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Difficile, en 2022, de proposer un programme présidentiel sans parler de retraite. Après tout, sept Français sur dix estiment qu’il est essentiel de réformer le modèle de solidarités intergénérationnelles de l’Hexagone. Pour l’essentiel, informe le quotidien Les Echos sur son site, ce sont les jeunes adultes - récemment arrivés sur le marché du travail, donc - et les retraités qui expriment une telle conviction. Cependant, poursuivent nos confrères sur la base d’un sondage OpinionWay-Square, cette transformation doit attendre le début de la prochaine mandature pour plus d’un sondé sur deux.
Force est de constater, dès lors, que le sujet s’impose auprès d’une partie de la population, au moins. Cela n’a rien d’étonnant : les retraités comptent parmi les électeurs les plus actifs et les plus mobilisés en France. Il est normal que ceux-ci espèrent que l’on parle de leur situation à l’occasion du principal scrutin du quinquennat et qu’ils cherchent à défendre les intérêts de leur groupe. Du côté des jeunes non plus, cet engouement n’est pas très étonnant : ils sont nombreux à penser, rappelle Marie-Claire, qu’avec le système actuel, ils n’en auront tout simplement pas. Pour autant, les intérêts des actifs et ceux des retraités se rejoignent-ils ? Peut-on vraiment réformer le modèle de retraite de sorte à avantager tout le monde où faudra-t-il faire des compromis ?
Réforme des retraites : qui propose quoi pour 2022 ?
Chaque candidat à l’élection présidentielle propose donc sa propre réforme des retraites. Certaines diffèrent considérablement, mais beaucoup reposent sur des principes similaires. Ainsi, Jean-Luc Mélenchon a déjà fait savoir qu’il entendait ramener l’âge légal de départ à 60 ans, contre 62 aujourd’hui. Selon lui, ce genre de transformation peut se financer aisément sur la base d'investissements étatiques et l’augmentation des salaires des travailleurs. Il a aussi dit qu’il refusait toute retraite inférieure au Smic et a reconnu qu’il faudrait, assez mécaniquement, gonfler les cotisations. Ce que les travailleurs, note Ouest-France, ne sentiraient "pas passer", du fait des hausses de rémunérations. Fabien Roussel, candidat communiste, défend le même genre d’idées, indique Le Figaro.
Anne Hidalgo, candidate du PS, n’a pas encore communiqué son programme. Elle n’a pas non plus dit ce qu’elle pensait faire pour les retraites en France. Toutefois, en témoigne sa tribune dans les colonnes du Journal du Dimanche, elle expliquait en juillet 2021 que "reculer l’âge de départ serait profondément injuste".
Du côté des verts, la question des retraites s’inscrit dans une philosophie assez précise : le système ne doit pas transformer la durée de vie gagnée en temps de travail supplémentaire. Yannick Jadot aussi ne veut donc pas voir l’âge de départ repoussé. Cependant, comme Emmanuel Macron, il juge le modèle actuel trop complexe, informe Capital.
Xavier Bertrand, candidat auto-déclaré de la droite - pas des Républicains, jusqu’à présent - a opté pour une autre ligne. "On vit plus longtemps, il faut accepter de travailler un peu plus longtemps", affirmait-il en effet pour justifier un allongement progressif du temps de travail sur la décennie, de sorte à porter l’âge légal de départ à 64 ans en 2030, indique Le Figaro. Sa principale concurrente, Valérie Pécresse, ne trouve pas cela assez ambitieux : elle préconise un report (progressif, là encore), jusqu’à 65 ans. Mais elle souhaite aussi une pension "égale au Smic net en 2030" pour toutes celles et tous ceux qui ont cotisé toute leur vie durant, fait savoir Le Point.
A l’extrême droite, les avis sont divisés. Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national, prône un retour de l’âge de départ à 60 ans. Elle en a même fait, indique L’Express, un "totem indéboulonnable". En revanche, ainsi que l’expliquait Planet, Eric Zemmour - possiblement candidat à l’élection présidentielle - envisage un tout un autre projet. Le polémiste, semble-t-il, prône un report à 65 ans, encore une fois à horizon 2030. Et annonce quelques sacrifices à venir !
Enfin, il reste le programme du président de la République. Ce dernier n’est pas connu, mais le chef de l’Etat a longuement travaillé sur sa réforme des retraites. Dorénavant, le projet dont il est le plus souvent fait question comprend un report de l’âge légal de départ à 64 ans ainsi qu’une suppression des régimes spéciaux.
Lequel de ces projets est fait pour vous ?
Quelle réforme des retraites pour protéger les retraités ?
"Il y a, c’est indéniable, une certaine rivalité entre les retraités et les actifs. Leurs intérêts ne convergent pas et il n’est pas possible de faire autrement. Tout au plus peut-on essayer de rendre cette opposition aussi civilisée que faire se peut, mais c’est tout", commente d’entrée de jeu Jacques Bichot, économiste, professeur des universités et membre honoraire du Conseil économique et social.
"C’est pourquoi je doute qu’un programme consistant à avantager les retraités serait très bien reçu par les actifs. En soi, cela reviendrait à reporter l’âge de départ à la retraite ou à augmenter les cotisations, puisque toutes les cotisations payées aujourd’hui financent les retraites… d’aujourd’hui. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas retarder l’âge de départ à la retraite : la durée de vie augmente, et si on ne gonfle pas le temps passé à travailler, cela signifie qu’on augmente mécaniquement la durée de perception de la pension", observe l’économiste.
En somme, cela correspond aux programmes de tous les candidats envisageant un report de l’âge de départ à la retraite, qui viennent donc garantir le paiement des pensions actuelles. Ceci étant, juge Jacques Bichot, il existe une autre solution. "Après les vicissitudes du virus, nous constatons une reprise de l’économie. La situation de l’emploi est plutôt bonne. Si cela continue, nous pourrions dégager des marges : plus la masse salariale est importante, plus il y a de rentrées pour l’assurance maladie et les retraites. Moins on dépense pour le chômage. Tant que les retraités ne captent pas l’essentiel de la richesse produite…", poursuit l’expert.
Quelle réforme des retraites pour les actifs ?
Aucun homme -ou aucune femme, en l’occurence - politique ne porte le bon discours pour mener une réforme des retraites favorable aux actifs, juge Jacques Bichot. Selon lui, cette dernière repose mécaniquement sur une importante transformation des politiques familiales.
"La solution à un certain nombre de nos problèmes, c’est la politique de natalité. Certes, la natalité française n’est pas lamentable, mais il est toujours utile d’augmenter le nombre d’enfants par femme. C’est l’assurance de gonfler, à terme, la masse salariale", insiste en effet l’économiste.
"En matière de natalité, il serait aisément possible de réaliser des choses intéressantes. Prenons l’exemple, pour ne citer que lui, de la façon dont les maternités sont prises en compte sur le monde du travail. Si l’on rendait ce genre de situation indolore pour les entreprises, en plus de continuer à verser les prestations déjà en place, on rendrait ce cas de figure nettement moins effrayant pour les employeurs. Et donc beaucoup plus agréable pour les employées aussi…", poursuit-il.
"Il faut bien comprendre, cependant, qu’une réforme des retraites favorables aux travailleurs passe par la prise en compte des réalités de leur emploi. Il est normal qu’un employé à la mission pénible et peu valorisante parte plus tôt qu’un universitaire comme moi", juge encore Jacques Bichot, pour qui le report de l’âge de départ ne doit pas être exclu.
En outre, estime le chercheur, l’introduction d’une part de capitalisation dans notre système - si elle permet la mise en place de divers systèmes de retraite à proprement parler, basés sur les revenus perçus pendant la vie active - pourrait aussi faire beaucoup de bien. Ainsi, les plus précaires n’auraient pas besoin de la capitalisation car ils conserveraient davantage de leurs revenus initiaux et les autres pèseraient moins lourd sur le budget des retraites.