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Comparer les procédures d’un État de droit aux méthodes d’une police politique d’un État totalitaire est un exercice pour le moins périlleux. Dénonçant le traitement dont il fait l’objet, Nicolas Sarkozy a envoyé un signal fort en évoquant des pratiques dignes de la Stasi qui lui seraient alors consacrées. Il invente alors le "point Stasi" en référence au "point Godwin" dont le principe consiste à comparer sa propre situation aux atrocités de la Seconde Guerre mondiale lorsque l’on se retrouve acculé dans sa défense. Voici cinq points qui montrent que cette comparaison est incorrecte et surtout abusive.
- Inquiété par 6 affaires: Les décodeurs du site du Monde ont publié un résumé des affaires dans lesquelles l'ancien président est inquiété. Dans l’ordre, nous avons: l’affaire Tapie, l’affaire Karachi, l’affaire du financement libyen, l’affaire des écoutes téléphoniques, l’affaire Bettencourt (aux ramifications multiples) et l’affaire des sondages de l’Élysée. Il est difficile d'imaginer que la terrible police politique à laquelle Nicolas Sarkozy fait référence attendait que le nom d’une personne soit cité dans 6 affaires pour prendre ses dispositions...
- Espionnage politique: Le Ministère de la Sécurité d'État (ou stasi) était entièrement dédié au renseignement d’ordre politique. Ses missions ? Espionnage et contre-espionnage non seulement au bénéfice de la RDA mais aussi de Moscou avec laquelle l’institution est-allemande partageait ses informations. Elle pouvait ainsi s’appuyer sur un réseau de 266.000 agents dont les Inoffizieller Mitarbeiter (les 175.000 agents officieux). On est donc loin des 68.200 fonctionnaires que compte ministère de la Justice. Le but de cette organisation était de "traquer les opposants au régime". Protéger et cogner, telle était la mission de ce qui était conçu comme "le glaive et le bouclier du parti".
- Filature : La stasi mettait en place un important dispositif de filature pour lorsqu’elle traquait un "ennemi intérieur". Outre le fait que ce procédé est largement représenté dans le film auquel l’ex-président se réfère, les dispositions prises par la justice à son encontre sont strictement encadrées par la loi et n’émanent pas d’une organisation politique (qui use de tous les ressorts d’atteintes aux libertés individuelles dont l’interception du courrier) mais sont issues de la décision des magistrats dans le cadre d’une affaire bien précise.
- La décomposition : Pour éviter de se salir les mains, la stasi avait mis en place un système particulièrement pervers pour rendre fou ses cibles. Il s’agit de la méthode dite de la décomposition. "Le but de la décomposition est la fragmentation, la paralysie, la désorganisation et l’isolement des forces hostiles et négatives, etc" précise le manuel de cette "pratique de persécution répressive". Les méthodes sont diverses, il s’agit de casser socialement l’individu en mettant le désordre dans tous les niveaux de son existence. Situation professionnelle, familiale, affective, matérielle. Bref, user une cible jusqu’au bout afin de lui extorquer des aveux. On n’imagine mal les services de la place Vendôme mettre en place de tels stratégèmes…
- L’exécution : L’ancien président devrait se rappeler que la peine de mort n’existe plus en France depuis 1981 et que, à la rigueur, l’usage de celle-ci était règlementé par la loi. Aucun rapport donc avec "les permis de tuer" dont se servaient les agents de la stasi pour liquider les éléments gênants. Pire, il n’était même pas exclu de tirer sur femmes et enfants.Ce faisant "plus d'un millier de personnes ont été tuées en essayant de passer à l'Ouest, dont plus de 125 en tentant de franchir le Mur" nous apprenait Le Figaro en 2007. Ainsi, comparer une écoute judiciaire décidée en conformité avec la loi et le sort d'innombrables innocents liquidés pour le compte de la RDA paraît, disons…. exagéré.
Vidéo sur le même thème ; la tribune de Nicolas Sarkozy