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Elle vient de remporter le perchoir. Yaël Braun-Pivet sera donc l a première femme a prendre la présidence de l’Assemblée nationale. Non moins étonnant : elle a été élue alors même qu’elle n’occupait pas, présentement au moment du scrutin, un siège de député. Et pour cause ! Au moment de sa prise de fonction, elle était ministre des Outre-Mer depuis un mois, comme a d’ores et déjà pu l’expliquer Planet. Une fois de plus, c’est donc une personnalité issue de la majorité présidentielle qui dirigera le palais Bourbon. Elle succède à Richard Ferrand, lui aussi passé par l’exécutif dans le courant de la précédente mandature.
C’est loin d’être le seul scrutin essentiel à se jouer à l’issue des législatives. Une autre échéance de prime importance attend en effet les parlementaires : jeudi 30 juin 2022, ils seront invités à désigner le nouveau ou la nouvelle présidente de la Commission des Finances. Dès lors, explique le politologue Christophe Bouillaud dans nos colonnes, il n’est pas impossible de considérer les jours qui viennent comme décisifs. Au moins au regard de la répartition des postes de pouvoir au parlement.
Présidence de l’Assemblée, présidence de la Commission des finances : quels enjeux ?
“L’élection de la présidente de l’Assemblée nationalene comporte pas autant d’enjeux que d’aucuns pourraient le penser. C’est un poste qui revient traditionnellement à l’alliance ou au groupe le plus important. Dès lors, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne relevait pas véritablement de la surprise”, estime le chercheur, qui enseigne à l’Institut d'Études Politiques (IEP, Sciences-Po) de Grenoble. Selon lui, le fait qu’une femme accède à ce poste relève davantage de la communication politique que de la véritable révolution, en l’occurence.
“L’élection du président de la Commission des finances, en revanche, porte beaucoup plus d’enjeux”, juge l’enseignant. “Rappelons d’abord que l’idée d’une présidence de la Commission revenant à l’opposition est relativement récente dans l’histoire de la Vème République. C’est donc l’occasion pour l’opposition de récupérer un outil de plus pour critiquer la gestion budgétaire de l’exécutif et cela renforce le rôle de contrôle des finances publiques. C’est donc un poste aussi sensible que décisif”, ajoute-t-il.
Présidence de la Commission des finances : les scénarios qui se dessinent
“Deux grandes options se dessinent, explique d’entrée de jeu Christophe Bouillaud, pour qui la présidence de la Commission des finances peut revenir à l’alliance NUPES - en l'occurrence à Eric Coquerel - ou à Jean-Philippe Tanguy, du Rassemblement national. “Si le candidat RN est soutenu par Les Républicains, il devrait pouvoir bénéficier d’une majorité et son élection redéfinirait considérablement le jeu à l’Assemblée nationale. Une victoire du RN, portée par Les Républicains et par Renaissance viendrait scinder le palais bourbon en deux blocs”, indique encore l’enseignant-chercheur. Avec d’un côté la NUPES et de l’autre, poursuit-il, “un grand bloc de droite, au moins sur les volets sociaux et économiques allant de Renaissance au RN”.
“Si Les Républicains votent effectivement pour le Rassemblement national, cela signifie qu’ils reconnaissent la proximité de leurs analyses respectives. Dans les faits, c’est assez logique spatialement… L’extrême droite et aussi de droite”, souligne le chercheur.
Très concrètement, l’élection de Jean-Philippe Tanguy pourrait aussi avoir un impact sur l’évolution du discours fiscal auquel sont confrontés les Françaises et les Français. “Le RN entretient de longue date un discours légitimant l’évasion fiscale”, rappelle Christophe Bouillaud, qui fait de cet autre élément un facteur de rupture du parlement. “Ce serait une fracture relativement classique, avec d’un côté un bloc en faveur de la redistribution et un autre qui prône la baisse des impôts, la défense de la propriété…”
Que gagnerait l’extrême droite en cas de victoire face à la NUPES ?
Une telle situation, estime Christophe Bouillaud, ne serait pas sans avantage pour les oppositions de droite et d’extrême droite, qui s’imposeraient alors en tant que faiseurs de roi.
“C’est un jeu gagnant, puisque la droite et l’extrême droite se contenteront d’approuver les mesures proposées par la majorité présidentielle quand elles les jugeront positives et tireront les fruits de cette action auprès de leurs électorats respectifs. Elles n’auront pas, en revanche, à assumer le contre-coup médiatique. Cela reviendra au gouvernement”, détaille le politologue.
Les gains potentiels, pour le Rassemblement national, ne s’arrêtent pas là. “Nous avons pu observer d’autres situations similaires en Europe, ces dernières années. La scène danoise ressemblait assez à ce qui pourrait se faire en France : le gouvernement, conservateur, a bénéficié du soutien d’un groupe parlementaire d’extrême droite. Cela a évidemment donné lieu à des accords sur l’immigration”, rappelle l’universitaire.
Dès lors, une victoire de Jean-Philippe Tanguy entraînerait assez mécaniquement un virage à droite pour ce nouveau mandat Macron. Avec le risque, assez limité pour le Rassemblement national, d’être absorbé dans une coalition de majorité ou d’être finalement associé à l’exercice du pouvoir.
“Rappelons aussi qu’une victoire de la gauche propulsant Éric Coquerel à la présidence de la Commission des finances ne permettrait pas à la NUPES de récupérer un réel pouvoir de blocage. Quoiqu’il arrive, la coalition de gauche demeure minoritaire au palais bourbon et ne bénéficie donc que d’un pouvoir de nuisance. Pour autant, la seule existence de la NUPES met le doigt sur ce qui devrait être fait… mais ne peut parallèlement pas être réalisé. C’est l’expression d’une véritable césure qui traverse la population au sujet de l’économie de marché, de secteurs en souffrance, du durcissement du conflit social”, note Christophe Bouillaud pour qui la coalition des forces de gauche traduit cette forme de radicalité.