Chaque fin d’année, Google dévoile son classement des dernières tendances de recherche en France et dans le monde. Tour d'horizon des sujets qui ont marqué l’année 2024 en France.
Visage phare du monde de la mode, Cindy Bruna a pour habitude d’être sous le feu des projecteurs sur les tapis rouges et les défilés. Balmain, Calvin Klein, Jean-Paul Gaultier, L'Oréal… Ces grandes marques ont habillé cette jolie métisse originaire de Saint-Raphaël. Pourtant, derrière les strass et les paillettes, la jeune femme de 27 ans a longtemps caché une certaine souffrance dans sa vie privée.
Pour la première fois, la mannequin Cindy Bruna brise le silence et raconte son enfancesous l’enfer des violences conjugales et domestiques. À travers son autobiographie Le jour où j’ai arrêté d’avoir peur, qui paraît ce mercredi 1er juin aux éditions HarperCollins, elle revient sur les moments difficiles que sa mère a subis sous les coups de son beau-père alcoolique et violent, ainsi que l’impact de cet épisode dramatique sur elle et sa grande sœur, toutes deux victimes collatérales. Une parole libérée, poignante et nécessaire à découvrir dans son entretien pour Planet.
La première fois où j’ai craint pour la vie de ma maman, je devais avoir 10 ans
Planet : Votre nom est connu dans le monde entier, mais avant d’être célèbre… À quoi aspirait la jeune Cindy ? Quels étaient ses rêves d'enfant ?
Cindy Bruna : Petite, j’étais plutôt timide et réservée, je n’avais pas assez confiance en moi. J’avais l’ambition de faire des études d’expert-comptable, quelque chose d’assez simple. Je ne savais pas que le mannequinat était un métier et que l'on pouvait avoir une carrière.
On vous voit sur les podiums lors de défilés et sur les réseaux sociaux. Vous considérez-vous comme un modèle pour les jeunes filles qui s’identifient à vous ?
Je ne me permettrai pas de l'affirmer parce que je ne trouve pas ça très humble. J’essaye en tout cas d’être au plus proche de mes valeurs et de véhiculer ce que je suis. Je ne tente pas d’inspirer, mais je suis telle que je suis, en espérant que ça puisse inspirer d’autres personnes.
Née d’un père italien et une mère congolaise, vos parents se séparent durant votre enfance. Comment avez-vous vécu cette épreuve ?
J’étais beaucoup trop jeune pour m’en rendre compte. Je n’ai pas vécu la séparation de mes parents de manière consciente parce que j’étais encore bébé. Je n’avais pas ce recul pour comprendre ce genre d’épreuve.
Votre mère a refait sa vie avec un autre homme qui vit avec vous et votre sœur. À partir de quel moment êtes-vous confrontée aux violences domestiques au quotidien ?
La première fois où j’ai craint pour la vie de ma maman, je devais avoir 10 ans. Je n’étais pas encore au collège, c’était durant mes années en primaire...
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La violence s’est installée progressivement
Planet : Avez-vous des souvenirs marquants qui vous ont bouleversés ?
Cindy Bruna : Tous ces moments sont dans le livre. C’est toujours compliqué de revenir dessus puisque ça m’a pris beaucoup de temps pour l’écrire. Mais, ce moment dans le livre où ma maman est de l’autre côté de la porte. Je l’entends appeler à l’aide et j’entends qu’elle est en lutte. Il y a ce moment d’impuissance en tant qu’enfant. La porte est fermée, je ne sais pas quoi faire, mais j’ai vraiment ce sentiment que ma maman va mourir. Je suis déjà très jeune, mais je perds mon insouciance et mon enfance à ce moment-là. Depuis ce jour-là, la peur ne va plus vraiment me quitter.
Comment faites-vous pour survivre à cette épreuve ?
C’est ma grande sœur qui m’aide à le vivre finalement parce que l'on est toutes les trois avec ma maman. On est finalement plus fortes en nombre, à trois contre lui. Même si l'on ne s’en rend pas compte directement. Mais, avec le recul, je sais qu’on a été très soudées et ça nous a permis de tenir. Ma sœur était plus grande, donc elle comprenait plus de choses et elle allait à l’affrontement. C’est-à-dire qu’elle lui tenait tête, ce que moi, je ne faisais pas. Elle était la première barrière et je me tenais derrière elle.
Et, puis il avait cette volonté de ne pas faire de vagues. Très vite, je me suis rendu compte que je devais être perfectionniste, bonne élève à l’école et que je ne pose pas de problèmes à ma maman. Que l'on ne fasse pas trop de bruits à table, que je ne sois pas la cause d’un problème.
Avez-vous reçu du soutien d’autres membres de votre famille (vos grands-parents, par exemple) ? Ils étaient au courant de ce que vous traversiez ?
Pas complètement, il faut savoir que ma maman a vécu ce déracinement du Congo quand elle est venue en France. Elle fait partie de la première génération d’immigrés, elle était seule et isolée quand elle a rencontré ce monsieur. La violence s’est installée progressivement, on n’a pas ce sentiment d’être victimisée. Rien que de l’identifier, c’est déjà un grand pas. Et, il y a ce silence, ce tabou qui s’installe sans même qu’on s’en aperçoit. On n’en parle pas entre nous et on n’en parle pas à l’extérieur. En tant que co-victime, j’ai eu ce double sentiment : soit, on est un cas isolé et ça arrive quasiment à peu de monde ; à une époque où l’on manque d’information et de prévention sur le sujet, soit c’est la normalité et les disputes de grands, c'est comme ça. Ce n’est pas parce que ça se passe dans la sphère privée du foyer que ça en fait une affaire privée. Au contraire, c'est un fléau de société qui touche tout le monde et il n’a pas de frontières. On a tous une responsabilité quand on lit le livre. Des personnes auraient pu s’en mêler, il y avait plein d’acteurs autour de nous. Et, pourtant, ils ne se sont pas tous manifestés de la même manière.
Vous avez gardé ce passé sous silence jusqu’au "jour où vous avez arrêté d’avoir peur". Quel a été le déclic ?
Ce déclic a été la prise de parole. Ça rejoint beaucoup ce que je fais actuellement aujourd’hui. C’est comme si je me libérais de mon histoire et de lui deux fois. Ma prise de parole n’a jamais été prise sur un coup de tête parce qu’avant j’avais cette peur. Et ma sœur le faisait pour moi. Quand elle a déménagé à ses 18 ans, je me suis retrouvé seule à défendre ma maman, ou du moins essayer de la protéger. Ça a été beaucoup sur mes épaules et c’est vrai qu’il y a un jour où sans m’en apercevoir, je l’avais (son beau-père, NDLR) insulté. Quelque chose que j’avais fait dans ma chambre cachée avec la porte fermée. Frontalement, j’étais trop bien élevée pour me le permettre. Donc, je ne me suis pas rendue compte et c’est sorti tout seul. Je l’ai répété et répété. Ça m’a libéré et je me suis rendu compte que juste après cette fois-ci, rien ne s’était passé. Il n’y a pas eu tant de réactions, finalement je pouvais aussi lui renvoyer ma… Et, même sa haine au visage. C’était le moment de ne plus rester sous silence. Je ne lui trouve plus d’excuses. Non, ce n’est pas l’alcool qui le rend violent. Non, il n’a pas besoin de guérir, il n’est pas malade, mais violent. Et, nous ne sommes pas coupables. À partir de là, il y a une rébellion qui se fait intérieurement, qui me libère du silence. Aujourd'hui, je prends la parole parce que je n’aurai pas pu le faire avant. Cette histoire est celle de ma maman, je ne me permettais pas d’en parler sans son approbation. En m’engageant aux côtés de Solidarités Femmes depuis 2017, j’ai pu échanger avec des femmes où je reconnaissais leur histoire dans mon histoire.
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Mon cœur a toujours été porté pour la cause des femmes
Planet : Votre autobiographie sort trois jours après la fête des Mères. Est-ce que cette sortie est un symbole, un hommage à votre mère et à toutes les femmes ?
Cindy Bruna : Ce n’était pas prémédité. Mais, c’est vrai que c’est parfait !
Vous êtes suivie par 1,5 million d’abonnés sur Instagram. Est-ce que les réseaux sociaux peuvent permettre à votre livre de trouver un plus grand écho auprès de votre communauté ?
Je pense que les réseaux sociaux aident à avoir une audience. J’ai l’impression d’avoir noué de vrais liens avec les personnes qui me suivent. J’imagine que les premiers m’ont suivi depuis quelques années. C’est vrai que sur cette plateforme, je montre le glamour, mes activités, ma réussite, mais en même temps, ce qu’il faut aussi montrer c’est cette vérité. Il était important aussi pour moi de me dévoiler. J’ai montré des moments qui ont été difficiles dans ma vie comme la perte de mon père. On a envie de se cacher de ces choses-là, de montrer que tout va bien dans le meilleur des mondes. La vérité, c’est qu’on est juste humain et on passe par des moments compliqués. D’autres gens peuvent se sentir concernés et j’ai manqué de ça quand j’étais petite. Je n’avais pas la prévention, les discours qui résonnaient avec mon histoire. J’aimerais aujourd’hui que les femmes concernées puissent y trouver un écho, ce serait déjà une victoire. L’idée est vraiment que ce livre serve aux autres : comme à moi et ma famille, il nous a complètement libérés. On a pu avoir des conversations qu’on n’a jamais eu. De mon côté, le travail a été fait avec engagement.
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En tant que marraine de Solidarités Femmes, avez-vous d’autres projets à mener avec l’association ou d’autres collectifs ?
Mon cœur a toujours été porté pour la cause des femmes. Je suis la marraine de Solidarités femmes depuis mes 23 ans. Quand j’ai été aux États-Unis, j’ai pu aussi m’engager avec plusieurs œuvres. Mon engagement, il est au quotidien et prend plusieurs formes auprès de plusieurs associations. On a tous notre place et on peut tous faire partie de la solution, mais il faut juste agir et être dans l’action. Il ne suffit pas de faire de grandes actions, même la plus petite aura un impact positif.
Avant vous, plusieurs célébrités ont pris la parole pour témoigner de leur histoire à travers des livres dont certains ont été adaptés à l’écran. Est-ce que vous aimeriez voir un jour votre projet porté au cinéma ou à la télévision ?
C’est vrai que j’y ai pensé en écrivant ce livre. Je ne suis pas contre l’idée, mais je voulais que ce projet touche le plus de personnes possibles. Après, je l’ai fait pour ma famille, pour les femmes. Pour ma part, c’était important que ça passe par l’écriture. Je n’aurais pas pu faire le contraire. Passer par l’écriture a été pour moi très thérapeutique.
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