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Si vous décidez de passer la journée dans un bureau de vote lors des prochaines élections régionales (6 et 13 décembre), vous n’y verrez pas d’ouvrier votant seul. Car en cas d’isolement, les classes populaires pratiquent l’auto-exclusion du processus électoral, en raison notamment d’un sentiment de compétence politique plus faible.Éducation politique au travailL’appartenance à un ensemble devient alors primordiale pour la mobilisation, comme le confirme une enquête du sociologue Camille Peugny à paraître prochainement. "L'intégration dans un collectif de travail stable et constitué favorise la participation politique", note-t-il d’abord, avant de souligner que l'isolement professionnel peut rendre toute une catégorie "presque invisible politiquement". Un constat que fait également une autre sociologue, Céline Braconnier, laquelle explique que dans la mesure où "les comportements électoraux prolongent des formes d’intégration sociale qui se jouent aussi bien à l’école, en famille, qu’au travail, ceux qui demeurent aux marges du marché de l’emploi stable, ou qui sont les plus isolés, sont parmi ceux de nos concitoyens qui votent le moins".Le moindre intérêt pour la politique des catégories non-détentrices de capitaux économiques et culturels est alors compensé par le contact avec un entourage politiquement engagé, qui alimente un sentiment d’appartenance, contribue à politiser a minima, et, les jours de scrutins, incite à voter. Chez les ouvriers, on vote donc avec ses collègues, ses camarades de syndicat, mais aussi et surtout avec sa famille.
A lire aussi - FN : pourquoi vous ne verrez que ses affiches dans les tunnels Quand l’isolement mène à l’abstentionCar les transformations structurelles du monde ouvrier, qui ont provoqué le développement de la précarité et de l’isolement, ont conduit au détournement des salariés de l'organisation et de l'activité syndicale, ainsi qu’au déclin de la conscience de classe caractéristique de ce groupe. Et à l’heure où le marché du travail incite aux comportements individualistes plutôt qu’à l’action collective, la dépolitisation généralisée conduit inexorablement à l’abstention de masse.
Reste alors la famille comme moteur de mobilisation électorale. Pour les moins politisés, l’effet d’entraînement du conjoint ou des parents joue un rôle majeur. Pour les autres, ce sont les débats au sein même de la cellule familiale qui sont efficaces. "Les discussions animées et parfois même les altercations fonctionnent comme autant d'incitations à prendre l'élection au sérieux, à lui accorder du sens, donc à se rendre aux urnes les jours de scrutins", explique Céline Braconnier.Les proches comme élément déclencheurSelon la sociologue, ce sont désormais "sur les familles et les amis que reposent les dynamiques d’entraînement vers les urnes des moins politisés par ceux qui le sont un peu plus". Dans une enquête sur l’abstention, la sociologue relève que "les jeunes adultes politisés sont toujours issus d'univers familiaux politisants". Si elle note que les orientations politiques des enfants subissent l’influence des parents, et peuvent même "faire pleinement partie de l'identité familiale", elle précise que "l'influence parentale (…) se révèle également essentielle dans l'apprentissage de la pratique électorale elle-même". Une influence qui se manifeste dès la phase de l'inscription sur les listes, qui "dépend très largement des pressions exercées en ce sens par les parents".C’est pourquoi, les dimanches de vote, on vient jusqu’à l’isoloir avec son conjoint, ses parents, ses proches. Et c’est pourquoi un ouvrier isolé dans la sphère professionnelle ou familiale aura plus de chances de s’abstenir. L’absentéisme électoral grandissant de ce groupe devient alors un véritable enjeu pour les responsables politiques, car son importance numérique constitue pour les partis une réserve de nouveaux électeurs à fidéliser : à l’heure actuelle, en France, un homme actif sur trois est ouvrier.
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