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Une mystérieuse disparition
Le mardi 21 avril 2003, le procureur de la République d'Annecy, Denis Robert-Charrérau, ouvre une information judiciaire pour "enlèvements et séquestrations" après la disparition depuis le 12 avril d'un couple d'Antillais et de leurs trois enfants âgés de six à onze ans dans la station du Grand-Bornand (Haute-Savoie).
Xavier Flactif, 41 ans, promoteur immobilier, sa compagne Graziella Ortolano, 36 ans, et leurs trois enfants, Laetitia, 9 ans, Sarah, 10 ans, et Grégory, 7 ans n'ont plus donné signe de vie depuis 10 jours.
L’alerte est donnée par Mario, un fils d’une première union de Graziella Ortolano, venu passer des vacances avec les Flactif et qui a trouvé la maison vide.
Des traces de sang et un ADN inconnu Des traces de sang sont découvertes dans la maison du couple. Elles ne sont pas visibles à l'oeil nu, comme si elles avaient été nettoyées, mais sont nombreuses dans une des pièces de la maison. Les gendarmes découvrent aussi une douille et des morceaux de dents dans le chalet. Six ADN sont identifiés : ceux de chaque membre de la famille, plus un dernier, inconnu.
Aucune trace de lutte n'est relevée dans la maison, mais tous les éléments laissent à penser qu'il y a eu un départ précipité et non planifié. Pour preuve, les gendarmes constatent la présence de deux casseroles contenant le repas du soir (le 11 avril) retrouvées sur la cuisinière et de provisions faites pour le week-end dans le réfrigérateur.
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Un passé agité
Dans le même temps, les gendarmes rouvrent plusieurs dossiers dans lesquels le nom de Xavier Flactif est cité. En 1999, le couple part précipitamment du nord de la France à la suite de problèmes judiciaires.
Les enquêteurs s'intéressent également au passé de Xavier Flactif, ancien gérant d'une agence immobilière à Auchy-les-Mines (Pas-de-Calais). Il fait depuis quelques semaines l'objet d'une enquête discrète de la part de la brigade financière, suite à son interdiction de gestion prononcée par un tribunal du Nord dans une affaire d'escroquerie.
On cherche à savoir si des personnes peuvent lui en vouloir. D'autant plus que le promoteur a été visé par des menaces les mois précédant sa disparition et, à plusieurs reprises, il trouve son véhicule aspergé d'essence. Mais aucune plainte n'est jamais enregistrée par la gendarmerie. Un autre dossier intéresse particulièrement les gendarmes : deux mystérieux incendies, à une semaine d'intervalle, qui ont détruit l'un des chalets en construction dans un petit ensemble immobilier jamais achevé sur le haut du Chinaillon.
Un rapide examen des entreprises basées au Grand-Bornand fait apparaître que sa compagne est à elle seule gérante de cinq sociétés civiles immobilières, des SCI spécialisées dans le lancement de programmes de construction ou dans la location d'appartements. Graziella Ortolano, 37 ans, est également la responsable de deux structures du même type basées à Lille et Mondicourt (Nord). Dans ce département, M. Flactif fait d'ailleurs l'objet de plusieurs litiges toujours en cours d'instruction.
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Deux pistes envisagées
Trois semaines après la disparition de la famille Flactif le mystère reste entier et deux hypothèses s'affrontent.
La première est celle d’une fuite organisée par le chef de famille, via la Suisse ou l’Italie. L’homme a l’habitude de brasser beaucoup d’argent et aurait pu prendre quelques précautions en ouvrant un compte à l’étranger ou partir avec une provision d’argent liquide, refaire sa vie ailleurs avec sa famille et ses trois enfants.
La personnalité d'un Xavier Flactif, plutôt malin, colle assez bien avec cette idée de fuite maquillée. Au Grand-Bornand beaucoup d'habitants semblent partager cette hypothèse.
La seconde est qu'une personne aurait tué la famille entière et fait disparaître les corps. L’opération aurait eu lieu entre le vendredi en fin d’après-midi et le samedi matin. Ce qui signifie, éliminer toutes les traces très vite et charger les corps dans un véhicule sur une zone passante. Une opération pas très discrète : les chalets voisins de celui de la famille Flactif sont en partie occupés à cette époque de l'année.
D'ailleurs entre le 5 et le 7 mai 2003, une équipe de gendarmes spéléologues va fouiller une quarantaine de cavités dans le but de découvrir les corps de la famille, en vain.
Le 13 mai, le véhicule de Xavier Flactif est retrouvé abandonné à proximité de l'aéroport de Genève-Cointrin, du côté suisse. Du sang appartenant également aux victimes est découvert à l'intérieur du 4X4.
Les prélèvements d’ADN concernant 130 personnes habitant la Haute-Savoie sont analysés pour mettre un nom sur l'ADN inconnu retrouvé dans le chalet.
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Quatre suspects interpellés, un aveu
Macabre découverte Ce n'est que cinq mois plus tard, le 16 septembre 2003, que la police interpelle deux couples dont un des hommes, David Hotyat (photo), correspond à l'ADN retrouvé dans le chalet des Flactif. Celui-ci avoue le meurtre de la famille dès les premières heures de sa garde à vue.
Suivant les indications de David Hotyat, qui les mènent sur les lieux où il aurait tenté de faire disparaître les corps en les brûlant, les gendarmes chargés de l’enquête découvrent des ossements calcinés dans une forêt proche des Villards-sur-Thônes (Haute-Savoie).
L'aveu David Hotyat, trente ans, avoue avoir tué seul à l'aide d'un fusil de chasse la famille Flactif, à l’issue d’une violente dispute sur une question financière. Il habitait un chalet loué aux Flactif avec sa compagne Alexandra Lefebvre et ses deux enfants âgés de cinq et trois ans. Cette dernière avait même fait des ménages chez les victimes.
Ce couple, originaire du Nord comme Xavier Flactif, s’installe en Haute-Savoie en 2001, tout comme le deuxième couple impliqué dans cette affaire. Les deux hommes travaillent au début de leur séjour dans la même entreprise de dépannage automobile à Cluses.
Interrogé par la presse au début de l'enquête, le mécanicien égrène les griefs accumulés contre son propriétaire, parlant de location au noir, de travaux inachevés, et critiquant le mode de vie des Flactif.
Compagnes et complices Sa compagne Alexandra Lefebvre reconnaît avoir été au courant du projet d'assassinat. Elle avoue avoir nettoyé les souliers ensanglantés de son compagnon. Elle prend possession, après la tuerie, d'un chalet appartenant aux Flactif et l'occupe avec sa famille. De nombreux objets appartenant aux Flactif sont retrouvés à son domicile.
Stéphane et Isabelle Haremza, le second couple interpellé, sont des amis de David Hotyat et Alexandra Lefebvre originaires de Douaisis dans le Nord.
Les quatre individus ont, à des degrés divers, participé au terrible scénario, en aidant à bouger ou en faisant disparaître certains éléments pouvant être utilisés comme preuves, ou en se taisant.
David Hotyat est mis en examen pour "assassinats" et Stéphane Haremza pour "complicité d'assassinats".
Alexandra Lefebvre et Isabelle Haremza sont mises en examen pour "non dénonciation de crimes et obstacle à la manifestation de la vérité", puni par une peine de trois ans de prison. La détention préventive est limitée à quatre mois pour ce chef d'accusation. Quatre mois plus tard, les jeunes femmes sont effectivement remises en liberté provoquant un tollé chez les proches des victimes.
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La reconstitution
Un an plus tard, le 28 octobre 2004, une reconstitution du crime est organisée dans le chalet des Flactif, où rien n'a bougé depuis 18 mois. Maître Humez, l'avocat de la famille de Xavier Flactif, attend la démonstration qu'Hotyat n’était pas seul dans le chalet ce 11 avril et qu'il aurait pu être aidé d'un complice, en l'occurrence Stéphane Haremza, lui aussi présent lors de cette reconstitution.
David Hotyat est entendu à trois reprises par une psychologue. Selon elle, la personnalité du mécanicien, sans permettre de conclure à une pathologie psychiatrique, présente des "traits narcissiques, phobiques et opératoires avec une tendance à fuir les émotions dans l’action, avec un idéal de maîtrise. Les capacités de clivage et d’évitement de David Hotyat ne peuvent que le faire considérer comme dangereux", note le rapport d’expertise.
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Les procès
Premier procès En décembre 2004 s'ouvre au tribunal correctionnel d’Annecy, le procès de la première affaire du dossier du Grand-Bornand. David Hotyat et Stéphane Haremza doivent répondre de l’incendie, la nuit du 28 au 29 avril 2002, d’un chalet inhabité appartenant à la famille de Xavier Flactif. Leurs compagnes Alexandra Lefevre et Isabelle Haremza sont citées comme témoins.
Lors de leur interpellation en septembre 2003 pour l’assassinat de la famille, David Hotyat et Stéphane Haremza ont vite reconnu être les auteurs de l’incendie.
Une banale histoire de vengeance Tout commence en septembre 2001. A cette date, le mécanicien et sa compagne arrivent dans la vallée et s'adressent à Xavier Flactif pour trouver un logement. Mais celui-ci les balade de chalets en chalets qu'ils occupent à chaque fois pour quelques semaines seulement. Irrité par cette situation, David Hotyat affirme avoir voulu se venger en brûlant un chalet appartenant à Xavier Flactif, celui-ci n'étant pas assuré.
Voilà pour le mobile. À deux reprises, David Hotyat explique avoir acheté quatre bidons de cinq litres d’essence. Par deux fois, il a "convaincu" Haremza, gros costaud se transformant en 'toutou' quand Hotyat lui demandait quelque chose", selon son épouse Isabelle.
Les deux comparses sont condamnés à trois ans de prison.
Second procèsLe 4 juillet 2005, un second procès s'ouvre à Annecy. Il s’agit de juger une trentaine de vols divers et de recels commis au Grand-Bornand, à Manigod, et Saint-Jean-de-Sixt, inscrits au palmarès de David Hotyat, Stéphane et Isabelle Haremza, Alexandra Lefebvre et sept de leurs complices. Ces multiples affaires de vol d’objets, certains dans le chalet de la famille Flactif après leur assassinat, sont dissociées du dossier criminel.
Poussé par sa passion pour les rallyes automobiles et par l'envie d'une vie plus confortable, David Hotyat sombre dans la délinquance à son arrivée en Savoie. Après avoir enchaîné les petits boulots, il s'engage très vite sur la route des vols de voitures et des cambriolages avec son ami Stéphane Haremza puis avec d'autres complices comme Mickael Hotyat, son frère.
Le 5 juillet 2005, le tribunal correctionnel d'Annecy condamne David Hotyat et Stéphane Haremza à trois ans de prison ferme. Leurs compagnes sont condamnées respectivement à quinze et dix mois ferme.
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