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Ils font les couvertures des magazines, et sont régulièrement invités à la télévision. Certains se voient même en possibles candidats à la présidence, quand d'autres le pensent pour eux. Pascal Boniface, auteur des "Intellectuels faussaires", nous donne son point de vue.

Ils n’ont jamais vraiment perdu de leur aura, mais depuis quelques temps, les intellectuels semblent avoir la côte auprès du public.

Il n’y a qu’à voir les ventes du dernier livre d’Alain Finkielkraut, La seule exactitude, arrivé en tête des meilleures ventes chez Amazon en Sciences humaines au moment de sa sortie, le 30 septembre. De même pour son homologue Michel Onfray, dont le livre Cosmos, sorti en mars dernier, a figuré pendant plus de 230 jours dans le top 100. On se souvient également d’Éric Zemmour et son best-seller, Le suicide français, vendu à plus de 400 000 exemplaires.

En plus d’une certaine appétence de la part du public, les médias semblent eux aussi courtiser les intellectuels qui sont de bons clients pour l’audimat. Sans parler de la télévision, où philosophes, journalistes et polémistes ont leur rond de serviette, les magazines font eux aussi régulièrement leur Une sur un ou plusieurs intellectuels.

Les intellectuels font les choux gras de la presse

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Ainsi, à la rentrée, il était impossible d’acheter un magazine sans voir leur tête. Le plus médiatisé a été le philosophe Michel Onfray apparu en couverture de l’Obs le 1 er octobre avec pour titre "Le phénomène Onfray", en Une de Libération le 15 septembre, et même en Une du Monde daté du 20 septembre, sans compter son passage à On n’est pas couché (ONPC) sur France 2 le 19 septembre. Invité lui aussi de la même émission le 3 octobre, le philosophe Alain Finkielkraut a fait plusieurs fois la couverture du Figaro Magazine, le 22 mai dernier (aux côtés de Michel Onfray) et le 2 octobre.

L’écrivain Michel Houellebecq, invité à ONPC le 29 août pour la rentrée de l’émission, a lui aussi fait la couverture du Figaro Magazine le 31 juillet et plusieurs entretiens-fleuves les numéros suivants. Il a en outre eu le droit à une passe d’armes avec Le Monde suite à une série d’articles le concernant. Enfin, citons le philosophe Régis Debray, en couverture du Point le 24 septembre avec ce titre : "Régis Debray achève la gauche et les idéologies en toc de notre temps. " Même le Magazine littéraire fait sa Une sur les intellectuels pour son numéro d’octobre, revenant sur la guerre entre porteurs de "la pensée" et "réacs".

Signe que les intellectuels sont très écoutés, l’hebdomadaire Le Point avait organisé le 6 juin dernier un débat Onfray-Zemmour à Nice devant une salle comble. La scène filmée a été ensuite vue plus de 200 000 fois sur Dailymotion, et  plus de 480 000 fois sur Youtube. Lors de cette joute verbale, Eric Zemmour avait d’ailleurs lâché cette phrase : "Les hommes politiques ont peu d’importance, et plus on avance et moins ils en auront. "

Eric Zemmour président et Jacques Attali peut-être

En plus d’investir la scène médiatique, le chemin de la politique leur semble de plus en plus ouvert. En juin, le philosophe Miche Onfray avait révélé sur Canal + avoir été courtisé par des gens aujourd’hui au Front de gauche pour être candidat à la présidentielle. Pareil pour Éric Zemmour, très courtisé par la droite : Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), lui a proposé une place éligible sur une liste pour les européennes et Marine Le Pen en ferait carrément son ministre de la Culture ; deux postes refusés par l’intéressé.

Le magazine Valeurs actuelles va plus loin encore en imaginant Eric Zemmour président de la République. Selon un sondage effectué par l’hebdomadaire, 12 % des sondés se déclaraient prêts à voter pour lui. Mais le polémiste pourrait avoir en travers de son chemin le touche-à-tout Jacques Attali. L’économiste et écrivain a annoncé fin septembre sur I-télé qu’il pourrait se présenter "si dans six mois ou un an" il estime que "personne n’a envie d’agir dans le pays".

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Selon un sondage Ifop pour Atlantico paru le 3 octobre, 17 % des Français interrogés voteraient pour Jacques Attali s’il se présentait contre 12 % pour Eric Zemmour, 10 % pour Michel Onfray, 8 % pour BHL et 6 % pour Alain Finkielkraut.

Comment expliquer un tel engouement à l’égard des intellectuels ?

Pour bon nombre d’examinateurs de la vie politique, cette offensive des intellectuels est surtout une conséquence de la droitisation de la société et d’un désengagement des intellectuels de gauche. Ainsi, derrière le porte-étendard de la droite réactionnaire qu’est Eric Zemmour, Michel Onfray et Alain Finkielkraut sont-ils accusés de "faire le jeu du FN", voire Michel Houellebecq avec son livre Soumission, quand ce n’est pas Régis Debray qui "achève la gauche", comme l’indique le titre du Point sorti le 24 septembre.

A ce propos, L’Express a fait sa couverture la semaine dernière sur les déjeunes secrets d’Eric Zemmour avec Philippe de Villiers et Patrick Buisson. Selon le magazine, l’intellectuel de droite, aidé de ses amis, voudrait "dynamiter l’offre politique avant la présidentielle de 2017", en "fomentant un complot dont le but inavouable est de déstabiliser Nicolas Sarkozy et Alain Juppé". L’objectif pour ces têtes pensantes de la droite : établir des passerelles entre tous les souverainistes, des Républicains jusqu’à l’extrême droite.

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Sur RTL où il officie, le journaliste Alain Duhamel a cependant déclaré qu’il ne croyait "pas vraiment" à la supplantation des politiques par les intellectuels. "Sauf sur un point qui est très important : la crise de l’identité nationale (…) Ils (les intellectuels) sont tous nostalgiques, pessimistes, déclinistes. " Un point de vue que partage Pascal Boniface, auteur des Intellectuels faussaires, qui voit un dénominateur commun aux personnages suscités : "Ils ont tous en commun un rejet de l’islam à des degrés divers et sont dominés par une peur du déclin d’une France blanche. "

"Il y a dans notre pays une crise de la représentation politique"

Pour ce dernier, la médiatisation des intellectuels n’est pas une chose nouvelle. "Ils n’ont pas véritablement quitté le devant de la scène. En France, il y a toujours le prestige de cette figure de l’intellectuel. ", explique-t-il à Planet.fr. Pour autant, le géopolitologue a bien remarqué cette surenchère médiatique autour des philosophes et écrivains, mais y voit une manière pour certains journaux déficitaires de vendre du papier grâce "au goût pour la polémique si cher à la France".

Cependant, cette importance "retrouvée" de l’intellectuel dans le débat a aussi une cause profonde pour Pascal Boniface : "Il y a dans notre pays une crise de la représentation politique, symbolisée par la montée du Front national, et ce vide est comblé par la figure de l’intellectuel." Quant à dire que les penseurs de gauche seraient inexistants, le géopolitologue n’est pas d’accord et regrette que des personnes comme Edgar Morin ou Alain Touraine soient moins médiatisés.

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