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Les mauvais payeurs bientôt fichés ? C’est ce que propose la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM). Elle a en effet annoncé lors d’une conférence de presse ce mercredi 15 janvier son intention de concevoir une liste nationale des locataires présentant des "incidents de paiement", rapporte Le Figaro.
Objectif visé ? Réduire la sinistralité.
Le fichier, nommé Artel, du nom de la société qui le crée, devrait entrer en vigueur en 2021 "lorsque la future loi Nogal prendra effet et instaurera notamment, pour les administrateurs de biens, un nouveau type de mandat de gestion avec obligation de résultat", donc de loyers payés, a indiqué Jean-Marc Torrollion, président de la Fnaim.
Si l’organisation assure qu’il ne s’agit pas de stigmatiser, Christian Louis Victor, président de l’Ecole Supérieure des Professions Immobilières émet des doutes à ce sujet : "On estime le nombre de locataires à 14 millions en France. Seulement 2% d’entre eux seraient générateurs d’impayés. Le taux est donc très faible. Ce projet de liste paraît ainsi disproportionné par rapport à la réalité des défaillances. La sanction d’un impayé ponctuel n’est pas nécessaire", estime-t-il.
Fichage des mauvais payeurs : qui sont ceux qui pourraient être concernés ?
Les loyers impayés depuis trois mois ou plus y seraient ainsi recensés. Le nom des auteurs sera toutefois supprimé de cette "liste noire" une fois la régularisation de la dette effectuée ou au bout de trois ans maximum. Cela afin de respecter le droit à l’oubli.
Ainsi, lors de la signature d’un nouveau bail, les locataires devront être informés du fonctionnement du fichier. Une notification lors de leur inscription sur le fichier, puis de leur désinscription leur sera également transmise.
Pourtant, une question se pose : les raisons de ces impayés seront-elles connues ? A priori non. Les conflits entre propriétaires et locataires pourraient donc jouer en la défaveur des locataires.
Propriétaires Vs mauvais payeurs : polémique en vue ?
Christian Louis Victor l’atteste : "La mise en œuvre de cette liste est assez contestée dans le monde de l’immobilier".
Le ministre du Logement s’y oppose également : "Je n’approuve pas cette proposition, a indiqué Julien Denormandie au Figaro. Je suis convaincu que la confiance entre les propriétaires et les locataires ne se constitue pas par la mise en place d’un tel fichier. La réconciliation impose de ne pas stigmatiser les uns aux autres. Elles sont au centre des mesures prises par ce gouvernement comme la loi Élan, garantie Visale, proposition de loi Nogal…"
Quel recours auront alors les locataires en cas d’erreur ? "Ils devront certainement entamer des procédures et demander une réparation de préjudices, ce qui peut prendre du temps", déplore l’expert.
Qui aura par ailleurs accès à cette liste déjà controversée ?
Fichage des mauvais payeurs : un rapport dédié aux professionnels de l’immobilier ?
La base de données devrait être réservée aux professionnels de l’immobilier. Ils seront les seuls à l’alimenter, assure la Fnaim. Les propriétaires n’y auront donc pas accès.
Or, selon l’expert en immobilier, des dérives ne sont pas à exclure : "Connaissant le comportement des humains dans le système économique actuel, l’étanchéité complète me parait une vue d’esprit. Cela ne me paraît pas sain au niveau économique et social. Qui sont ceux qui pourront par exemple régulariser les situations et effacer les noms des mauvais payeurs occasionnels ?"
Si à ce stade la CNIL n’a pas retoqué ce projet, comme l’a annoncé le président de la Fnaim, Jean-Marc Torrollion, l’autorité administrative reste vigilante et accorde "une attention très particulière à ces fichiers de mauvais payeurs et à ces listes noires, au regard des risques qui pèsent sur les droits et libertés des personnes concernées", relate Le Monde.
Quels sont justement ces dangers ?
Mauvais payeurs : un fichage lourd de conséquences ?
Majoration de tarifs, difficulté à trouver un logement voire exclusion…
"Cette liste noire pourrait se retourner contre les locataires fichés. Selon moi, ce phénomène de rejet et de marginalisation n’est pas adapté au comportement sociologique global. Il constitue une mauvaise disposition morale, sociale et économique. Un divorce, une femme seule élevant ses enfants, une perte d’emploi… Divers évènements passagers peuvent entraver le budget des foyers. Ces accidents de la vie ne doivent pas pour autant les stigmatiser", avance le président de l’Ecole Supérieure des Professions Immobilières.
Sa solution ? Régler en bonne intelligence les problèmes d’impayés entre propriétaires et locataires. "D’un côté, on pousse les épargnants à investir dans la pierre, notamment dans l’immobilier locatif, et d’un autre, on incite les propriétaires à être de plus en plus méfiants vis-à-vis de leurs futurs locataires". Le risque ne serait-il pas alors de déstabiliser le marché ?