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Rachida Dati, Christian Jacob... Près d'une décennie après la fin du mandat de Nicolas Sarkozy, ils sont encore nombreux, à droite, à courir après ses faveurs. Le jeudi 27 février 2020, l'ancien chef de l'Etat se rendait pour la première fois au siège des Républicains depuis bientôt quatre ans, rapporte BFMTV. Il venait précisément y distribuer quelques bons points puisqu'il avait rendez-vous avec le chef du parti qu'il a créé puis dirigé jusqu'en 2016.
A l'approche des municipales, le dernier président de la République issu du sérail de la droite traditionnelle a voulu "donner un signe d'amitié et de fidélité" à Christian Jacob. Par le passé, rappelle Le Figaro, il avait d'ores et déjà eu quelques tendres mots à son égard. "Il est pour moi l'exemple même de fidélité et de loyauté", déclarait-il en début de mois, dans les colonnes du même quotidien.
Mais il n'y a pas qu'à son ami et successeur qu'il accorde des marques de son affection. L'homme d'État a aussi fait savoir qu'il serait présent le 9 mars, au côté de Rachida Dati, dans le 8ème arrondissement de Paris. Ils se retrouveront salle Gaveau pour un meeting de campagne, là où l'ancien ministre de Jacques Chirac avait fêté sa victoire le 6 mai 2007.
Nicolas Sarkozy empêche-t-il un nouveau leader d'émerger à droite ?
Pour autant une question demeure : l'ancien chef de l'Etat occupe-t-il trop de place ? Est-il cet arbre qui cache la forêt et dont le ramage barre la lumière nécessaire aux autres ? D'aucuns, en 2016, l'accusaient déjà de "bloquer le jeu" et critiquaient sa mainmise sur l'appareil au cours de la primaire. Aujourd'hui encore, aucun autre leader ne semble émerger des rangs de la droite républicaine. Pas de nouvelle génération de dirigeants potentiels.
Est-ce à dire que l'analyse de Jean-François Copé et Nathalie Kosciusko-Morizet, dont Le Parisien se faisait l'écho, est pertinente ? Pas nécessairement, affirme le politologue Christophe Bouillaud. Enseignant-chercheur auprès de l'Institut d'Études Politiques (IEP, Sciences-Po) de Grenoble, il juge au contraire que l'ancien président n'est qu'un symptôme.
"La droite est légitimiste par essence. Par conséquent, elle a du mal à se détacher de ses anciens leaders. Particulièrement quand, comme dans le cas de Nicolas Sarkozy, c'est le dernier président de la République en date à venir de leurs rangs", explique-t-il. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ai pas de problème Nicolas Sarkozy pour autant…
"C'est vrai, la droite n'a plus aucune personnalité susceptible de remplacer l'ancien chef de l'Etat. C'est une famille politique qui fait face à son incapacité à se donner un dirigeant qui fait consensus", analyse le chercheur. "Après les primaires, Laurent Wauquiez a pris les commandes du navire, avant d'être rejeté après la défaite aux européennes. A certains égards, Nicolas Sarkozy incarne donc une époque bénie", résume-t-il ensuite.
La droite manque-t-elle de personnel politique ?
"Nicolas Sarkozy n'est pas la source du problème que rencontre la droite – et que partage aussi la gauche, par ailleurs. Il n'en est qu'un symptôme. Le vrai problème vient du fait que la droite manque aujourd'hui de personnel politique. Les anciens Premiers ministres sont tous âgés ou en réserve de la République. Les 'jeunes générations' qui occupaient un maroquin lors de la dernière mandature des Républicains n'ont pas marqué l'histoire de leur mandat. Il est dur de citer une réforme conduite par Xavier Bertrand et qui soit mémorable, par exemple", estime d'entrée de jeu l'enseignant, qui juge d'ailleurs que l'ancien président ne survit politiquement que parce que personne n'est assez fort pour le tuer. "S'il avait été remplacé, il aurait mécaniquement pris ses distances avec la vie politique, comme ont pu le faire Jacques Chirac ou les autres présidents de droite", explique-t-il.
Nicolas Sarkozy persiste donc par faute de mieux, comme peut le faire Alain Carignon à Grenoble, explique Christophe Bouillaud. Pour autant, la droite semble entretenir de manière systémique ce choix par défaut... "Le parti est piégé par son idée qu'il faut forcément être vieux pour faire un bon dirigeant. Laurent Wauquiez, un Républicain de la jeune génération, a été sacrifié trop vite. D'autres, comme François Baroin, apparaissent comme de faux-jeunes mais sont en vérité là depuis des années", souligne-t-il. Et lui de poursuivre : "À droite comme un gauche, un vrai problème de personnalités se pose. Le PS et les Républicains ont beaucoup d'élus de second rang de grande qualité, mais ils n'arrivent pas à les faire monter et les rendre présidentiables. C'est l'un des effets de l'hyper-présidentialisation qui a commencé sous Nicolas Sarkozy".
Un Nicolas Sarkozy ambigu qui pénalise son camp ?
L'autre problème que Nicolas Sarkozy pose à la droite, juge Christophe Bouillaud, c'est qu'il ne l'aide pas à exister vis à vis de La République en Marche d'Emmanuel Macron. "Il est à la fois le leader de la droite et le conseiller du prince. Mécaniquement, cela devient difficile, chez les LR, de pointer du doigt les défauts d'un parti quand le chef spirituel en chante les louanges", note le chercheur.
Cela n'est pas sans poser une certaine question : quelle identité la droite devrait-elle adopter pour pouvoir se démarquer de cet autre parti, centriste, qui lui a arraché le vote libéral ? "Il va falloir faire une croix sur cet électorat", assène sans ambages le politologue. "Sauf à ce qu'Emmanuel Macron se rende coupable de quelque chose de très grave, il ne sera pas possible de reconquérir les Françaises et les Français qu'il a su séduire. Il va falloir revenir à une droite sociale, qui dit non à l'austérité et qui réalise, par exemple, qu'il n'est pas possible de privatiser les hôpitaux en pleine période d'épidémie", détaille le professeur, pour qui il est urgent pour la droite de changer de secteur.
"Les Républicains, s'ils veulent revenir en force, doivent renouer avec leur aspect régional et leur électorat provincial. Ils doivent se recentrer sur les valeurs qui leur avaient permis, jusqu'à présent, de conquérir ce cœur de cible, ce qui signifie mener une politique inter-classiste, qui accepte l'idée de dépense publique tout en restant conservatrice", précise-t-il.