Politique : Pourquoi Emmanuel Macron touche-t-il tout le monde ? AFP
Poser une main sur un bras ou une épaule instaure un climat de confiance. Le président Emmanuel Macron raffole de cette approche, au risque de s'affranchir des protocoles. Ce qui n'a pas manqué mercredi 20 septembre 2023, lors de la visite du roi d'Angleterre, Charles III. Voici ce que cela pourrait signifier, selon l'analyse d'un spécialiste de la communication.
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Vous l'avez sûrement remarqué  ces derniers jours, sur les clichés et vidéos à l'occasion de la visite  du couple royal, Emmanuel Macron raffole du contact: poser une main sur un bras ou une épaule. Et ce, au risque de s’affranchir des protocoles... Mais pourquoi prend- t-il ce risque ? Est-ce naturel? Un spécialiste de la communication, interviewé par Ouest-France nous explique tout. 

Le protocole anglais l'interdit formellement

Car oui : "un président ne devrait pas faire ça". En tout cas, surtout pas selon le protocole anglais. Et Mercredi 20 septembre 2023, Emmanuel Macron a largement fait fi des conseils de l’édition du soir, en présence de Charles III. Il a lui  en effet et à plusieurs reprises, a touché le bras, et poser la main sur le dos : ce que le protocole interdit pourtant formellement.

Mais, malgré les apparences, le pensionnaire de l’Élysée n’est pas devenu subitement tactile. Il tâte, en effet, très régulièrement ses interlocuteurs. Pour Philippe Breton, professeur émérite de l’université de Strasbourg et auteur de La parole manipulée, cette façon de faire n'a rien de vraiment spontanné et tient en réalité de la stratégie. " On peut toucher quelqu’un sans vouloir manipuler, mais ça fait partie des nombreuses techniques enseignées pour avoir la confiance d’un auditoire. C’est une instrumentalisation du toucher de la relation affective naturelle.", analyse-t-il.

Instaurer un climat de confiance

Cette proximité permet alors d’instaurer un climat de confiance. Une approche qui a fait ses preuves. "Des travaux en psychologie sociale le montrent. Il y a une efficacité du toucher, mais une efficacité à court terme", prévient le sociologue.

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Mais quel est le but ? Il n'est évident mais pas si simple à atteindre. Il s'agit en effet defranchir la porte de l’espace privé de la personne, qui peut varier d’un individu à l’autre. Mais il ne faut pas s’aventurer trop loin. Car le risque est sans retour : "Sinon la personne se raidit", explique celui qui a enseigné l’argumentation à l’Ena, l’École nationale de l’administration, remplacée en 2022 par l’Institut national du service public. Mais alors jusqu'où peut-on aller et comment savoir quand s'arrêter avec cette technique ?

Le toucheur doit prendre en compte la culture du touché

Pour savoir jusqu’où aller, le toucheur doit notamment prendre en compte la culture du touché. Un Japonais, par exemple, pourrait trouver la manœuvre brutale. "Des variations dont Macron ne semble pas tenir compte. Il se fait parfois rembarrer", note le spécialiste de la communication.Charles III, lui, n’a rien laissé paraître. " Il faut rapporter ça à l’interlocuteur. C’est difficile de porter un jugement sur l’attitude de Macron en général. Il faut juger au cas par cas. Parfois, ça fait partie de la relation", explique Philippe Breton.

L’expert juge par ailleurs que l’avantage peut être double. "Il y a l’effet avec la personne, mais aussi vis-à-vis du monde qui regarde l’image. C’est bien joué", reconnaît l’universitaire qui décrypte ainsi le message envoyé : "Je suis l’égal des grands du monde." Une tactique que le président russe Vladimir Poutine aurait déjouée, en février 2022, en plaçant le président français à l’autre bout d’une longue table. "En le mettant à 15 mètres, il dit “tu n’es pas mon pote et surtout pas mon égal ” ", interprète Philippe Breton. Mais, pourquoi le président s'entête dans cette technique mais lorsqu'elle ne fonctionne pas ?

Le contact est un vieil outil de campagne

Selon l'expert, il faut plonger dans la psyché d’Emmanuel Macron pour tenter d’expliquer cet entêtement pour la tape sur le bras. "Il a quelque chose à prouver. Il n’est pas certain d’être à sa place de président. Il faut qu’il se rassure. Donc il surjoue. Ça renvoie à une faille", propose le sociologue.

Emmanuel Macron n’est évidemment pas le premier politique à chercher la proximité. Le contact est un vieil outil de campagne. "Quand certaines personnes serrent la main du président, c’est un événement dans leur vie. Chirac était l’artiste de cela. Il serrait des mains à la volée", rappelle Philippe Breton, qui met cependant en garde les imitateurs : " L’efficacité est liée au fait que vous ne vous rendez pas compte que vous êtes manipulés. " Il s'en trame des choses derrière une simple poignée de main.