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Justice : Emmanuel Macron peut-il être mis en danger sur l’affaire des comptes de campagne ?
Ils sont sur toutes les langues – ou en tout cas les plumes. Les comptes de campagne du candidat Emmanuel Macron font couler beaucoup d’encre, notamment depuis les révélations de France Info. En effet, d’après les informations de la radio publique, le président aurait bénéficié de tarifs ultra-compétitifs durant la campagne… Lesquelles correspondraient en vérité à des aides dissimulées.
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Depuis, La République en Marche (LREM) s’est expliquée en publiant un texte visant à démonter différents arguments avancés par France Info. "Nous sommes accusés d’avoir bénéficié de 10 000€ de remise sur la location pour une soirée du théâtre Bobino, à Paris. Les journalistes s’appuient sur le prix facturé usuellement par la salle aux entreprises privées pour estimer cette remise illégale. Mais pour les associations à but non lucratif – ce qu’est la campagne d’Emmanuel Macron – avait déjà pratiqué des prix similaires à ceux dont nous avons bénéficié, et même été mis à disposition gratuitement", écrit le parti. Malgré ces nouveaux éléments, France Info maintient ses accusations, estimant que de tels tarifs sont légaux quand il est question d’associations, mais pas quand ils sont appliqués à des candidats à l’élection présidentielle.
Techniquement, les comptes de campagne du candidat Macron ont été validés par la Commission nationales des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Toutefois, si en pratique, le financement de la campagne du président s’avérait illégal, serait-il possible de le mettre en cause ? Pas vraiment, explique Maître Guillaume Jeanson, qui exerce au barreau de Paris. D’après le porte-parole de l’Institut pour la Justice, un think-tank fondé en 2007 souvent rangé à droite, l’immunité présidentielle protège Emmanuel Macron, ainsi que ses prédécesseurs. "
Emmanuel Macron est président de la République. Mécaniquement, son statut lui permet de bénéficier d’une immunité de forme qui le rend fondamentalement intouchable aussi longtemps qu’il exercera ses fonctions", indique-t-il.
Justice : les limites de l’immunité présidentielle
Est-ce à dire qu’il serait impossible d’engager la responsabilité d’un président de la République pendant le cours de son mandat ? "L’immunité présidentielle, telle que décrite dans l’article 67 de la constitution de 1958, soustrait le président à tout acte de procédure", rappelle l’avocat. Le président Jacques Chirac y avait d’ailleurs fait appel pour ne pas avoir répondre aux questions de la justice pendant l’affaire Clearstream. "Au cours de son mandat, le chef de le statut du chef de l’état est très sanctuarisé. Il bénéficie d’une quasi-irresponsabilité. La mise en jeu de sa responsabilité demeure extrêmement théorique", assure Maître Jeanson.
En pratique, il serait possible de destituer le président de la République, s’il se rendait coupable de certains faits. Avant la révision constitutionnelle de 2007, il suffisait de 13 parlementaires réunis en Haute Cour pour destituer un chef de l’Etat, indique Le Parisien. Aujourd’hui, il en faudrait 617. Pour le constitutionnaliste Pascal Jan, qui répond au quotidien, la mise en cause d’un chef de l’Etat est possible dans certaines conditions. "Si un chef de l’Etat était gravement mis en accusation dans une affaire de corruption semblable à celle qui a éclaté au Brésil, rien n’empêcherait qu’une procédure pour destitution soit mise en œuvre. La seule difficulté vient du fait qu’en France, le président a le soutien d’une majorité législative et qu’il faudrait le vote conforme des assemblées. On peut penser qu’il y aurait au moins une chambre qui ne remettrait pas en cause le mandat présidentiel", explique-t-il. C’est d’autant plus vrai en cas de premier mandat, selon lui, parce que durant le second la majorité parlementaire ne dépend plus du président en exercice pour sa réélection.
La procédure de destitution ne peut être engagée qu’en cas de "manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat, indique l’article 68 de la Constitution. Par ailleurs, cette immunité demeure limitée au niveau international comme le rapporte Le Point. Le président peut donc être poursuivi par la Cour pénale internationale en cas de crimes contre l’humanité, de génocide, de crimes de guerre…
En France, l’immunité présidentielle s’arrête un mois après la fin de son mandat. A partir de là, les procédures peuvent reprendre. "L’immunité présidentielle a vocation à éviter les tentatives de déstabilisation du président. Pas à faire de lui un citoyen au dessus des lois. Elle prévoit donc la possibilité qu’il fasse l’objet de procédures à l’issu de son mandat. La protection n’est que temporaire et n’a pas d’impact sur les durées de prescription : elle se contente de les suspendre", conclut Guillaume Jeanson.