La France peut-elle être paralysée pendant plusieurs jours après le 5 décembre ?Des manifestants au siège de la RATP le 13 septembre.AFP
Plusieurs organisations syndicales appellent à rejoindre la grève interprofessionnelle du 5 décembre. Un mouvement qui pourrait s'étaler dans la durée.
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La journée du 5 décembre s’annonce des plus compliquées. Selon un sondage Odoxa publié à la fin du mois d’octobre, près de 37% des Français pensent qu’ils seront pénalisés par le mouvement social qui doit avoir lieu dans deux semaines contre la réforme des retraites.

Dans le détail, ils sont 56% parmi les cadres et 57% chez les Franciliens. Une inquiétude qui n’est pas sans fondement après une première journée de mobilisation de la RATP le 13 septembre, qui a notamment conduit à l’arrêt total de plusieurs lignes de métro. Peu de temps après cette première mobilisation, plusieurs syndicats de la RATP ont appelé à une grève "illimitée à partir du 5 décembre" et, au fil des semaines, ils ont été rejoints par d’autres organisations.

Au milieu du mois d’octobre, la CGT, Force Ouvrière, FSU, Solidaires ainsi que quatre organisations de jeunesse ont rejoint le mouvement, appelant à "une première journée de grève interprofessionnelle". Le 8 novembre, c’est la CGT-Cheminots qui a annoncé "le dépôt d’un préavis de grève reconductible par période de vingt-quatre heures".

Le point d’orgue d’une colère longue de plusieurs mois ?

Après un an de contestation, les Gilets jaunes ont décidé, eux aussi, de rejoindre les rangs de la mobilisation, qui pourraient encore grossir avec la participation des agents des services publics, les pompiers et peut-être les soignants, qui ont entamé un mouvement de grève il y a huit mois. Le Conseil national des barreaux, qui représente 70 000 avocats en France, a de son côté appelé à une "journée morte", afin de défendre les régimes autonomes de retraite.

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Interrogé sur l’ampleur de cette mobilisation, le politologue Olivier Rouquan rappelle que "les syndicats sont défensifs depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron" et que plusieurs mobilisations, "assez disparates", ont eu lieu ces dernières semaines. Au vu du nombre d’organisations qui prévoient de participer et de leurs revendications, cette journée du 5 décembre semble s’annoncer comme le point d’orgue d’une colère qui couve depuis plusieurs mois. "Ce moment peut cristalliser une série de colères", confirme le politologue Olivier Rouquan, précisant qu’il y a une "possibilité de cristallisation des mécontentements".

Faut-il avoir peur du 5 décembre ?

Pour de nombreux Français, la mobilisation du 5 décembre pourrait ressembler aux manifestations de décembre 1995, qui ont paralysé la France pendant trois semaines. À cette époque Alain Juppé, qui est alors Premier ministre, présente sa réforme sur les retraites et la Sécurité sociale. Allongement de la durée de cotisation pour les fonctionnaires, frais d’hospitalisation moins bien remboursés et une imposition des allocations familiales cristallisent la colère de nombreux travailleurs. Les transports sont interrompus, les trains en région sont annulés et le service de ramassage des ordures ne fonctionne plus. Après avoir bloqué le pays pendant trois semaines, les manifestants finissent par obtenir gain de cause puisque le gouvernement d’Alain Juppé plie sous la colère de la rue.

Le scenario va-t-il se rejouer ? Selon un sondage BVA publié le 15 novembre, 71% des Français s’attendent à ce que la grève à la SNCF et à la RATP "s’inscrive dans la durée". Une position également défendue par le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez, qui a évoqué auprès de Sud Radio une colère "déjà très forte". Pour Olivier Rouquan, "c’est possible" que le mouvement de contestation dure au-delà du 5 décembre, possible également "que ces mécontentements se cristallisent, qu’ils s’additionnent", car "la contestation de la réforme des retraites ouvre vers d’autres contestations". 

Olivier Rouquan estime pour autant qu'il ne faut pas avoir "peur" de cette journée du 5 décembr, carr le terme est, selon lui "assez dangereux". "Il faut avoir conscience des risques que pose une telle journée, explique-t-il. Un risque pour l’usager des transports publics, un risque pour l’employeur (qui doit notamment mettre en place un système de travail à distance pour ses employés) et un risque pour les manifestants avec une perte de salaire. Ils risquent également d’être pris dans un tourbillon de violences qu’ils ne veulent pas".

À l’ensemble de ces risques s’en ajoute un autre pour les pouvoirs publics, "un risque de désordre, de mouvement qui dure au-delà du 5 décembre", explique Olivier Rouquan.

Que fait le gouvernement ?

Alors qu’il se rapproche dangereusement du 5 décembre, le gouvernement tente d’apaiser les différentes colères et a multiplié les initiatives en ce sens. Lors d’un déplacement à Epernay le 14 novembre, Emmanuel Macron a affirmé qu’il avait "entendu la colère et l’indignation" des personnels soignants et a évoqué un plan d’urgence pour l’hôpital, après huit mois de colère. Le Premier ministre Edouard Philippe est également monté au front, annonçant qu’il recevrait fin novembre les partenaires sociaux pour discuter des retraites.

Le haut-commissaire à la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye va lui aussi tenter de jouer les médiateurs, aux côtés de Jean-Baptiste Djebbari. Les syndicats de la SNCF sont convoqués jeudi 21 novembre pour une table ronde, exactement deux semaines avant la mobilisation annoncée. L’exécutif parviendra-t-il à apaiser la colère des syndicats ? Réponse le 5 décembre.