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Internet : un boulerversement sans précédent pour l'industrie du X
Aujourd’hui, l’essentiel du visionnage de films pornographiques se fait sur des sites de streaming gratuit. Sauf que ce phénomène n’est pas sans conséquence sur le consommateur et sur les différents acteurs de l’industrie. Dans son livre intitulé Porn Valley (Premier parallèle), la journaliste Laureen Ortiz dévoile une enquête fouillée et glaçante sur un business dont le constat est sans appel : hausse de la précarisation des actrices, mise en danger, et films qui se tournent de plus en plus vers des sujets violents.
Ce récit fait écho aux mises en garde qu’avaient déjà adressé l’ancienne actrice et réalisatrice, Ovidie, dans son documentaire Pornocratie. Interrogée par Planet, elle décrypte l’évolution inquiétante du milieu du X.
"Depuis une dizaine d’années, les conditions de travail sont complètement chamboulées par le développement massif du mode de diffusion qu’est internet. La production française s’est effondrée et aujourd’hui les tournages se font surtout aux Etats-Unis puis ensuite en République Tchèque et en Hongrie. Alors qu’avant les filles de l’Est venaient tourner en France, maintenant ce sont les Françaises qui doivent tourner à l’étranger", détaille-t-elle en pointant du doigt les sites gratuits et en évoquant également de nombreuses différences en terme de loi sur le travail.
Résultat, certains garde-fous qui protégeaient les actrices dans l’hexagone, comme le port du préservatif obligatoire, l’interdiction de simulation de viol, d’inceste ou de relation intra-familiale, disparaissent.
"Pendant longtemps la production était protégée par des chaînes comme Canal Plus qui avaient des autorisations de diffusion de contenus pour adultes et qui donc faisaient respecter certaines normes et avaient une charte éthique".
Aujourd’hui, prière donc pour les actrices de ne pas en demander trop mais surtout de se soumettre à de nouvelles normes si elles veulent travailler, avec pour conséquences des scènes plus violentes et dans des scénarios incestueux, et une exposition accrue aux MST et au VIH. Dans ce contexte de paupérisation et d'ubérisation, certaines sociétés de production se sont d’ailleurs spécialisées dans ces contenus, par craintes de fermer. "Cette raréfaction des contrats, il y a eu des effets comme une vague de syphilis en 2012. Les acteurs et actrices avaient peur d’en parler de risque de ne pas pouvoir travailler", ajoute Ovidie qui tient tout de même a préciser que des tournages, même si dans un petit nombre, se déroule toujours dans des conditions de travail respectueuses.
Aux Etats-Unis en revanche, le portrait s’assombrit encore un peu plus.
"Pendant un temps, le porno était devenu une industrie tellement rentable qu’on pouvait se satisfaire de faire du porno pour bien gagner sa vie. Cette période est finie. Maintenant pour gagner de l’argent, il faut faire de l’escorting. Et comme il y a aussi ces problèmes de drogue, il y a besoin d’argent", raconte Laureen Ortiz.
Des plateformes pornographiques qui cachent leur jeu
Derrière ces plateformes gratuites et faciles d’accès se cache notamment un mastodonte, l’entreprise MindGeek. C'est elle qui détient YouPorn, PornHub ou encore RedTube. Basée au Luxembourg, elle dispose de nombreux relais au Canada, en Allemagne, au Royaume-Uni…
"MindGeek est vraiment partout : dans la production, dans les chaînes télé, sur Internet. (…) Sans être présente physiquement, elle gère tout comme un grand manitou et son modèle économique est basé sur le vol de contenus pour les diffuser gratuitement à grande échelle", explique ainsi Laureen Ortiz à La Parisienne, en faisant également part de soupçons de blanchiment d’argent qui pèse sur la société.
D’ailleurs note Ovidie, ces géants du web ne sont pas du tout en contact avec les gens qui font réellement l’industrie du X. "Ils en sont complètement éloignés, ce sont des informaticiens, des gens spécialisés dans le trafic internet, qui n’ont jamais mis les pieds sur un plateau de tournage. Les gens qui détiennent l’argent de ces plateformes sont des experts en montage financiers", précise-t-elle.
Des conséquences à long terme sur le consommateur, les actrices et la société
Si la croissance de la diffusion pornographique sur internet a des répercussions sur les membres de l’industrie, elle en a aussi sur celles qui l’ont quittée.
"Comme ce sont des vidéos volées que l'on trouve sur ces plateformes. Résultat, vous avez des actrices qui ont arrêté il y a 10 ou 15 ans, qui ont construit d’autres choses et changé de carrière, et qui voient leur passé ressurgir, parfois même au milieu de l’open-space de leur nouveau bureau…", raconte Ovidie.
A long terme, cela a aussi des conséquences sur le consommateur et la façon dont il envisage les rapports intimes et ce, dès le plus jeune âge. Une enquête menée en 2017 pour l’Obersatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) montrait que 51% des adolescents entre 15 et 17 ans ont déjà surfé sur un site pornographique. Le gratuit étant particulièrement accessible...
Difficile de prendre à cet âge la distance nécessaire avec qui ce qui est monté à l’écran, car comme le rappelle Ovidie, "le porno est un contenu culturel comme un autre et donc il nous influence et nous façonne. Le problème avec le virage qu’a pris l’industrie en proposant des contenus plus violents, sexistes et stéréotypés, c’est que cela appauvrit et encourage particulièrement les femmes à se conduire d’une certaine façon. Elles se sentent désormais obligées de faire certaines choses", explique qui Ovidie qui dans son dernier livre, A un clic du pire (Anne Carrière), encourage à se réapproprier la "porn culture" pour mieux la décoder. Pour l'ancienne actrice, comme pour l'Open d'ailleurs, il n'est pas question d'interdire le porno mais surtout de mieux éduquer les jeunes en matière de sexualité, de genre et de consentement. Quant aux adultes, elle rappelle que le "porno gratuit n’existe pas. Si c’est une vidéo gratuite, c’est qu’il n’y a pas d’éthique".