De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
Olivier Rouquan est politologue, enseignant-chercheur en sciences politiques et chercheur associé au CERSA (Centre d'Etudes et de Recherches de Sciences Administratives et Politiques).
Planet : Depuis l'élection présidentielle, la ligne et la voix du chef de l'Etat semblent avoir viré (au moins un peu) vers la droite. La presse publie régulièrement les témoignages d'anciens électeurs d'Emmanuel Macron se revendiquant de gauche... et se disant déçus. Faut-il croire que son électorat a beaucoup changé par rapport à 2017 ? Que sait-on de cette France qui pourrait voter pour le président ?
Olivier Rouquan : D’emblée, il importe de rappeler un principe de base : l’électorat est composé de citoyens qui votent, pas de sondés. Aujourd’hui, nous avons une idée assez claire de ce qu’était l’électorat d’Emmanuel Macron en 2017. Il était d’abord issu des rangs de la gauche modérée complété par une certaine droite modérée - dont le vote était par exemple allé à Alain Juppé lors de la primaire des Républicains. Bien sûr, la grande majorité des centristes historiques ont aussi accordé leur voix à Emmanuel Macron.
Des ministres marqueurs de droite
Depuis, plusieurs gouvernements se sont succédés et ont été placés sous l’autorité d’une personnalité de droite, s’assumant comme telle. En outre, l’essentiel des ministres importants de ces formations gouvernementales comme Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin sont des marqueurs de droite. Les décisions prises par le pouvoir exécutif relevaient d’une politique économique néolibérale, d’une certaine conception de l’ordre public ainsi que de l’ordre stricto sensu. C’était en tout cas le cas pendant la séquence 2017-2020.
En 2019, nous avons eu droit à une seconde photographie de l’électorat d’Emmanuel Macron, à l’occasion des européennes. Cette fois, un socle majoritairement issu de la droite a soutenu la formation politique du chef de l’Etat ce qui lui a permis, malgré l’abstention, de réaliser un score honorable.
Emmanuel Macron : renouer avec le "progressisme moral" pour retrouver une certaine gauche ?
Les mois et les années qui ont suivi ont été marqués par deux crises : l’émergence des gilets jaunes d’abord, et puis le début de la pandémie de coronavirus Covid-19. A partir de là, Emmanuel Macron a entamé une politique plus keynésienne, ce qui correspond à des pratiques économiques appartenant à un registre plus à gauche. Cette inflexion pourrait ramener vers le président sortant un électorat issu de la gauche modérée. D’autant qu’il a multiplié récemment les symboles forts – sauf sur la justice - à l’attention des cadres de gauche et d’un électorat éduqué, sensibles aux notions de progressisme moral.
"Emmanuel Macron a défendu ses positions auprès des retraités"
Planet : Les retraités ont considérablement aidé Emmanuel Macron à se faire élire, à l'occasion du dernier scrutin présidentiel. Aujourd'hui, une partie conséquente de ces derniers sont en colère contre le président. Saura-t-il les reconquérir d'ici 2022 selon vous ? Que devrait-il faire, dans ce cas ?
Olivier Rouquan : A mon sens, l’avantage des Républicains reste sa capacité à rassembler l’électorat retraité. Tous les prétendants au congrès LR sont surreprésentés auprès des plus de 65 ans. Ceci étant, Emmanuel Macron a su séduire dès 2017 une partie de ce vivier électoral. Sa gestion de la covid-19 a su rencontrer les préoccupations des plus âgés. Après tout, la campagne de vaccination s’est plutôt bien déroulée et il a su maintenir l’ordre... Jusqu’à présent, le président sortant a défendu ses positions auprès de cette catégorie.
Ni de droite, ni de gauche : le symptôme d’une crise de la démocratie ?
Planet : En 2017, Emmanuel Macron s'est beaucoup appuyé sur le "en même temps", le "ni de droite, ni de gauche", que lui empruntent désormais certains candidats comme Arnaud Montebourg. Cette carte peut-elle encore fonctionner ?
Olivier Rouquan : La rhétorique est toujours susceptible de fonctionner en 2022. Il s’agit encore de mettre en scène l’opposition entre les progressistes et les populistes. A cet égard, l’émergence d’un candidat comme Eric Zemmour ne peut qu’arranger Emmanuel Macron : il est plus ouvertement réactionnaire encore et plus d’extrême droite que le Rassemblement national de Marine Le Pen. Ceci facilite l’incarnation du camp progressiste par le président sortant.
Pour autant, le "et droite et gauche" ou le "ni droite, ni gauche" ou la revendication du "pragmatisme" ont des limites : ils prospèrent, comme la polarisation, sur le vide idéologique des partis représentatifs. Ils sont le symptôme d’une crise de la démocratie, et pas une solution durable. La recomposition du jeu des idées et des forces politiques ne fait que commencer.