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Prout, pipi, caca-boudin. Vous souvenez-vous du jour où votre enfant a utilisé ce langage fleuri pour la première fois, tout en adoptant un air malicieux et une certaine fierté ? Quand ils atteignent l'âge de trois, quatre ans, nos bambins tombent dans ce qui semble être un passage obligé : l'obsession pour les jurons et les blagues scatologiques. Que signifie vraiment les mots “caca-boudin” pour les tout petits ? Comment cette expression, que vous utilisiez déjà pour choquer vos parents à l'époque, se transmet de génération en génération ?
Pour répondre aux questions que peuvent susciter ce terme, Planet a donné la parole à deux spécialistes : l'une, des enfants, et l'autre, du langage. Dr Edwige Antier, pédiatre connue pour ses émissions sur France Inter et pour son rôle parlementaire dans l'abolition de la fessée, nous explique pourquoi l'expression "caca-boudin" est si appréciée des plus petits. Vous pourrez la retrouver dans son dernier livre, Mon enfant en pleine santé (Éditions Eyrolles).
De son côté, Laëtitia Abad Estieu, passionnée de jeux de langage et visage derrière le compte @cestquoicetteinsulte sur Instagram, nous indique comment l'humour scatologique a su s'imposer dans notre vocabulaire comme dans notre quotidien. Elle est par ailleurs autrice du livre Garce, hystérique et autres joyeusetés, co-écrit avec Alice Pfältzer (Éditions Mango). Ensemble, elles s'attachent à découvrir et partager la nature discriminatoire de certaines insultes malheureusement utilisées au quotidien.
Caca-boudin : "Le lexique de la merde n'est pas inhérent au français ou à nos sociétés modernes"
D'où nous vient ce trait d'humour, qui nous fait aussi bien mourir de rire que rougir de honte ? Selon le Dr Edwige Antier, il n'est pas simplement question de traverser les générations, mais aussi "les méridiens de la planète ". "Le fœtus déjà est programmé pour exprimer par ses mimiques les émotions primaires, la joie, le dégoût, la colère… Cette expression ne relève pas d'un apprentissage et n'est pas culturelle. Donc, elle se perpétuera toujours, tout en étant modulée par l'évolution des méthodes d'éducation à la propreté qui ont un impact sur le ressenti de nos enfants", nous explique-t-elle.
Par ailleurs, il semblerait que cette utilisation non seulement du terme "caca-boudin" mais aussi de tout ce qui s'attrait à nos déjections soit ancrée dans l'Histoire. "L'utilisation de la merde en insulte n'est pas récente ", assure l'autrice du compte @cestquoicetteinsulte. "Sur les murs de Pompéi, on pouvait lire cette inscription du 1er siècle ‘cacator, cave malum' soit ‘chieur, gare à toi', prouvant encore une fois que le lexique de la merde n'est pas inhérent au français ou à nos sociétés modernes", souligne-t-elle.
Mais comment le caca parvient-il à rassembler nos enfants, et pourquoi cela les fait tant rire ?
Caca-boudin : un moyen de jurer sans se faire gronder
Un "must de l'humour ". Telle est la définition du caca donnée par Laëtitia Abad Estieu, qui juge que si le juron peut gêner par moments, ce n'est "jamais d'une manière qui fâche réellement". L'occasion, pour les enfants comme pour les adultes, de s'engouffrer dans une brèche : "Nommer le tabou scatologique permet le plus souvent de rire ensemble et non aux dépens de l'autre", nous assure-t-elle. Si le terme permet de jurer sans se faire gronder, il y a d'autres éléments qui le rendent si précieux aux yeux des plus jeunes.
"Ayant exercé sous tous les cieux, j'ai pu constater que ‘caca-boudin' est une expression universelle,à l'âge de 3-4 ans. Les parents sont choqués de l'entendre de la bouche de leur petite fille élevée de façon si délicate… Ils disent tout de suite : 'Elle apprend ça à l'école, où il y a des enfants mal-élevés'. Ils ne réalisent pas pourquoi leur trésor a été si réjoui d'entendre ses pairs s'exclamer Caca-boudin, et quelle jouissance elle éprouve en l'exclamant…", constate la pédiatre.
Selon elle, ce mot correspond bien souvent à deux émotions universelles. D'abord, "l'émotion primaire du ressenti intestinal et de la joie de parvenir à l'expulsion". Ensuite, "l'émotion secondaire de la peur du ressenti des adultes (…) et de la honte du dégoût inspiré par le nettoyage".
Une position partagée par Laëtitia Abad Estieu, qui souligne que "le caca, dans tous ses états, est au haut de la pyramide de ce qui salit". "Dès le plus jeune âge, nos parents s'évertuent d'ailleurs à éviter de le nommer, et parlerons ‘popo' ou autres ‘aller au pot'. C'est à ce moment charnière que l'enfant comprend généralement que ce qui sort de son corps, sur ce fameux pot, est hautement tabou. Il ou elle ne doit pas le toucher, ne doit pas le trimballer, ne doit pas en peindre les murs", poursuit-elle.
Et pourtant ! Les enfants sont loin d'être les seuls à utiliser un champ lexical tout droit sorti du petit coin pour s'exprimer au quotidien…
Caca-boudin : les insultes scatologiques, incontournables du "rire ensemble" ?
D'après Dr Edwige Antier, l'expression "caca-boudin" disparaît du langage enfantin aux alentours de la quatrième année. Cela ne l'empêchera toutefois pas de revenir dans la bouche des adultes ! "Son usage par les plus grands a valeur d'insulte", note-t-elle. Avec l'âge, les insultes scatologiques perdurent mais prennent simplement d'autres formes considérées comme plus matures.
"Les insultes scatologiques étant par essence des insultes inclusives, elles sont très présentes dans le livre que nous avons écrit avec Alice Pfältzer. On découvre ainsi que le premier ‘caca-boudin' enfantin est décliné dans une infinité de termes plus ‘adultes', de l'emmerdeur au sac à merde, en passant par l'enfoiré", explique Laëtitia Abad Estieu.
Plus encore, ces insultes sont les plus inclusives qui soient : "La défécation concerne toute l'humanité, même si elle prend parfois des formes différentes. Ici donc, pas de discrimination possible, pas d'insulte qui touche à notre genre, nos origines ou nos capacités intellectuelles car le caca remet tout le monde sur le même plan. On le produit tous et toutes !", conclut-elle.