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Il ne manquait qu’une unique phrase. Emmanuel Macron a beau ne pas avoir encore officialisé sa candidature, il n’en a pas moins l’attitude d’un candidat, assurent ses principaux opposants. La dernière allocution datée du mardi 9 novembre 2021, devait porter sur la situation épidémiologique du pays et la soudaine progression du coronavirus Covid-19, que d’aucuns au gouvernement jugent désormais "fulgurante".
Pour autant, force est de constater que la maladie n’a pas été le seul sujet à occuper le chef de l’État. Ce dernier a aussi pris le temps de développer sa vision sur la question du nucléaire, ainsi que certains de ses projets de réforme. Parmi lesquels la fameuse transformation de notre modèle de solidarités intergénérationnelles.
Il n’en fallait pas davantage pour agacer certains de ses rivaux - déclarés ou simplement de formation - à la conquête de l’Élysée, observait LCI au lendemain de l’intervention présidentielle. "Il manquait juste la dernière phrase : 'C'est la raison pour laquelle je suis à nouveau candidat à la présidence de la République", a ainsi conclu Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste (PS). Jean-Luc Mélenchon, qui a longuement présidé le groupe des Insoumis à l’Assemblée nationale, s’est montré moins aimable dans la critique. "Clairement, il est candidat, et son temps de parole n'est pas décompté comme tel", a fustigé le tribun.
Macron a-t-il la combine parfaite pour contourner le temps de parole ?
Difficile, semble-t-il, de donner tort à Jean-Luc Mélenchon. "Emmanuel Macron est évidemment en campagne, comme l’ont fait tous les autres présidents briguant leur propre succession avant lui. Les présidents en exercice se déclarent toujours au dernier moment pour s’assurer que leur temps de parole ne soit pas comptabilisé", tranche d’entrée de jeu le politologue Raul Magni-Berton, enseignant-chercheur en sciences-politique à l’IEP (Institut d’Études Politique, Sciences-po) de Grenoble. Membre du laboratoire Pacte, il étudie notamment le domaine de la démocratie, celui de la citoyenneté et celui des élections.
"Comprenons bien qu’il n’est pas évident, pour un chef de l’État sortant, de ne pas avoir recours à ce genre de stratagèmes. Ce type de pratique ne fait pas l’objet d’une condamnation morale particulièrement forte et perdre parce qu’on a refusé d’y avoir recours, c'est l’assurance de se décrédibiliser aux yeux de sa famille politique", poursuit l’universitaire.
Est-ce à dire qu’il s’agit d’une façon de faire honnête, ou civique ? Pas nécessairement. Mais rares sont ceux, dans le champ politique, à réellement souhaiter sa disparition. Et pour cause !
"Triche" sur le temps de parole : pourquoi la pratique continue
"La stratégie qu’emploie aujourd’hui Emmanuel Macron est évidemment malhonnête. Pour autant, il y a peu de raison de penser qu’elle pourrait être amenée à cesser dans un futur proche : aucune règle explicite ne vient régir ce genre de pratiques. C’est évidemment malhonnête, mais c’est aussi très courant. Il ne serait pas pertinent d’en faire le reproche à ce seul président. Ce serait même assez opportuniste, puisque c’est le système actuel qui valide de tels comportements", note ainsi Raul Magni-Berton.
Rien n’empêcherait pourtant de changer la règle pour modifier les us et coutumes. Ce qu’aucune des forces parvenues à conquérir l’Elysée n’a décidé de faire jusqu’à présent. "Ces attitudes arrangent bien les partis en mesure de faire élire une ou un président de la République. Ce genre de pratique est donc toléré, puisque après tout, personne n’y perd grand-chose… À l’exception des formations d’opposition stable qui n’ont pas réellement accès au pouvoir pour le moment", poursuit l’expert, non sans souligner combien la Vème République avantage les formations de gouvernement, en plus de ce premier privilège.
"N’oublions pas combien le modèle de financement des partis influence la capacité de chaque formation à se présenter. Après tout, c’est à elle qu’il revient d’imprimer leurs bulletins électoraux pour chaque scrutin", rappelle-t-il par exemple.
"Triche sur le temps de parole" : que faudrait-il faire pour y mettre un terme ?
"Il est des règles de détail et des règles plus importantes. Pour venir à bout de ce genre de pratiques, deux solutions évidentes existent", annonce d’entrée de jeu l’universitaire. La première piste, selon lui, consiste à revoir en profondeur le mode de fonctionnement actuel de la Vème République.
"Le pouvoir, en France, est très concentré entre les mains du président. Dès lors, son élection devient un moment crucial de la vie politique du pays. Les incitations à gagner, quels que soient les moyens utilisés, sont fortes. Le plus simple consisterait donc à modifier en conséquence le calendrier électoral de sorte à délier les scrutins présidentiel et législatif. Si l’élection présidentielle est moins primordiale, il y aura moins de raison d’encourager ce type de comportement", analyse en effet l’enseignant.
Autre piste : la voie légale.
"Nous pourrions également décider d’un calendrier contraignant pour le chef de l’Etat. Admettons que dans le cas où celui-ci souhaite se présenter, il soit forcé de l’annoncer avant une date donnée, idéalement assez tôt dans le cours de la campagne : le doute ne subsisterait plus et le temps de parole serait correctement comptabilisé. Cela ne serait pas un problème particulier avec l’exercice de ses fonctions… puisque c’est au Premier ministre qu’il revient normalement de gouverner", termine le chercheur.