médias radiophoniques notamment, ne sont pas de vrais indicateurs de morbidité : c'est le cas du nombre quotidien de tests ARN positifs et du nombre quotidien de personnes encore hospitalisées (depuis plus ou moins longtemps), comme du nombre quotidien de personnes encore en réanimation (depuis plus ou moins longtemps).
En somme, ce graphique nous montre que l'épidémie reprend progressivement, mais pas de façon exponentielle comme cela a parfois été dit. C'est une reprise relativement modérée qui ne peut pas être considérée comme une deuxième vague. En France, l'épidémie reste actuellement assez bien contrôlée ; c’est ce qu’il faut retenir.
Un nouveau confinement obligatoire et généralisé ?
Le graphique ci-dessus montre l'efficacité du confinement. Car la latence d’apparition de l'effet d'une mesure sur les deux courbes de morbidité est de l'ordre de 14 jours : 5 à 6 jours d'incubation après la contamination et 8 à 9 jours de délai d'apparition d'une forme sévère ou même grave, justifiant généralement une hospitalisation. Ainsi, on voit très bien que les deux courbes de morbidité ont commencé à baisser très rapidement 14 jours après le début du confinement obligatoire et généralisé.
L'illustration ci-dessous représente l'évolution naturelle d'un cas de CoVid-19.
Indéniablement, le confinement obligatoire et généralisé a été très efficace. Mais ses conséquences économiques ont été désastreuses. De mon point de vue, un nouveau confinement obligatoire et généralisé ne se justifie pas, en l'absence de véritable deuxième vague. Il plongerait de plus la France dans une très grave crise économique et financière.
D'aucuns s'interrogent aussi sur la pertinence de porter des masques. Que répondre aux anti-masques qui doutent de l'efficacité d'une telle mesure ?
Le masque est une barrière aseptique efficace. Il est utilisé dans les établissements de soins depuis la fin du XIXe siècle, essentiellement au bloc opératoire et dans les salles de soins.Médicalement, le masque chirurgical et le masque de soins (ils sont très proches) sont des dispositifs médicaux (DM) qui font partie avec les médicaments des produits de santé. Ces masques sont principalement unidirectionnels : ils sont dits anti-projections, car ils sont conçus pour protéger les soins et donc les patients qui en font l'objet. Ce type de masque protège moins bien la personne qui le porte ; c'est pourquoi il existe aussi des masques protecteurs qui sont en général bidirectionnels (mais coûteux et désagréables à porter) et sont appelés appareils de protection respiratoire (APR).
Les masques utilisés en dehors des établissements de soins et des autres lieux de soins, pour la CoVid-19, sont des masques dits "grand public" (barrières) bidirectionnels ; ils sont en tissu et utilisables un grand nombre de fois. Ces masques idéalement portent une inscription précisant leur pouvoir filtrant (par exemple : PM 2,5, ce qui signifie "particulate matter" ou particules, d'un diamètre supérieur ou égal à 2,5 microns). Étant donné que les microgouttelettes véhiculant les particules virales de la CoVid-19 ont un diamètre compris entre 5 et 150 microns, les masques estampillés PM 2,5 sont bien adaptés à la CoVid-19.Ainsi, le fait de porter convenablement (il doit couvrir le nez et la bouche et être ajusté) un masque de qualité adaptée (pouvoir filtrant attesté) est une mesure efficace pour se protéger du SARS-CoV-2 (coronavirus de la CoVid-19) et pour protéger les autres en même temps.
Les microgouttelettes (diamètre compris entre 5 et 150 microns) sont le mode (support) principal d'émission des particules virales (virions) par une personne en phase contagieuse (par la toux, la parole, le chant ou les cris). Ces microgouttelettes sont des aérosols lourds ou humides ; elles ont une portée maximale d'un mètre cinquante et sédimentent rapidement après leur émission.
Les particules aéroportées ou aérosols légers (ou encore secs) ont un diamètre inférieur à 5 microns. On comprend qu'elles ne sont pas bien arrêtées par les masques PM 2,5, mais elles ne sont pas un mode fréquent d'émission des particules virales de coronavirus. On considère dès lors que ce risque est acceptable.
"Le port du masque est une mesure efficace dont il n’y a pas lieu de douter" - Stéphane Gayet
Ainsi, le port correct d'un masque adapté est une mesure efficace dont il n'y a pas lieu de douter. Par ailleurs, il ne faut pas laver systématiquement ces masques à usage multiple : leur lavage provoque une usure qui risque d'altérer leur pouvoir filtrant. Ce qui se dit à propos des virus et des bactéries dont ils pourraient se charger est sans pertinence, sans intérêt. Mais beaucoup de personnes portent un masque à usage unique de type médical (masque chirurgical ou masque de soins) ; d’une part, ces masques sont surtout unidirectionnels, d’autre part ils ne sont pas conçus pour être réutilisés, ce que font pourtant beaucoup de personnes (le risque est dans ce cas non maîtrisé).
Le gouvernement fait preuve d’une politique immature et sinueuse
Que dire de la stratégie du gouvernement ? Son manque de clarté sur la question n'est-il pas dommageable ?
Depuis le début de l'épidémie en France, le gouvernement a fait preuve d'une politique et d'une communication immatures, sinueuses et comportant des incohérences et des erreurs. La communication a de plus été de nature à infantiliser les Français au lieu de les responsabiliser. Les exemples en sont nombreux : il suffit de lire ou d'écouter les différents messages depuis fin février, début mars.
En effet, les déclarations successives du gouvernement au sujet de la CoVid-19 ont été hésitantes, maladroites et changeantes. C'est évidemment tout à fait dommageable.Il en a résulté une perte de confiance et même une défiance de la population française envers le pouvoir exécutif. D'où un manque d'adhésion aux mesures préventives (appelées souvent "mesures barrières") recommandées ou imposées, particulièrement chez les adultes jeunes (20 à 35 ans) qui représentent une partie active et vive de la population ; or, c'est parmi ces sujets que le virus circule le plus ; c'est parmi eux que l'on trouve les personnes qui fréquentent le plus les cafés, les restaurants non gastronomiques et les transports en commun ; leur mauvaise observance du port du masque et des autres mesures préventives explique très probablement, en grande partie, la reprise de l'épidémie qui est constatée depuis quelques semaines.