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Emmanuel Macron va-t-il changer de premier Ministre ?
Les sondages se succèdent et, globalement, se ressemblent : Emmanuel Macron s'accroche tandis que la côte du premier Ministre, Edouard Philippe continue de baisser. Assez discret dans les médias, le chef du gouvernement défraie la chronique nettement moins souvent que le président de la République. Pour Bruno Jeudy, rédacteur en chef des rubriques politique et économie de Paris Match, l'ancien maire du Havre "pâtit du printemps social". Selon un récent sondage Ifop-Fiducial, il enregistre une nouvelle baisse un après sa nomination et s'affiche à 44% d'opinions favorables. Depuis janvier 2018, c'est une chute de 15 points. D'après les informations de Paris Match, c'est auprès de l'électorat Les Républicains (LR) qu'il recule le plus (46%, -10) et à gauche (31%, -7%). Bruno Jeudy y voit le prix de son silence. Selon lui, Edouard Philippe est littéralement "eclipsé par l'activisme d'Emmanuel Macron" et ne serait "pas très audible sur les conflits sociaux". De quoi inquiéter le locataire de Matignon ? Peut être. D'autant plus qu'une partie considérable de l'électorat de droite semble désormais au moins s'accomoder du président de la République puisqu'il bénéficie du soutien d'un électeur Les Républicains sur deux.
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"Pour le moment Edouard Philippe n'est pas en danger", assure de son côté Bruno Cautrès, politologue, enseignant à Sciences-Po et chercheur CNRS au CEVIPOF. "Il est vrai qu'Emmanuel Macron recule moins que ne le fait Edouard Philippe. Toutefois, les deux restent relativement associés selon un modèle assez classique de popularité de l'exécutif", poursuit-il. "Un décrochage complet dans l'opinion peut mettre un premier Ministre en danger. Toutefois Edouard Philippe ne chute pas assez pour que ce soit le cas", détaille le chercheur pour qui, fondamentalement, trois situations sont susceptibles de contraindre un président de la République a changé de premier Ministre. "S'il y a une erreur grave ou un blocage, du fait du premier Ministre, de la conduite de la politique c'est quelque chose qui s'envisage. Cela peut également être le cas si le premier Ministre perd, pour une raison ou pour une autre, la confiance du président", ajoute l'enseignant. Une rivalité au sommet de l'Etat où un premier Ministre susceptible de faire de l'ombre au président font également parti des cas qu'il mentionne. "En outre, si les résultats économiques tardent à arriver où si on constate un certain essoufflement de la popularité du premier Ministre, il peut être politiquement menacé". A ses yeux, Edouard Philippe bénéficie encore d'un "attentisme bienveillant". "Sa discrétion contribue d'ailleurs au caractère studieux et sérieux de son image", insiste Bruno Cautrès qui rappelle qu'à droite, les premiers Ministres discrets sont assez appréciés et que l'ancien maire du Havre aurait pu montrer davantage de répondant, voire faire de l'ombre à Emmanuel Macron. "C'est ce qui ressortait de son discours de politique générale. Toutefois, il n'est pas allé dans ce sens, finalement."
Ce qui ne veut pas dire que le maintien d'Edouard Philippe ne soit pas sans inconvénient. "Indéniablement, Edouard Philippe peine à trouver son image et sa discrétion n'est pas seulement un point fort. Cependant, si Emmanuel Macron est à ce point en première ligne, c'est aussi parce qu'il le souhaite", tempère le professeur à l'Institut d'Etudes Politiques (IEP, Sciences-Po), qui souligne aussi une différence sociologique entre les deux hommes. "Edouard Philippe est plus ancré à droite et vers le centre-droit", indique-t-il. Enfin, la timidité et l'absence de prise de risque du premier Ministre, mis en avant par Le Monde pourrait à terme poser un autre problème. "Compte-tenu de son très fort engagement, il est fort probable qu'Emmanuel Macron paye le prix de sa présence sur le terrain. Le premier Ministre endosse généralement le rôle de soupape, qu'Edouard Philippe ne pourra pas incarner le moment venu, dans la mesure où il sera très compliqué de faire oublier que les réformes entreprises sont impulsées directement par l'Elysée. Si la crise sociale persiste, cette situation pourrait un jour poser un point d'interrogation", explique le politologue.
Changer de premier Ministre : une mesure politiquement très coûteuse
Cependant, en dépit de ces inconvénients potentiels, un changement de premier Ministre demeure exclu dans l'immédiat. "C'est une opération politiquement très coûteuse puisqu'elle revient à reconnaître une situation d'échec. Par ailleurs, elle nécessiterait une narration politique alambiquée pour expliquer que cet échec ne repose pas sur Emmanuel Macron", commence Bruno Cautrès. "Généralement, même quand un président de la République pense à changer de premier Ministre il ne le fait qu'une fois au pied du mur. Nicolas Sarkozy aurait voulu se détacher de François Fillon sur la fin de son mandat, probablement pour nommer Jean-Louis Borloo. Il n'en a pas eu l'occasion. Quant à Jean-Marc Ayrault, il a été sacrifié uniquement après la gifle électorale essuyée par le PS aux municipales, en 2014." Les résultats des élections européennes sont théoriquement susceptibles de jouer en la défaveur d'Edouard Philippe, donc, mais rien n'indique un risque particulier.
Autre raison pour laquelle Edouard Philippe n'a pas tant de soucis à se faire : la stratégie d'Emmanuel Macron qui vise à ne laisser aucun espace politique à la droite. "Le président de la République ne veut pas donner de grain à moudre à la droite républicaine, tout particulièrement quand Laurent Wauquiez peine à rassembler toutes les sensibilités de sa famille politique. Il s'agit d'un vivier d'électeurs que le chef de l'Etat peut espérer capter en partie", explique l'enseignant-chercheur. "Le président de la République part du principe que le Parti Socialiste (PS) est mort et que son opposition à gauche est incarnée par la France Insoumise, contre qui il pense gagner." Raison de plus pour surveiller sa droite et choyer les électeurs qu'il a réussi à conquérir ? "Le lien qu'il entretient avec cet électorat est encore récent. Changer de premier Ministre pourrait le brouiller avec", confirme Bruno Cautrès.