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L’argot comme "meilleure compréhension intergénérationnelle"
"Avoir le seum", "badass", "c’est chelou" ou encore "DTC" ! La signification de ces expressions venues d’un autre temps vous semble totalement étrangère ? Vous pensez que seuls les jeunes de moins de 20-30 ans maîtrisent l’argot ? Pas de panique, inutile d’avoir fait bac+5 (option verlan) pour en maitriser les rudiments.
Histoire de vous rassurer également : le but n’est pas de vous donner un cours de langue argotique, couramment employée par vos enfants, petits-enfants ou encore vos jeunes voisins du quartier. Mais pour vous éclairer sur le sujet, certains auteurs se sont intéressés à ce phénomène linguistique venu des milieux populaires, s’imposant de plus en plus dans la langue française.
Pour expliquer le caractère familier de ce type de langage, l’écrivain Benjamin Valliet a publié une compilation de mots et expressions argotiques réunie dans Lexique ta mère. Un titre au jeu de mots très explicite et une couverture humoristique (une personne âgée interpellant deux jeunes : "wesh les frères, bien ou bien", ndlr) "permettant une meilleure compréhension du langage pour toutes les générations", assure l’auteur de 42 ans à Planet.
Dans son livre, Benjamin Valliet présente un mot d’argot dont il donne sa définition. Puis il transcrit le mot dans une phrase argotique, avant de le traduire en langage soutenu. "Par exemple, l’acronyme YOLO ou "You Only Live Once" (on ne vit qu’une fois, en anglais) est devenue le nouveau Carpe Diem d’Horace pour les ados", dit l’écrivain originaire du Nord. "Le caractère sociétal du livre est une meilleure compréhension intergénérationnelle". Ainsi les adultes et seniors apprennent les rudiments de l’argot des ados, tandis que les jeunes peuvent également enrichir leur vocabulaire avec les traductions en langage soutenu.
Le rap a popularisé le langage argotique
A l’origine, l’argot est un langage crée par les "dominés" (classes populaires) pour ne pas être compris des "dominants" (classes supérieures). Mais cette tendance tend aujourd’hui à se démocratiser due à son accessibilité grâce à la culture urbaine. Si Renaud s’est essayé au verlan avec sa chanson "Laisse béton" (laisse tomber) en 1977, c’est bien le rap qui a popularisé le langage argotique.
Pour Benjamin Valliet, "le rap est devenu la nouvelle variété". Il justifie sa pensée. "Les rappeurs vendent énormément de disques. La culture musicale est extrêmement importante pour les adolescents. Ils vont idéaliser ces rappeurs, ce sont des modèles pour eux". A l’image des frères toulousains Bigflo et Oli ou l’ovni marseillais JUL, les idoles des "milléniaux" (ou génération Y) sont devenus des artistes qui touchent un large public.
Mais ces expressions tirées de morceaux urbains ne sont pas encore à portée de tous les adultes et seniors. "En catchana, baby, tu dead ça" ou "Y’a R", ça vous parle ? Et pourtant, ces paroles ont été fredonnées à plein poumons par des millions des Français. La faute à qui ? Aya Nakamura et son célèbre tube "Djadja".
Fort heureusement, un jeune chanteur belge a eu l’idée de réinterpréter cette chanson en langage soutenu. Une "idée marrante" pour l’écrivain et enseignant, malgré la signification controversée des paroles "chantées par de jeunes enfants".
Les seniors réactionnaires ou ouverts d’esprit face à l’argot ?
Si l’argot s’est imposé dans notre quotidien, dans toutes les classes sociales grâce à la musique (mais aussi aux réseaux sociaux), Benjamin Valliet estime que cette langue vivante censée rapprocher les générations peut trouver ses limites. "Il y a des personnes âgées qui sont extrêmement réticentes au langage des jeunes. Ils vont même le prendre comme un manque de politesse et de respect".
A l’inverse, certains adultes et seniors s’ouvrent à la culture argotique. "Ils vont commencer à employer des mots de jeunes sans s’en rendre compte", remarque l’écrivain. "J’ai eu pas mal de retours de gens qui ont lu ça (Lexique ta mère, ndlr) avec leurs ados. Maintenant les parents et grands-parents peuvent comprendre leur langage". Et comme un échange de bons procédés, rien ne vous empêche d’enseigner quelques expressions d’antan à vos chères têtes blondes.