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"Votre maillot de bain n’est pas conforme", a insisté le maître nageur, après avoir interpellé Tara Paillard, une française de 27 ans, venue faire ses longueurs à la piscine municipale de Port-Joint (Grand-Besançon ; Doubs, Bourgogne-Franche-Comté). La jeune femme, ainsi qu’elle l’explique à nos confrères de L’Est Républicain, s’apprêtait à s’en aller après 45 minutes d’activité sportive. Son vêtement de bain, a fait savoir son interlocuteur, était trop échancré et ne correspondait donc pas au règlement.
Un camouflet que Tara dit ne pas avoir bien vécu. Elle parle en effet d’une "humiliation". "J’ai eu l’impression d’être une gamine de 14 ans alors que j’en ai 27. J’étais simplement là dans un contexte sportif, pour effectuer des longueurs et me vider la tête après le boulot", détaille-t-elle, non sans préciser sa volonté d’écrire à la mairie. Elle soutient que son maillot de bain était un "tanga" et non un string, lesquels sont effectivement interdits dans l’enceinte du bassin.
Si ce récit fait aujourd’hui l’actualité, c’est précisément parce que la nageuse a décidé de s’exprimer. Mais il serait sot de croire que son cas est isolé.
Son maillot est jugé "trop échancré" pour sa piscine : les hommes ont-ils droit à ce genre de remarques ?
L’an passé, par exemple, une étudiante en lettre se voyait refuser l’entrée au musée d’Orsay en raison de son décolleté jugé "trop plongeant". En 2018, une autre femme faisait face à la même mésaventure mais cette fois au Louvres, rapporte le journal Madmoizelle. Avant Tara, dans ce même établissement, d’autres polémiques similaires avaient éclaté durant l’été 2020. L’histoire que narre la jeune baigneuse demeure donc tristement commune, d’autant plus qu’il est très improbable qu’elle soit la dernière à souffrir ce genre de remarques.
"Ça me révolte, quel est le degré d’échancrure toléré ? C’est suivant sa morphologie ? Est-ce qu’un homme subirait la même réflexion ?", s’interroge d’ailleurs Tara Paillard, qui a décidé qu’elle ne remettrait plus les pieds - ou son maillot ! - dans cet établissement.
Autant de questions pertinentes, qui en disent long sur certaines des injustices et des différences de traitement que connaissent les femmes en France notamment. Car, contrairement à ce que pourraient laisser penser les apparences, tout ceci ne concerne pas réellement - ou alors, en second plan - leurs choix vestimentaires…
"Tenue correcte exigée" : pourquoi la maxime ne s’applique-t-elle (presque) qu’aux femmes ?
"Aujourd’hui comme en d’autres occasions, le sujet se fixe sur la tenue que cette femme portait quand elle est allée nagée. En pratique, pourtant, cela cache un problème plus profond, qui touche au contrôle et à la domination des femmes à travers leurs corps", analyse Aurélie Garnier-Brun, responsable du développement et porte-parole de l’association féministe En avant toute(s). "Cela témoigne de la croyance sexiste que les femmes sont responsables des attitudes que peuvent avoir les hommes à leurs égards. Que ce qu’elles décident ou non de porter justifieraient les actes qui sont commis contre elles", poursuit-elle.
"Parfois, on a reproché aux femmes d’être trop couvertes à la piscine : c’était le cas quand elles portaient des maillots comparables au burkini. Mais on les attaque aussi quand elles montrent trop de peau. Et cela n’a rien d’un incident isolé ! Il y a quelques mois, des lycéennes avaient fait parler d’elle après s’être réunies à la suite de leur exclusion de la salle de classe parce qu’elles portaient des débardeurs. Cela perturbait leurs camarades garçons. Eux avaient pourtant le droit d’en porter", rappelle la représentante associative.
Selon elle, ce deux poids de mesure se constate régulièrement. "Personne n’a de problème avec les hommes qui font leur jogging torse-nu. Ce serait imaginable pour une femme : il suffit que l’une d’entre elle ait le malheur d’allaiter son enfant en public pour risquer de se faire gifler", déplore-t-elle, faisait référence au récit d’une jeune maman Bordelaise, que narre le portail Actu sur son site. Ce genre de violence imposée aux femmes n’est pas nécessairement physique, en témoigne la situation vécue par Tara ou les nombreux problèmes de harcèlement de rue. "Ce sont des problèmes dont il faut parler", rappelle Aurélie Garnier-Brun, dont l’association anime un chat d'accompagnement à destination des personnes victimes ou témoins de violences. Ce dernier, accessible à l’adresse suivante www.commentonsaime.fr, est ouvert du lundi au samedi de 10h à 21h, précise-t-elle.
Ce double standard n’est pas aussi anodin que d’aucuns pourraient le penser. Il ne s’agit pas seulement de s’arroger un droit de regard sur la façon dont s’habillent les uns et les autres. "En fait, il permet de contrôler, mais aussi de sanctionner les femmes. Savoir que l’on risque d’être humiliée en public pour son choix de tenue ou parce que l’on a dû allaiter son enfant, c’est incroyablement excluant. D’autant plus quand on sait que la société toute entière valorise les femmes pour leur physique, placarde leurs corps sur toutes les publicités et que ces injonctions permanentes se retournent finalement contre elles dans des cas comme ceux exposés", détaille encore la militante.
Reste à savoir comment mettre un terme aux volontés de contrôle des femmes et aux dangers très concrets que cela implique. Quelques pistes.
Peut-on protéger les femmes du double standard auquel elles sont exposées ?
Le problème, explique Aurélie Garnier-Brun, vient du regard que les hommes - en tant que groupe social, pas nécessairement en tant qu’individu - portent sur les femmes. Il ne vient pas des vêtements que ces dernières décident de porter. "Certains ont une attitude extrêmement nocive, qui consiste à blâmer la victime pour ce qui lui est arrivé. C’est dangereux à de multiples égards : ça favorise l’impunité des agresseurs, puisque ce n’est jamais de leur faute, mais ça pousse aussi les femmes à intérioriser l’idée qu’elles n’ont pas à se plaindre, qu’elles méritaient ce qu’il s’est passé", rappelle la responsable associative.
Dès lors, l’unique solution durable passe par l’éducation. "Il faut sensibiliser et il faut former. Dans le cadre professionnel, mais pas seulement : on doit s’assurer que les jeunes générations ne reproduisent pas ces comportements dangereux et c’est pour cela qu’on anime un stand up contre le harcèlement de rue. Il s’agit d’outiller les personnes avec des solutions concrètes, qu’elles soient victimes ou témoins, de sortent à ce qu’elles sachent réagir", détaille la féministe.