De nouvelles règles d’indemnisation entreront en vigueur en avril 2025 et impacteront durement les plus âgés.
"Quand on travaille quarante heures par semaine, on ne devrait pas vivre dans la pauvreté", affirmait récemment Bernie Sanders, pour défendre le projet de loi visant à doubler le salaire minimum fédéral des Etats-Unis. Fraîchement élu, Joe Biden entend en effet "extirper des millions d'Américains de la pauvreté", informent nos confrères de 20 minutes. Ce type d'initiative est "inédite" de l'autre côté de l'Atlantique, précisent-ils encore. Et force est de constater qu'elle suscite une opposition considérable, menée tant par les Républicains que par les lobbys d'entreprise qui ne voient dans l'augmentation des salaires les plus précaires qu'une somme de "coûts supplémentaires".
Actuellement, le salaire minimum fédéral américain, que le sénateur du Vermont qualifie de "salaire famine", s'établit à 7,25 dollars de l'heure.
Dès lors, si la mesure passe aux Etats-Unis, faudrait-il s'attendre à ce que le président de la République Française soit tenté d'en faire de même ? Le chef de l'Etat, qui a pu s'entretenir avec Joe Biden le 24 février, vantait récemment une "grande convergence de vue", quoique celle-ci repose davantage sur les questions internationales, souligne Le Point.
Faut-il aussi augmenter le Smic en France ?
"Augmenter le Smic, en France, serait pertinent", estime pour sa part l'économiste Frédéric Farah, connu pour plusieurs ouvrages dont Fake State, publié chez H&O édition. L'auteur, marqué à gauche et qui enseigne les sciences économiques et sociales à l'Université Paris Sorbonne-Nouvelle y décrit notamment comment l'Etat français a organisé sa propre impuissance. "Naturellement les situations américaines et françaises ne peuvent être comparées sans prendre de grandes précautions : les structures sont différentes et les problèmes ne sont pas nécessairement les mêmes", tient-il d'abord à rappeler.
"Cependant, il apparaît important de rappeler que certains parallèles peuvent être dessinés : en France comme aux USA, le salaire minimum n'a pas connu de revalorisation majeure ces dix dernières années, par exemple. En outre, si le projet de loi était voté, le dispositif américain se rapprocherait de ce qui se fait chez nous : le montant du revenu minimum horaire serait indexé sur le salaire médian américain", poursuit-il.
Certes, mais à quoi bon ? Nombreux, en effet, sont les économistes - y compris ceux du groupe d'experts sur le Smic - a estimer que gonfler le revenu minimum serait une erreur. Explications.
Que se passerait-il si l'on augmentait le Smic ?
Pour bien des experts et des économistes, le plus souvent d'orientation libérale, il n'est pas pensable d'augmenter le Smic. Du moins, pas en l'état actuel des choses. D'autres, rapporte le journal engagé Contrepoints, voient dans le seul principe du Smic un problème : il ne protègerait pas les salariés, puisque ces derniers coûteraient plus chers et seraient donc incapable de se défendre face à d'autres, plus compétitifs.
"On ne peut décemment prétendre que l'augmentation du Smic entraînerait une rupture de compétitivité en France", tranche pour sa part Frédéric Farah, qui tient à rappeler que, pour l'essentiel, les travailleuses et les travailleurs au Smic exercent dans les services. "Or, c'est un secteur globalement à l'abri de la concurrence, à l'inverse de l'industrie", indique-t-il. "Augmenter le Smic, c'est donc permettre à des gens dont le secteur est aujourd'hui sinistré de mieux s'en sortir. Il s'agit de les protéger", rappelle encore l'économiste.
Cependant, insiste-t-il, ce n'est pas le seul avantage d'une hausse du Smic, qu'il est aussi possible aussi de penser en des termes plus proches de l'idéologie libérale. "Parce que c'est bien la question budgétaire qui les obsède, il semble utile de rappeler qu'une augmentation du Smic permettrait théoriquement de tirer un trait sur la fiscalisation de notre protection sociale : plutôt que de financer la Sécu via l'impôt, on pourrait aussi faire le choix d'en revenir à des cotisations sociales et patronales ; ce qui pèserait mécaniquement moins lourd sur le budget de l'Etat", analyse l'enseignant à la Sorbonne-Nouvelle. "Actuellement, les salaires les plus bas n'augmentent pas parce que le patronat est encouragé à ne pas le faire : s'il le faisait, il devrait payer des cotisations sociales dont il est aujourd'hui exonéré…", précise l'expert.
En outre, poursuit-il, c'est l'occasion de redynamiser la demande et donc d'éviter que l'argent ne soit pas investi, contrairement à celui que les Françaises et les Françaises tendent à épargner. "Ce coup de fouet essentiel pour la demande constitue une opération intéressante. Mais impensable, au vu et au su du logiciel de la Macronie", déplore, hélas, l'enseignant.
Pourquoi Emmanuel Macron se refuserait-il à augmenter le Smic ?
Pour Frédéric Farah, Emmanuel Macron lit le monde et les rapports économico-sociaux à travers "une grille datée". "Bien sûr, elle a fait l'objet de diverses modernisations techniques au fil des décennies. Mais le fond du discours demeure très vieux. Il consiste à dire qu'un niveau de salaire trop élevé est mécaniquement négatif pour l'emploi", résume l'économiste.
"Fondamentalement, c'est une idée qui remonte au XIXème siècle et qui était développée à l'époque par le courant néoclassique. On part, dans ce cas, du principe qu'un salaire trop élevé rend un salarié peu attractif aux yeux de l'employeur. Et, accessoirement que le chômage devient donc un choix, une volonté, puisque c'est le salarié qui refuse de baisser son prix pour travailler", poursuit l'auteur de Fake State.
De tels arguments agacent beaucoup l'universitaire qui rappelle qu'au XXème siècle, la modernité économique était du côté de Ford, "tout infréquentable puisse-t-il avoir été". "Il avait compris que l'on pouvait faire du profit non pas en écrasant les salaires mais en les revalorisant", souligne simplement Frédéric Farah : "En augmentant les rémunérations de ses travailleurs, il les a transformés en consommateurs, capables d'acheter ses voitures", rappelle-t-il.
Selon lui, il serait donc possible d'augmenter le Smic sans risquer d'en revenir à la situation constatée dans les années 80. A l'époque, les fortes cotisations sociales et patronales avaient engendré, disait-on, de fortes destructions d'emplois peu qualifiés. "Aujourd'hui, ce problème n'existe plus : les employeurs sont exonérés de cotisations pour les salariés au niveau Smic ou proche de celui-ci. Cela fait 28 ans que grand patronat s'est gavé de ces exonérations, ce qui a mécaniquement allégé le coût du travail. Dès lors, l'idée qu'une modeste augmentation nous propulserait trente ans en arrière, n'a pas de sens", s'indigne le spécialiste.