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Deux vies en une. Les écrits libertins, suggestifs voire même érotiques ont accompagné la naissance de la littérature, bien avant l’apparition de la collection Harlequin. Durant l’Antiquité, le poète latin Ovide est l’auteur d’une véritable initiation à la séduction avec L’Art d’aimer. Plusieurs centaines d’années plus tard, en plein Moyen-Âge, les romans courtois de Chrétien de Troyes font office d’initiation à l’amour. Au XVIIIe siècle, c’est Pierre Choderlos de Laclos qui publie ses Liaisons dangereuses, correspondance épistolaire entre deux libertins du siècle des Lumières.
Pape et écrivain : les deux vies de Pie II
Entre ces différents noms de la littérature s’inscrit celui d’un pape, auteur lui aussi d’un livre érotique. Nous sommes au début du XVe siècle, entre Moyen-Âge et Renaissance, lorsque naît Enea Silvio Piccolomini, qui prendra le nom pontifical de Pie II des dizaines d’années plus tard. Passionné de littérature, le jeune homme suit les néanmoins la volonté de son père et étudie le droit, avant de devenir secrétaire au concile de Bâle (1431-1441), puis de mener des missions diplomatiques à l’étranger.
À ce moment-là, Enea Sivio Piccolomini mène une vie bien éloignée de la papauté et publie de nombreuses œuvres poétiques et romanesques, pour lesquelles il est récompensé par l’empereur Frédéric III, qui règne alors sur le Saint-Empire. Il ne rejoint la papauté qu’en 1446, en tant qu’évêque de Trieste, puis cardinal en 1456, avant de devenir le pape Pie II en 1458. Quatorze ans avant de prendre la tête de l’Eglise, celui qu’on appelle désormais Pie II est pourtant l’auteur d’un un roman amoureux - dont certains passages sont plus érotiques que courtois - baptisé Histoire de deux amants. Il raconte la relation tumultueuse et interdite de deux jeunes gens…
"Ô noble poitrine" : le livre érotique du pape
Ecrite en 1444, l’Histoire de deux amants imagine la rencontre entre une jeune bourgeoise mariée et un membre de la suite du duc d’Autriche, de passage dans la ville de Sienne. Fous amoureux l’un de l’autre, les deux jeunes gens échangent des missives parfois enflammées, par le biais d’un intermédiaire qui garde leur secret. Cette histoire d’amour s’achève brutalement avec le départ de l’amant pour son pays d’origine, qui contraint la jeune mariée à retrouver son mari jaloux. Voici un extrait de l’œuvre de Pie II, cité dans une étude disponible en ligne.
"Qu’il y a-t-il de plus beau, de plus resplendissant que ce corps ? (…) Ô noble poitrine, ô seins qui s’offrent à la caresse, est-ce vous que je touche, vous que je tiens, vous sur lesquels tombent mes mains ? Ô douces formes, ô corps parfumé, est-ce bien toi que je tiens ?"
Si, dans ses écrits, le futur Pie II s'est laissé aller à la légèreté, son pontificat a été bien plus conservateur que son roman érotique...
Pie II, plus conservateur qu'il n'en a l'air
Durant les six années de son pontificat, entre 1458 et 1464, Pie II s'est montré plus conservateur que ce qu'espéraient certains humanistes de l'époque. Alors que les Turcs viennent de s'emparer de Constantinople et menacent la chrétienté, le nouveau pape place tous ses efforts dans les croisades, puis déclare la guerre aux Ottomans en 1462.
Souffrant de la goutte depuis plusieurs années, Pie II meurt d'épuisement le 15 août 1464, à l'âge de 58 ans. 500 ans plus tard, il reste surtout connu, aujourd'hui, pour cet écrit érotique, qui ne cesse de surprendre lorsqu'on découvre la seconde vie de son auteur...