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Des personnages sincères, sans cliché
Qu'est-ce qui vous a touché dans le scénario d'Iliana Lolic et dans le personnage de Matteo ?
Stefano Accorsi : "Les clichés sont absents du récit d'Iliana, et je réalise qu'au cinéma, on est toujours beaucoup plus surpris par la sincérité, la vérité d'un personnage, plutôt que par des stéréotypes. Ce film raconte l'histoire d'une héroïne à part : une femme jolie et intelligente, mais qui n'a pas les mêmes "filtres" que les autres.
Cette différence, parce qu'on la découvre au fur et à mesure que l'histoire avance, m'a tenu jusqu'au bout dans ma lecture du scénario : on ne comprend pas toujours immédiatement où le récit nous mène, et c'est ce qui est passionnant.
Avec Matteo, j'ai aimé que ce personnage d'écrivain "bloqué" ne réalise pas tout de suite que l'histoire qu'il cherche lui tombe dessus en la personne d'Adèle. C'est souvent comme cela que les choses se passent dans la vie : on croit être sur le bon chemin et l'on réalise après coup que ce que l'on cherchait se trouvait juste à côté de nous.
Ce personnage d'écrivain m'a fait penser à une interview de Roberto Saviano - l'auteur de ''Gomorra'' - dans laquelle il évoquait le commentaire d'un critique à qui il avait envoyé l'un de ses premiers récits. Celui-ci l'avait félicité pour son style, mais il estimait qu'il écrivait n'importe quoi. Il lui avait donné ce conseil : "Descends dans la rue, regarde autour de toi, et écris quelque chose d'authentique !". C'est exactement la même chose pour Matteo : on le découvre solitaire et perdu, mais il retrouve le goût d'écrire une fois que la vie vient le nourrir."
Un héros très discret...
On sait très peu de choses de Matteo : comment avez-vous construit ce personnage ?
Stefano Accorsi : "Effectivement, il ne parle pas beaucoup de lui. Du coup, j'ai forcément imaginé ce qu'avait été sa vie, mais vous raconter toute son histoire serait un peu fastidieux ! Disons que c'est un homme qui traverse une période de sa vie peu lumineuse, et que sa rencontre avec Adèle le reconnecte avec le moment présent.
Elle lui permet aussi de récupérer un début de rapport avec sa fille."
L'immobilité à l'écran
C'est un personnage que l'on voit le plus souvent assis derrière son ordinateur : une difficulté supplémentaire pour le faire vivre à l'écran ?
Stefano Accorsi : "Non, car les scènes sont vraiment très bien écrites, et beaucoup se jouent dans les rapports de Matteo à Adèle : on n'est pas obligé de bouger pour raconter une rencontre. Il y avait aussi beaucoup de petites choses sur lesquelles s'appuyer pour faire vivre physiquement le personnage : son rapport à l'espace - puisque c'est un habitué du café où ils se rencontrent - ce qu'il commande, les cigarettes qu'il ne fume pas ...
Même en étant statique, le regard que porte Matteo sur ce qui se passe au-dehors, ce qu'il observe par la fenêtre, en dit aussi beaucoup sur son rapport au monde."
Jouer en français : un avantage
Votre français est impeccable : pour autant, diriez-vous que votre jeu est influencé par le fait de ne pas vous exprimer dans votre langue maternelle ?
Stefano Accorsi : "J'ai récemment passé des essais avec une comédienne à Rome, alors qu'il y avait un moment que je n'avais pas tourné de film en italien. Dans un premier temps, j'ai étrangement eu la sensation d'être moins capable qu'en français, de moins maîtriser ma voix. J'ai rapidement retrouvé un rapport " intime " à cette voix, mais je me suis rendu compte que le fait de ne pas jouer dans sa langue maternelle accentuait la sensation de porter un masque.
Du coup, on se sent plus protégé, et donc plus libre de tenter des choses."
Une grande complicité entre acteurs
Quels étaient vos rapports avec Sylvie Testud sur le tournage ? Avez-vous cherchez à garder un certain mystère avec elle, pour prolonger la relation de vos personnages ?
Stefano Accorsi : "Pas du tout, nous avons énormément échangé : c'est une actrice très sympathique, avec laquelle j'ai partagé une belle complicité et avec qui j'ai tout de suite beaucoup ri. Selon moi, c'est essentiel de bien rire entre comédiens, non seulement parce que ce métier est amusant par nature, mais surtout parce que le rire créé un contact immédiat, même si celui-ci est à l'opposé de ce que l'on vit dans le film."
Une belle ambiance de tournage
Prenez-vous un plaisir particulier à tourner un premier long métrage ?
Stefano Accorsi : "Premier long ou pas, un réalisateur passionné par son film y pense tout le temps. Mais le comportement d'Iliana sur le tournage était à l'opposé de ce que l'on aurait pu imaginer pour un premier film : elle était calme, relax, sûre de ce qu'elle voulait raconter.
Du coup, nous sentions qu'elle prenait du plaisir et nous avons tourné dans une belle atmosphère, très détendue. J'en garde un souvenir de grande facilité, de légèreté aussi, avec une équipe qui avait plaisir à se réunir."
Une réalisatrice rassurante
Quelle directrice d'acteurs Iliana Lolic est-elle ?
Stefano Accorsi : "Elle est efficace, très claire, avec un très beau regard porté sur les acteurs. Je me suis vraiment senti entre de bonnes mains."
Un beau portrait de femme
Diriez-vous de Je ne dis pas non que c'est un film de femme ?
Stefano Accorsi : "C'est un beau portrait de femme, bien sûr, mais je crois que cela le serait tout autant avec un réalisateur derrière la caméra !
Ces étiquettes n'ont pas beaucoup de sens à mes yeux..."